Stratégie

Comment l'Agence du Numérique de Défense va structurer les projets IT des armées

Comment l'Agence du Numérique de Défense va structurer les projets IT des armées
Nicolas Fournier, directeur général du numérique et des systèmes d'information et de communication du Ministère des Armées, a remplacé à ce poste le vice-amiral d’escadre Arnaud Coustillière.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°185 !
La souveraineté numérique, un enjeu majeur trop négligé

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Le nouveau DGNum du Ministère des Armées, Nicolas Fournier, revient sur la création de l'Agence du Numérique de Défense (AND) : sa raison d'être, pourquoi son rattachement à la DGA et ses modalités de fonctionnement aux côtés de la DIRISI, du Comcyber et de la DGNum. Le modèle défendu ici pourrait aussi être pertinent dans les industries privées.

PublicitéFlorence Parly ne cesse pas de se préoccuper du numérique au Ministère des Armées. Mi-2018, un an après sa nomination à son poste actuel, elle avait ainsi transformé la DGSIC (Direction générale des systèmes d'information et de communication) en DGNum (Direction générale du numérique et des systèmes d'information et de communication) avec des compétences élargies. Le 1er décembre, elle a annoncé la création d'une nouvelle structure, l'Agence du Numérique de Défense (AND) pour début 2021. Celle-ci sera le bras armé du Ministère pour mener les projets informatiques, de A à Z.

Cette création ne touche pas aux autres structures déjà en place : la DGNum, bien sûr, mais aussi la DIRISI (Direction Interarmées des Réseaux d'Infrastructure et des SI de la Défense) et le Comcyber (Commandement de la cyberdéfense). Ces deux derniers sont rattachés à l'État Major tandis que la nouvelle AND est sous l'autorité du Délégué général pour l'armement (DGA). La DGNum, quant à elle, est directement rattachée à la ministre. Nicolas Fournier, qui dirige la DGNum, nous a expliqué comment s'articulaient ces différentes structures et les raisons d'être de l'AND.

Quatre structures pour quatre missions bien identifiées

La DGNum est en charge de la gouvernance, de la définition de la stratégie et du pilotage de l'ensemble. Cela ne change pas. De la même façon, « il n'est pas question de modifier la DIRISI ou son rattachement » a insisté le DGNum. La DIRISI est en effet l'opérateur ministériel dont « le barycentre reste la conduite des opérations militaires ». Son rattachement à l'Etat-Major est donc conservé et confirmé. Le Comcyber conduit la cyber-défense de l'ensemble du ministère. Sa mission est permanente et consiste à superviser mais aussi à déclencher des actions ou à mener des vérifications. Nicolas Fournier constate : « le seul sujet qui restait était la conduite des projets, ce qui n'est pas le travail de la DIRISI et c'est bien ce sujet qui est traité par la création de l'AND. » On se souvient du traumatisme provoqué par l'échec du programme de refonte de la paye Louvois et les différents audits avaient tous pointé les faiblesses en matière de conduite de projet.

L'AND, donc, va mener les projets, de la gestion de la demande métier à la fin de vie (avec le retrait et la bascule sur le projet de remplacement) en passant par la conception, la réalisation, la mise en production, l'évolution... Elle sera l'interlocuteur unique des métiers et opérera comme une maîtrise d'ouvrage déléguée. Mais le rattachement à la DGA ne peut qu'interroger : le numérique n'est pas (toujours) un système d'arme, dont la conception est l'objet de la DGA. Celle-ci s'occupait évidemment déjà de l'informatique embarquée dans les dits systèmes d'armes (missiles, avions, etc.).

