Comment instaurer une culture IT tournée vers le service : les conseils de 5 DSI
Pour l'image de la DSI en interne, mais aussi pour la perception que les clients ont d'une organisation, la qualité des services IT est vitale. Elle nécessite l'instauration d'un nouvel état d'esprit au sein de la DSI. Compétences, missions, KPI : zoom sur les points que peinent à maîtriser de nombreux responsables IT pour renforcer la culture du service au sein de leur département.
PublicitéIl fut un temps pas si lointain où la pensée dominante dans les organisations informatiques était « ce que nous livrons est plus important que la manière dont nous le faisons ». Aujourd'hui, les DSI les plus avisés reconnaissent que le sens du service peut faire ou défaire la réputation de leur équipe. Une culture de l'excellence du service garantit que l'organisation informatique est perçue et entendue comme un partenaire précieux au sein de l'entreprise. Mais quels ingrédients faut-il réunir pour y parvenir ? Tout d'abord, il faut savoir de quoi l'on parle. Être orienté vers le service ne signifie pas être soumis. Et une bonne stratégie de service ne consiste pas à tout faire pour tout le monde.
Lors d'une récente table ronde virtuelle organisée par CIO aux Etats-Unis, cinq responsables IT ont fait part de leur expérience et de leurs meilleures pratiques en la matière. Les participants à la discussion étaient Brian Abrahamson, directeur de laboratoire associé et Chief Digital Officer du centre de recherche publique américain Pacific Northwest National Laboratory (PNNL, qui emploie plus de 5 700 personnes dans l'Etat de Washington) ; Renee Ghent, vice-présidente en charge des opérations clients chez HealthEdge (éditeur de logiciels dans la santé) ; Karen Juday, ancienne directrice du support informatique à l'Université de Californie, aujourd'hui en charge de l'excellence des services chez Ouellette & Associates (conseil IT) ; Miloš Topić, vice-président en charge de l'informatique et du digital de la Grand Valley State University (Michigan) ; et David Vidoni, vice-président IT chez l'éditeur Pegasystems.
A quoi ressemble un état d'esprit orienté vers le service ?
Bien que les responsables IT réunis à l'occasion de cette discussion représentent des secteurs d'activité divers, leurs approches du service présentent de nombreux points communs. Le plus important consiste à transformer la mentalité de l'équipe IT, à passer d'une posture 'nous contre eux' à une attitude où le 'nous' prédomine.
« Je pense que nous avons rendu un bien mauvais service à l'IT en faisant constamment référence à l'informatique d'un côté et à l'entreprise de l'autre, en créant artificiellement ce fossé », explique David Vidoni de Pegasystems. « Nous travaillons tous pour les mêmes objectifs : offrir de meilleurs résultats aux clients et assurer la réussite de nos organisations. Nous devons donc changer l'état d'esprit des deux côtés, et nous devons tirer parti de nos forces respectives pour atteindre un objectif commun. »
Une perspective totalement différente de celle selon laquelle le service consiste à recevoir des ordres et à répondre à des demandes. À l'inverse, Brian Abrahamson, du PNNL, estime qu'une culture informatique axée sur le service devrait contribuer à établir une relation de confiance, de sorte que la DSI soit considérée comme un partenaire à part entière. Pour ce faire, il faut être capable de parler le langage de l'entreprise et de réfléchir de manière proactive à ce qui pourrait le mieux servir le client. « L'excellence du service se résume à la compréhension des besoins du client », reprend David Vidoni.
PublicitéDes clients qui peuvent être internes ou externes. En fait, l'expérience acquise avec les clients externes peut même mise à profit et appliquée en interne également. « La touche secrète sur laquelle nous essayons de capitaliser est d'apporter ces expériences de niveau consommateur sur le lieu de travail, explique ainsi Brian Abrahamson. Après tout, nous sommes tous des consommateurs, et en tant que tels, nous avons été conditionnés à attendre des expériences simples et faciles. Pourquoi en serait-il autrement au bureau ? » Pour que cet état d'esprit axé sur l'expérience soit au coeur de sa stratégie de service, son équipe du Pacific Northwest National Laboratory suit un credo qui met l'accent sur trois éléments majeurs : l'audace, la facilité d'usage et la personnalisation.
Brian Abrahamson, directeur de laboratoire associé et Chief Digital Officer du centre de recherche publique américain Pacific Northwest National Laboratory (état de Washington). (Photo : D.R.)
Faire preuve d'audace, c'est agir en tant que leader d'opinion pour faire avancer ses idées ou développer celles des autres. La facilité renvoie à « une volonté obsessionnelle de simplicité, afin que nous devenions la référence dans tout ce que nous faisons, car les meilleurs scientifiques ne viennent pas ici pour se noyer dans des processus bureaucratiques », reprend le Chief Digital Officer du labo de recherche spécialisé dans l'énergie. Le troisième aspect, la personnalisation, concentre les efforts de nombreux responsables technologiques aujourd'hui, en particulier maintenant que nous disposons des outils d'analyse et d'automatisation nécessaires pour rendre les expériences plus individualisées. La personnalisation des services consiste à faire en sorte que les clients « se sentent considérés comme des humains et non comme des numéros », comme le résume Brian Abrahamson.
