Comment France Télévision pilote ses coûts au niveau groupe


Les fournisseurs des DSI bousculés
La vie n'est pas un long fleuve tranquille pour les DSI. Mais cet adage est également vrai pour leurs fournisseurs, bien bousculés ces derniers temps.Pour commencer, ils se bousculent entre eux. La recomposition du marché est parfois évidente sur des tâches jadis souvent confiées aux SSII...
DécouvrirL'unification progressive du groupe France Télévision s'est accompagnée d'un programme de pilotage des coûts avec MyABCM intégré par Keyrus et hébergé par ITS Intégra.
PublicitéSociété anonyme de droit privé mais à actionnaire unique public (l'Etat), le groupe France Télévision assure le service public audiovisuel au travers de ses différentes chaînes et marques (France 2, France 3, France Ô, etc.) pour que tous les publics trouvent à s'informer, se cultiver et se divertir grâce, notamment, à ses près de 8900 collaborateurs permanents.
Ce groupe revendique la première audience cumulée du paysage audiovisuel français tant en diffusion hertzienne (28,8% de part d'audience) que sur le web (plus de 200 millions de vidéos vues par mois). Près de 90% de son budget de 2,8 milliards d'euros provient de la redevance. Mais la pression générale sur les budgets publics oblige le groupe, depuis des années, à toujours mieux maîtriser ses coûts.
Eric Piaumier, directeur AMOA Finance de France Télévision, et Philippe Bouliet, chef du projet pilotage des coûts, ont témoigné de leur programme de maîtrise des coûts le 15 mars 2016 à l'invitation de l'intégrateur Keyrus. France Télévision a en effet opté pour la solution MyABCM intégrée par Keyrus et hébergée par ITS Intégra. Le projet a été mené sans intervention de la DSI, même si celle-ci a évidemment été mise dans la boucle des décisions prises. En effet, la DSI ne disposait pas de ressources propres suffisantes et a donc validé le recours à une solution externalisée pilotée par le métier.
Contrôler les coûts, de quoi s'agit-il ?
L'analyse des coûts est devenue nettement plus complexe qu'auparavant. Les simples affectations à des postes analytiques ont laissé place à des analyses de coûts et de rentabilité plus fines et surtout plus multidimensionnelles. Par exemple, il ne suffit pas de savoir à combien revient un produit mais à combien revient ce produit sur tel canal, dans tel contexte ou pour telle typologie de clients.
La complexité s'accroît également à cause d'une mutation de la structure des coûts. Les coûts directs faciles à affecter (matières premières, main d'oeuvre directe...) diminuent au profit de coûts indirects aux affectations nettement plus délicates (marketing, logistique, IT...). Le pilotage des coûts devient donc une activité qui exige ses propres outils et ses experts.
Mettre en oeuvre ABC/ABM
La méthode ABC (Activities Based Costing) / ABM (Activities Based Management) s'est déployée en même temps que les PGI à partir du milieu des années 1990. Cette double méthode vise à définir combien et comment on dépense mais aussi pourquoi on dépense afin d'analyser les leviers d'accroissement de la performance économique. Projet structurant, la mise en oeuvre de cette méthode exige une forte implication et un soutien sans faille de la direction générale. De plus, il faut une bonne collaboration entre les équipes finances et métier afin de définir une analyse pertinente et acceptée. Enfin, comme toujours, la gestion du changement doit être prise en compte dès la phase amont du projet.
PublicitéMais les PGI, trop rigides par principe, se sont révélés peu adaptés à la mise en oeuvre de cette méthode. A partir des années 2005-2010 ont donc commencé à apparaître des outils dédiés, en surcouche aux PGI classiques. Les contrôleurs de gestion ont souvent utilisé des feuilles Excel pour suppléer à ces rigidités mais ce contournement a bien sûr beaucoup de limites, d'où l'utilité d'un progiciel dédié capable de réaliser, par exemple, des affectations multidimensionnelles récurrentes (par exemple : calcul du coût complet d'un datacenter puis calcul du coût complet des applications hébergées sur celui-ci puis de la contribution de ces coûts au coût d'une fonction ou d'un processus).
France Télévision face au défi de l'unification
Le groupe France Télévision s'est progressivement unifié. La création d'une holding en 2000 a débouché sur celle d'une société unique en 2009. Petit à petit, les outils de gestion ont été unifiés alors que les pratiques, les méthodes et les outils étaient très disparates. Or il était de plus en plus essentiel de savoir précisément ce que coûtait chaque activité.