PublicitéUn pôle unique d'ingénierie

Suite à l'échec de Louvois, c'est en fait déjà la DGA qui avait repris le flambeau pour créer Source Solde, « qui donne satisfaction » précise Nicolas Fournier. Il explique : « ce choix a été fait il y a plus de cinq ans. La première grande raison, c'est que des projets numériques impliquent une conduite de projet complexe et de l'ingénierie. Or, au ministère, le pôle compétent en la matière est bien la DGA : les systèmes d'armes sont confrontés aux mêmes difficultés que les systèmes informatiques, avec des préoccupations similaires de sécurité dès la conception, d'adaptation ergonomique, etc. »

La deuxième raison est relative, justement, aux compétences mobilisées. « Si l'on avait créé un deuxième pôle d'ingénierie, on risquait d'amener des doublons et des dispersions de compétences » pointe le DGNum. Avec l'AND, la DGA se dote d'un pôle original, dédié au numérique, et pas rattaché au pôle opération dont les méthodes sont tout de même différentes. Nicolas Fournier reconnaît tout de même : « certes, les tempos ne sont pas les mêmes. Les systèmes d'armes, très onéreux, sont à stabiliser dès l'origine tandis que, pour le numérique, il est indispensable de disposer d'agilité. Les systèmes d'armes sont livrés et, ensuite, soutenus par les forces ; les systèmes informatiques ont une réalisation qui ne s'arrête jamais, jusqu'à leur retrait. »

L'agilité n'est pas oubliée

L'AND n'est pas créée à partir de rien. Il y a donc, déjà, la fameuse cellule de la DGA ayant mis en oeuvre Source Solde. Mais ce n'est pas tout. L'AND va aussi fédérer des équipes dispersées géographiquement, au plus près des métiers et, le cas échéant, des forces. Nicolas Fournier insiste sur « la nécessité de la proximité géographique avec les métiers ». Ces équipes bénéficieront d'un pilotage matriciel avec, d'un côté, la ligne métier, et, de l'autre, la ligne conduite du projet numérique. L'objectif est d'harmoniser les méthodes en bénéficiant des meilleures pratiques. L'AND sera également à même de mener du conseil de type assistance à maîtrise d'ouvrage pour optimiser la capacité à, à la fois, mettre à jour les systèmes informatiques tout en maintenant à niveau le Legacy. L'équilibre entre l'« ancien » et le « nouveau » sera effectué avec l'éclairage technique de l'AND délivré au métier.

Une telle structuration peut faire craindre que, justement, développement et production soient séparés, en infraction avec les meilleures pratiques de type DevOps. « En fait, l'Unité de Management Socle Numérique créée il y a deux ans et commune à la DGA et à la DIRISI a été la première étape de création de l'AND » rassure Nicolas Fournier. Ce rapprochement est donc maintenu et étendu à tous les applicatifs afin d'assurer, précisément, la cohérence Dev/Ops. Et les services offerts par le « socle » doivent, en plus, progresser au fil des besoins des applicatifs métiers ».

Quels choix de fournisseurs ?

Quand on parle de projets au Ministère de la Défense et de stratégie informatique, on ne peut que s'intéresser aussi aux choix de fournisseurs. Or les contrats avec de grands acteurs américains, notamment Microsoft, interrogent voire inquiètent en raison des propensions de nos amis et alliés d'Outre-Atlantique à une certaine curiosité pas toujours bienvenue quand on parle de la chose militaire. Nicolas Fournier précise de suite : « il y a deux angles dans ce sujet. Le premier est la stratégie de choix des logiciels achetés sur étagère, le second l'aspect contractuel. Sur ce deuxième point, il n'y a pas d'open-bar Microsoft comme on l'a trop souvent dit mais une négociation avec des conditions intéressantes et nous continuons de négocier en acheteurs publics. Sur la stratégie de choix, notre position est constante, avec une logique ouverte, sans réticence à opter pour du Microsoft ou autre chose. »

Il y a cependant une ligne rouge infranchissable : le cloud public. « Certes, la bureautique n'est pas un système souverain mais, par contre, nous devons avoir une garantie absolue d'indépendance et de contrôle de la donnée, donc de souveraineté, et, de ce fait, pour nos produits bureautique Microsoft, le seul cloud possible est le C1 [selon la classification interministérielle] » insiste Nicolas Fournier. Cela dit, le DGNum admet qu'il n'est pas non plus intéressant d'être trop lié à un éditeur ou un autre, ce qui retire dès lors toute capacité de négociation. Nicolas Fournier concède donc : « nous savons qu'il y a des alternatives mais nous avons un raisonnement à la fois économique et sur les compétences des utilisateurs. Aujourd'hui, l'optimum est comme il est. »

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