Stratégie

Cloud et méthodes agiles à la banque d'investissement de la Société Générale

Cloud et méthodes agiles à la banque d'investissement de la Société Générale

Société Générale CIB généralise les méthodes agiles. Cette décision s'inscrit dans le cadre d'une transformation du système d'information dont le budget s'élève à 400 millions entre 2013 et 2015. Support naturel des méthodes agiles, le Cloud fait ses premiers pas, en parallèle des grilles de calcul à hautes performances destinées aux traders. 

PublicitéEn informatique, respecter les délais, le budget et les spécifications initiales ne suffit pas à satisfaire le client. C'est la valeur ajoutée finale qui est importante et elle doit être en ligne avec les attentes des métiers. C'est à partir de ce constat que la DSI de la banque d'investissement de la Société Générale, SG CIB (Corporate and Investment Banking) a décidé de généraliser l'usage des méthodes agiles en 2012. 

La banque d'investissement emploie 12 000 personnes, de 95 nationalités différentes, avec une présence dans 33 pays. Les démarches de la DSI visent à repositionner la gouvernance des systèmes d'information au niveau de la direction générale en lien avec la stratégie business. La transformation du système d'information pèse 400 millions d'euros d'investissement entre 2012 et 2015, et devient un élément structurant de la stratégie des métiers de Société Générale CIB. 

A l'origine, on trouve l'initiative lancée en 2011, au niveau du groupe Société Générale, d'amélioration de la qualité de la gestion des projets informatiques. Elle visait à livrer dans les délais et avec le respect des spécifications. 

En la matière, le pari a été tenu.  « De ce point de vue, ce fut une réussite » relate Carlos Gonçalves, DSI de Société Générale CIB, qui s'est exprimé lors de la conférence CIO sur l'agilité des systèmes d'information du 9 octobre 2012. La tenue des délais, du budget et des spécifications récoltait un indice de satisfaction de la part des clients aux alentours de 80%. Mais les clients n'étaient pas contents. 

Le DSI précise : « la valeur ajoutée ne correspondait pas bien à la demande des métiers car ceux-ci n'avaient pas le droit de se tromper et ne pouvaient pas prendre en compte, durant le projet, les évolutions du marché. » Pour y remédier, la décision est prise d'adopter les méthodes agiles.

Leur mode itératif permet d'adapter les spécifications durant le projet. De plus, le client se rend mieux compte des difficultés de répondre à ses demandes. En comparaison, le cycle en V est adapté aux sociétés de services, qui ont de nombreux clients mais la DSI a, pour sa part, un seul client interne.

L'engagement porte sur la valeur ajoutée

Photo : Carlos Gonçalves, DSI de Société Générale CIB.



L'engagement porte sur la valeur ajoutée

"Nous devons respecter un engagement sur la valeur ajoutée finale d'un projet et non sur un contrat et sur un délai. Si le client demande des choses trop complexes ou trop coûteuses, on doit changer d'optique" détaille Carlos Gonçalves. Il ajoute: " à l'inverse, le client doit pouvoir enrichir ses demandes ou réadapter ses besoins, avec la possibilité de se tromper. » Le client doit pouvoir se tromper. 

Publicité Début 2012, SG CIB a donc démarré un processus de transformation de la démarche de développement logiciel. Des objectifs ont été fixés : 20 % du portefeuille de projets auront été réalisés sous méthodes agiles en 2012, ce qui représente 50 millions d'euros d'investissements, et 40 % seront réalisés en méthodes agiles en 2013. Ce passage aux méthodes agiles ne doit pas se faire aux dépens de la qualité du code. La DSI a donc fortement investi également dans toute la chaîne de valeur de l'IT et le testing. 

« C'est un changement majeur qui nécessite un accompagnement fort des collaborateurs. La principale difficulté se situe par rapport aux métiers car cela les engage fortement », reconnaît Carlos Gonçalves. L'utilisateur qui porte le projet doit en effet passer 25 % de son temps sur le projet, ce dont il ne se rend pas forcément compte au début.

Actuellement, une vingtaine de projets agiles sont terminés, avec de bons retours des clients internes, à la fois très impliqués et satisfaits. « La qualité des livrables s'est améliorée grâce à un engagement extraordinaire des équipes de développement et à des corrections qui sont désormais effectuées par petites itérations, sans big-bang », résume Carlos Gonçalves. 

