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Christophe Salomon, DSI Groupe d'EDF : « De l'efficacité du SI dépend celle de l'ensemble de nos activités ».

Christophe Salomon, DSI Groupe d'EDF : « De l'efficacité du SI dépend celle de l'ensemble de nos activités ».
Christophe Salomon a passé cinq ans au cabinet du Ministre de la Défense comme conseiller industriel avant de prendre la DSI Groupe d'EDF, il y a un an (photo Bruno Lévy).
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°160 !
Métiers, que la force de l'IT soit avec vous !

Métiers, que la force de l'IT soit avec vous !

Aligner l'IT sur le métier, base d'une bonne gouvernance de la DSI, est un principe connu depuis des années. Bien. Mais il ne faudrait pas oublier que le métier bénéficie de la valeur de l'IT, que l'IT est un outil important et, plus encore, une source d'innovation, de changements dans les...

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Le DSI Groupe d'EDF, Christophe Salomon a une double feuille de route : animer une DSI de 5 000 personnes et porter la transformation digitale. Il souligne l'importance se sa mission, de l'efficacité du SI dépend l'efficacité globale de tout le groupe.

PublicitéCIO : Vous avez un parcours original : de l'informatique des Armées jusqu'au cabinet du Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, quels sont les points les plus marquants ?

Christophe Salomon
:  « J'ai passé 18 ans en tout au Ministère de la Défense, dont 13 années à la DGA, la Direction générale de l'armement, comme directeur de programmes d'armement dans le domaine des systèmes d'information. Des SI à destination de l'ensemble des armées, depuis le niveau interarmées jusqu'aux échelons tactiques. J'ai pu évoluer à la DGA sur différents domaines : expertise technique, R&D, direction de programmes complexes, encadrement et animation de différentes équipes. La DGA a ce rôle particulier, à la frontière entre les armées d'un côté, et les fournisseurs industriels de l'autre, et doit en permanence garantir la tenue des performances, des délais et des coûts, dans un environnement technologique d'une richesse extraordinaire. C'est ce qui en fait une entité unique au sein de l'Etat.
En 2012, j'entre au cabinet du Ministre de la Défense, où j'ai passé cinq ans comme conseiller industriel du ministre. Une mission consacrée d'abord à l'investissement (notamment sur les matériels d'armement et leur maintien en conditions opérationnelles) qui représente un budget d'environ 18 milliards d'euros par an sur la loi de programmation militaire, qui court de 2014 à 2019.
Deuxième volet de ce poste, le suivi des grands dossiers industriels comme KNDS (rapprochement de KMW et Nexter), Airbus Safran Launchers (co-entreprise dans le domaine des lançeurs spaciaux), Atos et Bull, la création de Idemia (fusion entre Morpho du groupe Sagem et Oberthur Technologies), ... et bien sûr la participation aux campagnes export dont on connaît les succès (Rafale, sous-marins, satellites, ...).
J'ai également piloté au profit du ministre l'élaboration de différents plans comme le Pacte Défense PME, ou celui sur la cybersécurité avec le pacte cyberdéfense et la création du pôle d'excellence cyber en Bretagne. Nous assurions également la tutelle de grandes écoles d'ingénieurs comme l'école Polytechnique, l'ENSTA, l'ENSTA Bretagne ou l'ISAé. Mais aussi celle d'organismes de recherche comme l'ONERA.

CIO : Vous arrivez il y a un an à ce poste de DSI Groupe d'EDF, avec quelle  feuille de route et que recouvre votre direction groupe ?