Pour appliquer ce principe, la DSI doit être parfaitement au clair sur ses missions et objectifs. « Il est très facile de dire : 'Je ne fais qu'écrire du code ou je ne fais que traiter un dossier d'éligibilité', note Renee Ghent de HealthEdge. Pour humaniser l'expérience, nos ingénieurs doivent reconnaître que tout ce qu'ils font contribue à améliorer le système de santé pour les individus ».
D'où le besoin de mettre l'accent sur l'impact des initiatives et développements de la DSI. Lorsque les professionnels de l'informatique recherchent de manière proactive des moyens de mieux servir et répondre aux besoins des clients, non seulement ils établissent des liens plus solides avec les autres services de l'entreprise, mais ils ont également tendance à être intégrés dès le début du processus décisionnel - au lieu d'être sollicités à la dernière minute. Ce qui est, par ailleurs, un gage de succès des projets IT. Alors que de nombreuses DSI ont encore du mal à se faire inviter à cette première réunion, l'instauration d'un climat de confiance grâce à l'excellence du service peut changer la donne. Le conseil de Miloš Topić : « Trouvez un moyen d'être présent, de diriger, de faire avancer les choses, mais n'en faites pas une affaire personnelle. Faites en sorte que les discussions s'orientent vers l'impact des projets IT. »
Mesurer ce qui compte vraiment
Comprendre ce que recouvre réellement l'excellence du service aidera également tout DSI à mesurer les bons indicateurs et à s'assurer qu'il obtient une image complète de la satisfaction des clients et de l'engagement des collaborateurs. « Nous sommes tombés dans le piège de nous concentrer uniquement sur les mesures de réactivité, la rapidité avec laquelle nous résolvions les tickets, le nombre d'appels abandonnés, ce genre de choses, explique David Vidoni. Le problème ? Cette focalisation a créé un effet pastèque, où tout semblait vert à l'extérieur, mais où, en creusant un peu, on trouvait des poches de rouge - le véritable niveau de satisfaction et d'engagement vis-à-vis du service. » Son équipe s'intéresse toujours aux paramètres de réactivité, mais elle se penche également sur des aspects plus qualitatifs, tels que le sentiment des employés à l'égard de la technologie et la productivité qu'ils en retirent.
Dans l'organisation de Renee Ghent, ces données qualitatives existaient, mais n'étaient pas partagées avec l'équipe. Par conséquent, il lui manquait non seulement les commentaires sur ce qui devait être amélioré, mais aussi les réactions positives et les appréciations témoignant de ses efforts pour résoudre les problèmes. « Aujourd'hui, nous recevons ces résultats tous les trimestres, et je prends le temps de les passer en revue avec l'ensemble de l'équipe, explique la responsable de HealthEdge. Nous passons en revue les commentaires négatifs, mais nous célébrons aussi les choses positives que nos clients disent de nous. Cela ne nous a rien coûté et nous a aidés à réorienter notre équipe pour qu'elle soit plus motivée et plus fière du travail qu'elle accomplit ».
Renee Ghent, vice-présidente en charge des opérations clients chez HealthEdge. (Photo : D.R.)
Karen Juday, qui a rédigé sa thèse de doctorat sur l'amélioration de la satisfaction clients grâce à l'excellence des services IT, reconnaît que la réactivité n'est que la partie émergée de l'iceberg. Pour la formation des professionnels de l'informatique, elle utilise le modèle RATER, publié à l'origine dans l'ouvrage Delivering Quality Service, de Valarie Zeithaml, A. Parasuraman et Leonard Berry. Un acronyme qui masque les cinq axes suivants :
- Réactivité : fournir un service dans les délais prévus par le client - et faire savoir à ce dernier où il en est dans le processus.
- Assurance : insuffler à votre client la confiance dans vos compétences pour mener à bien le travail attendu. Les accords sur les niveaux de service et les garanties offertes sont associés à l'assurance.
- Tangible : cette notion englobe tout ce que le client touche ou avec lequel il entre en contact - espaces physiques, sites web, communications et tout autre élément avec lequel il interagit.
- Empathie : faire preuve d'attention et de compréhension. L'empathie n'est pas suffisante en soi, mais lorsqu'elle est bien prise en compte, elle constitue un avantage concurrentiel et un facteur de différenciation.
- Fiabilité : autrement dit, le juge de paix au moment de la livraison. Outre le fait de savoir si le système fonctionne comme prévu ou annoncé, il s'agit de respecter les engagements pris.
Si vous n'obtenez pas toutes les données nécessaires pour évaluer les progrès et les domaines à améliorer, David Vidoni conseille : « Tendez la main et travaillez avec les autres départements pour y faire naître des champions qui peuvent défendre vos intérêts - pour faire remonter les commentaires et les retours que vous n'entendez peut-être pas. Il est important d'instaurer la confiance à ce niveau également ».