Pour autant, les projets agiles posent encore des difficultés. Tout d'abord, il y a très peu de sociétés qui font de l'agilité sur des projets de taille conséquente. Il est donc difficile de trouver des gens compétents. D'autre part, il faut des profils d'informaticiens très ouverts, acceptant de mettre sur la place publique toutes les difficultés, dans une transparence totale.

Mixer cycle en V et itérations



Mixer cycle en V et itérations

Enfin, le cycle d'itération compte en principe une semaine de cadrage et trois semaines d'itération, avec une mise en production à chaque cycle. Mais ce n'est pas possible pour certains projets. Il faut alors mixer cycle en V et itérations. 

Dans cette avancée vers une plus grande agilité, la DSI de SG CIB prépare également la venue du Cloud Computing. "Le Cloud ne sera pas un facteur de réduction des coûts, au contraire de ce que l'on entend dire" débute le DSI. Pour lui, c'est indéniablement un facteur d'agilité. "Quand on développe un projet en mode agile, on s'attend à ce que l'infrastructure soit disponible immédiatement. Je ne peux pas attendre un environnement de développement dans deux  semaines" pointe le DSI. Les développeurs veulent l'environnement de développement le lendemain. "Le cas d'application que nous regardons c'est le provisionnement et le dé-provisionnement rapides" annonce-t-il. 

La DSI évalue donc le IaaS et le PaaS. « Le Cloud Computing relève d'une vraie tendance dont nous sommes en train d'évaluer l'intérêt au travers de deux POCs [Proof of concept]», annonce Carlos Gonçalves. 

Le premier POC est une implémentation de la pile Java sur un Cloud de type infrastructure as a service (IaaS) pour l'instant réalisé en mode privé mais hébergé chez l'opérateur Orange Business Service (OBS). Un mode hybride est envisagé pour un peu plus tard. SG CIB y a ajouté un volet PaaS (Platform as a service) avec une pile Java. Dans ce cadre, l'intérêt du Cloud réside dans le commissionnement ou le dé-commissionnement rapide d'environnements de développement, avec un paiement à l'usage. 

Un second POC est réalisé pour sa part dans le Cloud public, en l'occurrence le Cloud Paas Azure de Microsoft, avec la mise en oeuvre d'une application .NET. Il s'agit de consultation de données financières destinées aux analystes. Le but est cette fois d'évaluer la capacité à accueillir des applications de production et de convaincre les équipes en charge des infrastructures. L'intérêt se situe alors dans la réduction des coûts d'infrastructure et dans la possibilité de lisser les pics. 

Standardiser les applications



Standardiser les applications

Mais ces deux POCs mettent aussi en évidence un frein important. « Pour profiter pleinement du Cloud, il faut pousser beaucoup plus loin et plus vite la standardisation de nos applicatifs.  De nombreuses applications Legacy ne sont actuellement pas éligibles », prévient Carlos Gonçalves. 

Selon lui, il faut éviter la peur excessive liée au Cloud computing. "Beaucoup d'entreprises utilisent SalesForce pour la gestion de la relation client. Qu'-y-a-t-il de plus confidentiel que les données clients?" fait-il remarquer. De plus, les problèmes de sécurité ne s'appliquent pas à tous les aspects de la banque. "Des choses peuvent parfaitement aller dans le Cloud" pense-t-il.

Cependant, le Cloud public ne répond clairement pas aux contraintes de latence et de temps réel qui s'appliquent à certaines applications de salles de marché de la banque où les traders demandent une réactivité instantanée. 

« Une grosse partie de nos applications sont temps réel avec une latence de l'ordre de la milliseconde ou de la microseconde, avec du passage d'ordres sur les marchés », affirme Carlos Gonçalves. Le Cloud public ne convient pas. En revanche, le passage d'ordres est un domaine où la SG CIB est prête à innover et à prendre des risques d'une autre manière. « Dans les domaines directement liés au métier de SG-CIB, comme l'accès au marché en temps réel qui nécessite une latence très faible, nous sommes prêts à faire des paris risqués », explique Carlos Gonçalves.

Par exemple, SG-CIB explore des technologies de grilles de calcul basées sur des processeurs graphiques GPU (Graphics Processing Unit) ou des circuits électroniques programmables FPGA (field-programmable gate array). Il conclut cependant en estimant que dans 2 à 3 ans, il espère avoir basculer 20 % des applications de Société Générale CIB dans le Cloud.

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