Christophe Salomon : Ma mission est double, animer la filière système d'information qui compte 5 000 personnes dans le groupe, et porter la transformation numérique.
La DSI Groupe intervient ainsi sur plusieurs domaines : les ressources humaines avec la nécessité d'une connaissance fine de la filière et de ses évolutions à court ou long terme, la gouvernance des projets qui passe par la validation des investissements et le suivi des grands projets, l'innovation technologique, ou encore la résilience de nos systèmes d'information.
Ce dernier point est important. De plus en plus, nos SI sont au coeur de nos métiers, donc de notre efficacité globale. De l'efficacité du SI dépend celle de l'ensemble de nos activités. Ce qui nous oblige à garantir à tout moment un haut niveau expertise, en termes de technologies, de cybersécurité, d'efficacité et d'architecture de nos systèmes d'information.
Dans ce schéma, la gouvernance financière joue un rôle prépondérant. EDF est une entreprise mûre sous l'angle de l'appropriation du SI, dans la mesure où on sait parler des coûts et de leur maîtrise. EDF a perçu cette nécessité d'investir au bon niveau dans le SI et donc d'y consacrer les justes moyens. Ainsi la maîtrise financière est tout à fait compatible avec l'efficacité de nos dispositifs.
Quand je reçois les différents métiers, mon rôle est de garantir que la dépense faite le soit au niveau le plus efficace. On ne me demande donc pas de considérer le SI comme un simple poste de coût dont le seul objectif serait une réduction arbitraire. Au contraire, le groupe est prêt à assumer parfois un maintien voire une augmentation des budgets si cela porte de la valeur.
Ma mission est donc d'instaurer une logique groupe, de tirer profit de sa puissance pour dégager des synergies entre la maison mère EDF SA et ses différentes filiales (Dalkia, Edison, , EDF Energy, EDF Energies Nouvelles, Luminus ...). Ensembles nous sommes plus forts et cohérents face à nos grands fournisseurs et partenaires. Mais aussi plus résilients.

PublicitéCIO : Comment se répartissent les 5 000 collaborateurs de la filière ?

Christophe Salomon : La DSI Groupe chapeaute toutes les filiales dans le domaine SI et numérique, dans le respect de l'environnement de régulation qui s'applique avec Enedis par exemple.
La DSI Groupe compte une quarantaine de collaborateurs, au niveau central. Nous animons les différents acteurs de la filière, à savoir les DSI métiers, (commerce, production, fonctions supports...) et les opérateurs informatiques du groupe. A la DSI Groupe, je dirige différents comités, comme le comité des DSI, le comité de politique industrielle,  celui des investissements, ... Nous y produisons les grandes politiques groupe (gestion et valorisation des données, cloud, sécurité informatique, ...) et en pilotons la bonne mise en oeuvre.




  
CIO : Comment se présente votre transformation digitale, quel est le rôle de la DSI Groupe ?

Christophe Salomon : La direction générale du groupe s'est réunie le 30 mars dernier pour définir son plan de transformation numérique que nous structurons en quatre axes.
D'abord, EDF dans son rôle coeur de producteur et de distributeur d'énergie. Nous voulons définir comment le numérique va impacter ces deux métiers, avec par exemple le data analytics, l'intelligence artificielle, l'ingénierie numérique ou la réalité virtuelle.  Ces technologies impactent considérablement, et positivement, les métiers, il nous appartient d'en tirer le meilleur parti.
Deuxième axe, EDF dans sa relation avec les clients (notre activité commerciale), particuliers ou entreprises. Là aussi les métiers évoluent, le conseiller clientèle pouvant par exemple bénéficier des outils d'IA comme les chatbots. Notre offre évolue également, pour offrir toujours plus de services aux clients.
Troisième axe : nous regardons cette fois EDF en tant qu'entreprise, avec ses 160 000 collaborateurs pour lesquels le numérique implique de nouveaux modes de management, de nouveaux modes d'action, une autre culture interne. Nous transformons ainsi nos processus internes, et nos fonctions support, avec une approche résolument centrée sur l'utilisateur.
Le quatrième axe est celui dont on ne parle jamais lorsque l'on évoque la transformation numérique, tellement il semble acquis. C'est celui de l'infrastructure IT, sans laquelle le reste n'a plus de sens. Nous devons avoir une infrastructure au meilleur niveau, agile, résiliente, disponible. Car plus le numérique pénètrera les métiers, moins il sera tolérable d'essuyer des dysfonctionnements.
Sur ces 4 axes, nous ne nous contentons pas de dire que nous voulons évoluer. Nous souhaitons le mesurer. Nous construisons ainsi avec le Comex du Groupe une feuille de route sur la transformation numérique, reposant sur des piliers de valeurs mesurables.

CIO : Pouvez-vous donner des exemples sur chacun de ces quatre points ?

