Comment 4500 agents du département Loire-Atlantique sont passés en télétravail en quelques jours

Avec l'annonce du confinement, de nombreux DSI ont dû gérer en très peu de temps la mise en place du télétravail à grande échelle dans leur organisation. C'est le cas de Safia D'Ziri, directrice solutions numériques du département Loire-Atlantique (44), qui avec son équipe a accompagné 4500 agents dans le passage au télétravail. Le 27 avril 2020, celle-ci, également vice-présidente d'ADN Ouest (Association des Décideurs du Numérique de l'Ouest), a accepté de revenir sur cette expérience pour CIO.
PublicitéCIO : où en était le département de Loire-Atlantique en matière de télétravail quand le Gouvernement a annoncé la première période de confinement ?
Safia D'Ziri: tout comme de nombreux services publics, nous nous sommes retrouvés dans la situation de devoir basculer très rapidement un très grand nombre d'utilisateurs en télétravail. Il existe près de 150 métiers différents au sein du département, avec une très grande diversité. Pour les soutenir, nous gérons un portefeuille de plus de 350 applications, avec une centaine de collaborateurs et une cinquantaine de prestataires sur les missions IT.
Pour que les agents de la collectivité puissent télétravailler, deux volets étaient nécessaires : d'une part, il fallait fournir un accès sécurisé aux applications métiers hébergées sur nos serveurs, en émulant les environnements de travail des agents. Sur environ 4 500 agents, nous avions déjà 500 collaborateurs qui pratiquaient le télétravail occasionnel, une ou deux journées par semaine. Grâce à cela, le département disposait déjà d'une infrastructure permettant le télétravail, qui fournissait un accès distant à nos outils. D'autre part, chacun devait disposer d'outils de collaboration et de productivité. La mise en place d'Office 365, il y a quelques années, a permis de répondre à ce besoin.
CIO : quels enjeux avez-vous rencontrés et comment y avez-vous répondu ?
Safia D'Ziri: la grosse question portait sur le passage à l'échelle de l'infrastructure existante, notamment en termes d'équipements. En effet, seuls 1600 agents disposaient d'un ordinateur portable, les autres travaillaient sur des terminaux légers. Dans cette optique, nous avons essayé d'anticiper les annonces du gouvernement. Dès jeudi 12 mars, nous avons compris que le confinement était probable, et vendredi nous avons organisé une réunion de crise. Tout le week-end du 14 et 15 mars, nous avons peaufiné un plan de continuité avec mes équipes, en travaillant de 12 à 14 heures par jour. Cette anticipation a joué un rôle clef pour que tout se déroule bien.
1. Vérifier que l'infrastructure et les outils sont en place
Le plan élaboré par la Direction des Solutions Numériques reposait sur quatre axes. D'abord, il a fallu s'assurer que nous disposions du bon nombre de licences pour les accès distants, ainsi que de l'infrastructure pour supporter la charge à venir. Nous avons aussi étendu notre politique d'équipement en ordinateurs portables, en commençant par recenser tout le matériel existant, puis en récupérant tout ce qui pouvait l'être : ordinateurs installés dans les salles de formation, mise à niveau de machines qui devaient partir au recyclage, matériel mis à disposition par nos fournisseurs (environ 130 postes supplémentaires). Nous avons ensuite établi un plan de dotation pour les fonctions cruciales à la continuité d'activité du département. La chaîne comptable devait par exemple continuer de fonctionner, car elle gère le versement d'aides aux populations les plus fragiles, comme le RSA ou les aides à l'autonomie pour les personnes âgées.
Publicité2. Préserver les équipes IT et garantir la stabilité du système d'information
La deuxième priorité a été de mettre nos propres équipes en sécurité, en demandant à tous les collaborateurs de la DSI de passer en télétravail. Lundi 16 mars à 10h, tous nos agents avaient pour consigne de prendre tout le nécessaire à leur bureau et de rentrer chez eux. Nous avons mis en place des dérogations pour que les développeurs en particulier puissent emporter leur matériel à leur domicile. Nous avons également demandé aux équipes d'arrêter complètement les mises en production, afin de garantir la stabilité du système d'information et d'éviter d'avoir à gérer des incidents pendant cette période critique de passage au télétravail massif.
3. Accompagner les utilisateurs
Le troisième volet concernait la communication. Nous avons conçu un plan de communication et d'accompagnement à l'intention des agents qui n'avaient jamais télétravaillé. Quatre billets d'information ont été rédigés et diffusés sur tous les canaux : mail, Intranet ou via les managers... Ils contenaient des conseils pour se connecter et pour l'installation de l'espace de télétravail, informaient les collaborateurs sur les différents outils pour organiser des réunions dématérialisées, incluant des solutions gratuites présentes sur le Web... Enfin, nous avons aussi profité de l'appui de nos partenaires, notamment Proservia qui assure l'assistance numérique pour les agents.
Ce plan a fortement contribué à la fluidité de la transition, saluée par la Direction générale et par les élus du département. Cette démarche d'accompagnement a également permis à la Direction Solutions Numériques d'accélérer deux projets qui étaient en cours. Le premier concernait la création de vidéos pour la formation au numérique. Avec l'épidémie, nous avons monté une chaîne vidéo pour expliquer aux agents comment prendre en main les outils. L'autre était le déploiement de Microsoft Teams, que nous avons proposé à tous les services services en complément de notre solution actuelle d'espaces collaboratifs.
4. Le développement agile pour parer à l'urgence
Le dernier point qui a permis d'assurer la continuité de certaines missions clefs du département a été le recours au développement agile. Des collaborateurs qui travaillaient sur d'autres projets ont été mobilisés pour développer très rapidement des outils demandés par la cellule de crise. Il était par exemple impératif que les sessions de délibération et de vote des budgets puissent se poursuivre sous forme dématérialisée, car celles-ci permettent de débloquer les aides sociales d'urgence. Mes équipes ont conçu un système de vote en ligne très rapidement et accompagné les élus pour la prise en main. Une première session a eu lieu le 26 mars, une autre le lundi 30, et tout s'est bien passé. Nous avons également mis en place des formulaires pour remonter les informations sur le Covid-19 dans les établissements d'accueil des personnes âgées gérés par le département. Enfin, nous avons monté un centre d'appels pour les structures d'accueil et les services sociaux du département, comme les centres médicaux-sociaux ou les PMI (protection maternelle et infantile), afin que les médecins et les sages-femmes puissent continuer d'accompagner les usagers... Tous ces travailleurs du secteur social sont en seconde ligne dans la lutte contre l'épidémie.
Ces solutions ont été construites rapidement, afin de répondre le plus vite possible aux demandes. Nous avons utilisé les outils dont nous disposions : Microsoft Forms, les outils d'enquête Sphinx ou encore Jalios.
CIO : où en êtes-vous actuellement et sur quels sujets travaillez-vous désormais ?
Safia D'Ziri: avec un peu de recul, le passage au télétravail massif s'est plutôt bien déroulé. Maintenant que le plus urgent est fait, nous essayons de redéployer du matériel complémentaire pour de nouveaux besoins qui émergent, à la fois pour les agents et les habitants du département. Avec notre partenaire Computacenter, nous avons par exemple préparé du matériel destiné aux collégiens défavorisés, afin qu'ils puissent participer aux cours à distance. Nous envisageons aussi d'équiper les centres départementaux de l'enfance et de la famille de matériel numérique, afin d'aider les éducateurs et de rendre la période de confinement moins dure à supporter pour les enfants et adolescents accueillis.
Article rédigé par

Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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