Construire une culture orientée vers le service
Comme tout effort visant une transformation du positionnement d'une équipe, la création d'une culture axée sur le service est un processus continu et à multiples facettes, et non un projet avec un début et une fin. Brian Abrahamson maintient l'élan créé grâce à un renforcement continu et au partage d'exemples concrets de ce qu'est un excellent service. « Nous racontons des histoires de ce type lors de réunions avec l'ensemble du personnel, en insistant sur la fourniture de capacités ne nécessitant aucun effort de l'utilisateur ou sur la personnalisation d'une partie de nos services pour un client, explique-t-il. Il s'agit de célébrer ces réalisations et de les rendre très concrètes. Il faut que toute l'organisation réfléchisse à la manière de simplifier et de personnaliser l'expérience, et pas seulement l'équipe de direction. »
Outre un environnement favorable, les recherches de Karen Juday mettent l'accent sur le rôle des dirigeants, notamment pour fixer les objectifs et y associer des incitations récompensant la qualité du service. Miloš Topić, de la Grand Valley State University (Michigan), ajoute : « Il faut incarner le comportement attendu. Je crois que tout commence et se termine par ces postures de leadership. Elles font une énorme différence. » Et de souligner qu'il ne s'agit pas seulement des dirigeants au sommet de l'organigramme ; les responsables directs jouant un rôle prépondérant dans la culture de la DSI.
Miloš Topić, vice-président en charge de l'informatique et du digital de la Grand Valley State University, dans le Michigan. (Photo : D.R.)
« Un de mes amis utilise l'acronyme SIP : vous devez à la fois être un soutien, une source d'inspiration et un acteur positif, même lorsque votre perception ou votre humeur sont différentes. Parce que le vrai changement se produit lorsque vous le propagez dans les équipes. Si les collaborateurs reçoivent un message de ma part, mais un autre de leur supérieur immédiat, cela crée de la fragmentation et de la confusion », explique Miloš Topić.
Au niveau individuel, les collaborateurs doivent être motivés pour atteindre l'excellence du service et comprendre ce qu'ils y gagnent. « Cela renvoie également à l'influence des dirigeants, qui doivent affirmer l'importance de ce sujet à leurs yeux et le montrer en récompensant l'excellence du service », ajoute Karen Juday.
Autre élément important de la motivation des équipes : avoir le sentiment de posséder les compétences nécessaires pour fournir un excellent service. De nombreux professionnels de l'informatique se concentrent actuellement sur le développement de leurs compétences techniques, mais ne reçoivent aucune formation en matière de prestation de services. De plus en plus, les DSI reconnaissent le caractère essentiel de la formation de leurs équipes sur des compétences non techniques. Selon Karen Juday, après une formation sur l'excellence du service à l'aide du modèle RATER, le temps de réponse aux clients de son équipe est passé de 4 à 5 jours en moyenne... à 4 à 6 heures.
L'équipe de David Vidoni (Pegasystems) se lance également dans une formation sur l'excellence du service, dans le but d'accroître la valeur et l'impact de son activité. « Nous voulons donner à l'équipe les outils nécessaires pour qu'elle se sente plus confiante et plus à l'aise dans l'exécution cohérente des tâches qui lui sont confiées. Je pense que cette formation contribuera à réduire les frictions, à faciliter l'engagement des équipes, à améliorer l'expérience clients et collaborateurs et, en fin de compte, à obtenir de meilleurs résultats », dit-il.
Faire en sorte que chaque interaction compte
Les études montrent qu'il faut en moyenne 12 expériences positives pour regagner la confiance perdue à la suite d'une seule expérience négative. Des moments de vérité qui peuvent faire ou défaire une relation, renforcer ou éroder la crédibilité de l'équipe. Chaque point de contact tout au long du parcours client, qu'il soit central ou plus anecdotique, compte. Et souvent, comme le dit Brian Abrahamson, « ce sont les petites choses qui comptent le plus ».
Comme l'explique Renee Ghent, « à chaque instant de chaque interaction avec un client, chaque employé de l'entreprise est potentiellement en train de lui vendre quelque chose, un contrat de services professionnels ou un autre de nos produits. Les clients observent l'expérience que nous leur offrons ».
La cartographie de ces moments de vérité à travers les différents points de contact entre les clients et votre organisation s'avère donc extrêmement précieuse pour évaluer les niveaux de service et déterminer là où des améliorations sont nécessaires. Mais attention à ne pas en faire une expérience théorique. « Vivez-là plutôt par vous-même », recommande le DSI et Chief Digital Officer de la Grand Valley State University. Dans son cas, ce dernier s'assoit avec une tasse de café dans l'une des bibliothèques du campus, dos au bureau de service, faisant mine d'être au téléphone pour mieux écouter ce qui se passe. « Et je passerai moi-même un coup de fil pour voir ce que cela donne. Je me promènerai dans les laboratoires pour évaluer ce qu'il en est. Quelle est la durée de l'attente ? Pourquoi les étudiants se tiennent-ils dans ce coin sans que personne ne les salue ? Vivez ces expériences qui influenceront de manière significative les décisions que vous prendrez ».
Article rédigé par
Dan Roberts, IDG NS (Adapté par Reynald Fléchaux)
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