Comment Estée Lauder Companies a développé une culture pour attirer et retenir les talents IT

Michael W. Smith est DSI du groupe Estée Lauder Companies. Pour cet acteur international de l'industrie de la beauté haut de gamme, qui réalise près de 15 milliards de dollars de chiffre d'affaires, il a mis en place une série de programmes pour attirer et conserver les talents IT. CIO Etats-Unis l'a interviewé.
PublicitéLe département IT d'Estée Lauder Companies (ELC) est basé à New York, où le taux de chômage est faible et la concurrence élevée. Quand Michael W. Smith est devenu DSI d'ELC en août 2017, il savait que recruter, développer et retenir les talents IT serait aussi important pour l'entreprise que l'amélioration des processus et l'engagement des clients. C'est à ce moment-là qu'avec les managers IT et le département RH, il a lancé plusieurs programmes conçus pour attirer et conserver les meilleurs et les plus brillants des talents du secteur technologique.
« Quand j'ai rejoint Estée Lauder Companies, l'entreprise était en train de pivoter vers un modèle bien davantage piloté par les clients », explique Michael W. Smith. « Au niveau de l'IT, cela signifiait passer de notre travail classique centré sur le back-office et l'infrastructure à des missions axées sur les innovations de rupture, la fourniture d'expériences uniques en magasin et l'engagement client personnalisé. »
Michael W. Smith a alors admis que cette transition d'une informatique d'entreprise vers l'innovation technologique allait nécessiter des compétences différentes. « Nous avions besoin de pouvoir penser différemment, d'être agiles et de nous engager dans une relation directe avec nos partenaires métier », souligne-t-il. « Cela représentait un changement important pour nous ».
Un Hub dédié à la technologie et à l'innovation
Pendant des années, les équipes IT d'ELC ont travaillé sur huit sites différents dans la région de New York, ce qui entravait le développement d'un état d'esprit centré sur le client. « Nous avions besoin d'un espace de travail qui nous permette de collaborer de façon fluide, aussi bien au sein du département qu'avec nos partenaires métier, et qui nous aide à attirer de nouveaux talents », raconte Michael W. Smith.
A l'automne 2018, la DSI a emménagé dans un Hub dédié à la technologie et à l'innovation dans le quartier de Long Island City, dans le Queens. « Ce lieu améliore l'expérience des employés. Cela augmente la productivité, reflète notre culture centrée sur l'humain et nous aide à séduire les talents de la technologie », pointe le DSI.
Situé à deux arrêts de métro du siège d'ELC à Manhattan, ce Hub se présente comme un espace collaboratif dynamique, aménagé en open space, avec une multitude de lieux de rencontre, conçus pour encourager la co-création et éliminer les silos. Ce Hub comporte également des labs consacrés à l'innovation, notamment un lab sur le retail pour présenter de nouvelles technologies pour les magasins et un lab sur les applications analytiques.
Michael W. Smith et son équipe mettent à profit ce nouvel espace pour le recrutement. Par exemple, ils ont accueilli un « Super Day » destiné aux stagiaires, durant lequel 50 candidats à des stages ont participé à trois sessions d'interviews, en profitant au passage pour visiter le Hub et en apprendre davantage sur l'entreprise. A la fin de cette journée, les organisateurs ont choisi 20 stagiaires qu'ils voulaient embaucher. Le lieu a également hébergé le premier hackathon de l'entreprise, afin d'attirer des étudiants venant des universités locales. L'ELC Hackathon a permis de faire venir plus de 120 participants représentant 35 universités, pour une compétition intitulée « Créer aujourd'hui l'expérience beauté de demain » et destinée à augmenter l'engagement des clients envers les 25 marques du groupe ELC, incluant notamment Estée Lauder, Clinique, Origins, M A C, Jo Malone London, Bumble and bumble ou encore Too Faced.
PublicitéLe Hackathon d'ELC s'est révélé une réussite, à la fois pour amener de nouvelles idées, mais aussi pour promouvoir le groupe auprès des bons talents. « Le hackathon n'a pas seulement permis à nos employés de découvrir de nouvelles façons de penser. Il a aussi servi à montrer ce que nous faisons et le plaisir que nous y trouvons à des individus externes au secteur de la beauté, mais curieux de le découvrir », témoigne Michael W. Smith.
Offrir deux types de carrières dans l'IT
Conscients que les opportunités de carrière sont clefs pour la rétention des talents, le DSI et ses partenaires RH ont récemment introduit l'IT Dual Career Path (DCP), qui propose deux trajectoires de carrière différentes : le management, qui se concentre sur le développement des compétences de gestion d'équipe et l'acquisition de connaissances transversales ; et la spécialisation, qui vise à développer l'expertise technique et à approfondir son domaine de connaissances.
« L'aspect le plus important pour développer et retenir les talents est de donner à ses collaborateurs la possibilité de progresser », déclare Michael W. Smith. « Avec l'IT DCP, il n'est plus nécessaire de s'orienter vers le management pour gravir les échelons en termes de salaire ou de poste ».