Christophe Salomon : Sur le premier, la production et l'ingénierie, des projets sont en cours avec de grands ouvrages comme les centrales nucléaires. Nous leur préparons des jumeaux numériques pour donner leur état précis, concevoir les évolutions, mieux séquencer les travaux. Nous utilisons la réalité augmentée pour faciliter le travail des personnels qui opèrent sur ces environnements. Et nous concevons le nouveau nucléaire par la mise en oeuvre de PLM (Product Lifecycle Management).
Pour la relation client, nous étudions tout ce qui touche à la commercialisation de nouveaux services encore émergents, le  parcours clients, l'habitat intelligent. Notre filiale dédiée SoWee, propose déjà de piloter la consommation d'électricité et de gaz à domicile, avec de petits capteurs qui permettent de mesurer la consommation. En fait, nous allons offrir de plus en plus de services, qui vont au-delà de la fourniture d'énergie.
Côté interne, nous digitalisons les processus transverses du groupe. Numériser ce n'est pas prendre les process existants et chercher à les dématérialiser. C'est au contraire partir de l'expérience clients ou salariés et repenser l'ensemble du fonctionnement. Nous travaillons également la culture et les usages, et avons créé un groupe « génération Y » de 30 jeunes, qui nous aident à challenger notre façon de manager les équipes et à impulser une autre culture en lien avec le numérique.
Côté infrastructure IT, nous sommes bien sûr engagés sur tous les grands sujets d'actualité : cloud hybride, microservices, développement agile à l'échelle, mobilité, ...




CIO : Vous parlez de transformation digitale, quelle est la part du legacy dans votre activité ?

Christophe Salomon : Nous avons d'importants changements en cours, de gros chantiers de modernisation, soit avec l'extinction progressive de SI, que l'on va remplacer, soit en adoptant des formes de conteneurisation de ces logiciels pour les héberger sur des architectures plus récentes. Le legacy c'est aussi certaines versions logicielles. Pour des raisons de cybersécurité, nous voulons les migrer à l'état de l'art ce qui impose de les requalifier systématiquement. Mais nous travaillons aussi activement sur des sujets comme la mise en conformité de l'ensemble avec les directives européennes sur la gestion des données personnelles. Fort heureusement, c'est un sujet sur lequel nous sommes engagés de longue date, avec une DPO (Data Protection Officer) placée à la DSI Groupe.

CIO : Et l'agilité, autre grand axe de travail avec la transformation digitale ?

Christophe Salomon : EDF commence à avoir une belle expérience du sujet.  Car son positionnement est le bon, et je peux en témoigner pour en avoir vu de nombreux autres. EDF se positionne à la fois comme maître d'ouvrage, et comme architecte intégrateur. De la sorte, la responsabilité est pleinement assumée, et non pas déléguée comme si un SI s'achetait à base de cahiers des charges transférés à de grands fournisseurs. L'approche est plus pragmatique, à base de petits pas, et donc de développement agile, de logique d'amélioration continue. EDF conserve ainsi la responsabilité du fonctionnement et s'appuie sur les meilleures expertises du marché.
Bien entendu, nous regardons systématiquement les possibilités offertes par le SaaS, avec une approche ambitieuse qui n'hésite pas à adapter nos processus internes aux standards du marché, plutôt que de chercher à tordre ces derniers pour coller à nos processus existants. Cette approche est en train d'être par exemple mise en oeuvre dans les SI RH.




CIO : Comment se présente votre budget ?

Christophe Salomon : Les métiers sont sous contrainte budgétaire forte, et il leur appartient de définir l'ambition qu'ils souhaitent placer dans leur SI qu'ils voient comme un levier d'efficacité. Au global, l'enveloppe SI suit une trajectoire décroissante, car nous optimisons les dépenses partout où c'est possible. Cette réduction est ainsi la résultante d'un investissement accru plus que compensé par ces différentes optimisations. L'idée est en effet de concentrer la dépense là où elle produit de la valeur.

CIO : Quel type de DSI êtes-vous, quel est votre mode de management ?

Christophe Salomon : Je vais vous répondre avec trois mots.
Le premier que j'emploierai est celui de bienveillance et je suis heureux de trouver chez EDF des personnels professionnels et très investis.
Le deuxième est celui de directif, non pas au sens un peu militaire que l'on pourrait imaginer, mais dans une logique groupe qui nécessite d'être unis, et donc alignés sur un intérêt commun.
Le dernier est résilient. Mon expérience précédente m'a appris la gestion de la pression. Or celle que vivent les personnels du domaine de l'IT est réelle, avec parfois l'ingratitude de fonctions dont on ne parle que lorsque cela ne marche pas, et c'est vrai dans toutes les entreprises. Mais c'est aussi ce qui rend ces métiers passionnants !»

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