Un premier outil de gestion commun avait bien été mis en oeuvre dès 2006 mais le projet d'analyse de coûts n'a été relancé qu'en 2013 et mis en oeuvre en 2014. La panoplie informatique utilisée par France Télévision est par ailleurs assez classique : de l'Oracle Business Suite en PGI, la trésorerie gérée sous XRT, l'analytique budgétaire sous Hypérion...
Un ambitieux projet de contrôle des coûts
Philippe Bouliet, chef du projet pilotage des coûts, a expliqué les objectifs du programme d'analyse des coûts : « nous voulions d'une part harmoniser la refacturation interne entre services producteurs et les services diffuseurs, clients des premiers, et d'autre développer le périmètre d'ABC/ABM pour mieux allouer les ressources et mieux piloter la performance globale grâce à un suivi des coûts de revient plus précis. » La méthode ABC/ABM était en effet déjà adoptée chez France 2 et France 3 mais pas encore partout ailleurs et, surtout, les clés de répartition étaient tout à fait obscures pour les métiers, celles-ci étant enfouies dans le PGI.
France Télévision voulait donc un outil adapté pour analyser les charges et les recettes dans toutes les directions mais aussi de manière intégrée. « Nous avons examiné quatre outils : SAP PCM, SAS ABM, Oracle Hyperion et MyABCM » s'est souvenu Philippe Bouliet. Le choix s'est porté sur le dernier de la liste d'abord pour sa couverture fonctionnelle : finesse d'analyse, traçabilité des opérations et restitution des résultats. A cette première raison se sont ajoutées un bon accompagnement par les prestataires, un coût plus intéressant et, enfin, un produit fini où les contrôleurs de gestion sont globalement autonomes. Et, bien entendu, les données ne sont accessibles que selon les droits affectés à chacun.
Il leur reste des besoins de recours à des informaticiens pour l'intégration des données sources. Philippe Bouliet s'est aussi réjoui : « nous avons obtenu de MyABCM des évolutions sur le produit avec une très bonne écoute de la part de l'éditeur. Avec Oracle, ce n'est pas pas pareil... »
Pas si simple
Mais le projet ne s'est pas révélé aussi simple qu'on aurait pu le penser. En effet, la méthode appliquée au sein de France 3 -la plus avancée- s'est révélée peu adaptée à une généralisation et il a donc fallu remettre à plat les schémas d'analyse. De plus, la Cour des Comptes comme le gouvernement ont multiplié leurs demandes d'analyses. Celles-ci ont eu un impact tant sur la complexité des modèles à élaborer que sur la disponibilité des contrôleurs de gestion en cours de projet.
Comme si cela ne suffisait pas, des difficultés liées à la diversité des sources de données sont apparues. Par exemple, il existe plusieurs outils de planification, certains personnels ne sont pas planifiés, des données d'affectation sont manquantes... Sur le plan humain, les sponsors du projet évoluaient dans leur carrière, obligeant le chef de projet à réexpliquer l'intérêt de la démarche et à convaincre de nouveau à chaque changement. Philippe Bouliet s'est souvenu d'une anecdote : « une partie du coût de la couverture du Tour de France s'est retrouvée affectée à un spécial Nelson Mandela. Cette curiosité a pu être repérée et corrigée rapidement. »
Une mise en oeuvre complexe
Au final, ce sont onze modèles avec quatre moteurs de calculs qui ont dû être utilisés. La distinction a été nécessaire parce que l'un des périmètres s'est révélé extrêmement riche en donnée et un autre avait besoin d'effectuer des reversements de produits sur produits. Pour l'heure, l'outil MyABCM a 48 utilisateurs. Mais ce nombre est appelé à s'accroître.
Les gains du projets sont conséquents pour France Télévision. Ainsi, les importations de données et les calculs sont nettement plus rapides, de l'ordre de deux heures contre parfois plusieurs jours. De ce fait, l'arrêté des comptes est appelé à évoluer du trimestriel au mensuel. La productivité et l'efficacité des contrôleurs de gestion s'est également nettement accrue, la pertinence de leurs analyses également et, enfin, les coûts sont nettement mieux tracés avec un langage commun métier/direction financière.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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