Dans le cadre du parcours de spécialisation, un collaborateur peut par exemple faire une carrière autour des données, en passant d'analyste à architecte, puis architecte principal et vice-président technique. « Un vice-président technique est un collaborateur très expérimenté, qui n'a pas de responsabilités d'encadrement mais possède une expertise approfondie, par exemple dans le domaine de l'intelligence artificielle », illustre Michael W. Smith. « Auparavant, la carrière d'une personne dépendait avant tout de l'étendue de ses capacités managériales. Maintenant, leurs possibilités de progression se sont considérablement ouvertes, ce qui est essentiel pour offrir des perspectives de carrières motivantes. »
Aux DSI qui souhaiteraient s'inspirer de cette démarche, Michael W. Smith conseille de faire des DRH leurs meilleurs amis. « Le DCP semble simple, mais il demande en réalité un effort considérable pour définir les échelons de chaque parcours, les exigences, le niveau de salaire associé, sans compter la gestion du changement à mettre en place au moment de déployer ce dispositif. »
Il recommande aussi aux DSI d'inviter des représentants du management intermédiaire pour concevoir le programme. « L'une de nos meilleures idées a été d'inviter chacun de mes N-1 à choisir quelqu'un de leur équipe et à lui déléguer la gestion du programme. De cette façon, toute l'organisation est engagée dans la démarche. »
Le mentorat inversé
En 2015, Fabrizio Freda, PDG d'Estée Lauder Companies, a mis en oeuvre un programme mondial de mentorat inversé, au cours duquel des duos combinant des dirigeants seniors d'ELC et des jeunes salariés nés avec le numérique ont été constitués, afin que chacun puisse apprendre de l'autre. Ce programme est né d'un besoin identifié par le PDG, celui d'aider les managers seniors à rester en phase avec les comportements des nouvelles générations de consommateurs.
« Mon mentor inversé m'a récemment montré une application basée sur l'IA qui aide à identifier les biais dans les descriptions de postes à pourvoir, de façon à s'assurer que ceux-ci n'en comportent pas », illustre le DSI. « J'ai trouvé celle-ci fantastique. »
Michael W. Smith n'est pas le seul mentoré ravi de ce programme. Avec 470 mentors inversés, qui travaillent avec plus de 300 managers seniors dans 22 pays, le programme a gagné une traction considérable depuis ses débuts. Par ce biais, le DSI et la DRH ont compris l'importance de l'engagement des employés sur le taux de rétention, et dans cette optique ils ont lancé plusieurs programmes de team-building autour d'actions caritatives.
Un été au service de la communauté
Avant l'arrivée de Michael W. Smith, la DSI organisait chaque année un rendez-vous annuel, l'IT Day of Service, au cours duquel tous les collaborateurs participaient à une activité caritative le premier vendredi de décembre, comme une collecte pour les banques alimentaires ou du bénévolat dans un hôpital pédiatrique. Les retours étaient tellement positifs que Michael W. Smith a étendu le concept et mis en place « L'été du service de l'IT », qui permet aux employés de choisir n'importe quel vendredi entre mai et septembre pour s'engager dans un programme au service de la communauté. « En plus de contribuer à la société, cet été du service fournit une série d'occasions propices au team-building, qui permettent aux collaborateurs IT d'endosser des responsabilités de management et de planification afin d'organiser des actions bénévoles avec leur équipe », pointe le DSI.
Le Tech Day en rose
La campagne d'Estée Lauder Companies pour soutenir la lutte contre le cancer du sein est l'une des plus grandes initiatives philanthropiques du groupe. Initiée en 1992 par Evelyn H. Lauder, avec le lancement de l'iconique ruban rose, cette campagne réunit et inspire les gens partout dans le monde afin de faire disparaître cette maladie. A ce jour, l'entreprise a collecté plus de 79 millions de dollars au niveau mondial, dont 65 millions ont directement servi à financer 260 bourses de recherche à travers la Fondation de Recherche sur le Cancer du Sein (BCRF).
En 2017, alors que Michael W. Smith était dans l'entreprise depuis à peine un mois, celui-ci a eu une idée. « Je voulais rassembler les équipes IT et faire quelque chose à l'échelle mondiale pour soutenir la recherche contre le cancer du sein », raconte-t-il. « Nous avons alors demandé à nos collaborateurs de porter du rose le deuxième jeudi d'octobre. S'ils se prenaient en photo avec le hashtag #TechInPink201X et #TimeToEndBreastCancer, je m'engageai à donner en personne de l'argent pour soutenir la recherche. »
Le premier Tech Day en rose a rassemblé plus de participants que ce que Michael W. Smith attendait, alors l'année suivante, celui-ci a étendu l'initiative à des partenaires externes et des collègues d'autres entreprises. « Plus de 200 000 personnes ont participé à la seconde édition de ce Tech Day en rose. Cette année, nous reconduisons l'initiative le jeudi 10 octobre, et nous espérons avoir encore plus de participants ».
Puisque la culture est au fond, ce qui permet d'attirer et de conserver les talents IT, Michael W. Smith veille à ce que les programmes qu'il met en place ne génèrent pas une sous-culture propre à l'IT, mais qu'au contraire ils soient alignés sur la culture du groupe. « ELC possède une culture axée sur la collaboration et l'humain. Tous nos programmes ont pour but d'amplifier ce que nous avons de meilleur », conclut Michael W. Smith.
Article de Martha Heller / CIO Etats-Unis (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)
Article rédigé par

La rédaction de CIO Etats-Unis,
Suivez l'auteur sur Google+, Linked In, Twitter
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire