Christophe Castaner (Ministre de l'Intérieur) : « la DNum est une pierre pour construire le ministère de l'Intérieur du XXIème siècle »


La révolution numérique des services publics
Depuis la création de la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique), tous les ministères se dotent les uns après les autres d'une direction du numérique. Loin de n'être qu'un détail de vocabulaire pour être à la mode, il s'agit d'une véritable révolution dans les pratiques, une...
DécouvrirLe 3 février 2020 avait lieu les premières Rencontres Numériques de l'Intérieur pour célébrer la naissance de la DNum du ministère de l'Intérieur. Conclues par l'intervention du ministre, ces Rencontres ont été l'occasion de fixer les orientations et un premier bilan de la transformation numérique au sein de cette administration particulièrement complexe dans son organisation.
PublicitéLieu étrange pour un colloque du Ministère de l'Intérieur : le Musée des Arts Forains, avec ses nombreuses attractions et manèges anciens, dans le quartier de Bercy à Paris. Mais, après tout, il y avait de la célébration et un côté festif le 3 février 2020, dans ces premières Rencontres Numériques de l'Intérieur. Devant plusieurs centaines de participants, le secrétaire général (Christophe Mirmand), le directeur de la DNum (Vincent Niebel), les directions métiers et, pour finir, le ministre en titre (Christophe Castaner) se sont succédé pour expliquer la transformation numérique d'une des administrations les plus complexes. La célébration, c'était un baptême : au premier janvier 2020, en effet, est née la DNum (Direction du Numérique) du ministère, sous l'autorité de Vincent Niebel. Et il ne s'agit pas d'un simple changement de nom de l'ancienne DSIC. Les Rencontres Numériques visent à mettre en perspective les chantiers numériques du ministère.
L'explication du lieu, c'est le ministre qui l'a trouvée en débutant son discours : « le lien entre la magie et le numérique, c'est la disparition soudaine de quelque chose sur lequel on a travaillé des heures... » Simple plaisanterie, bien entendu, car chacun sait qu'il faut sauvegarder ce sur quoi on travaille. Mais cela a été le moyen pour Christophe Castaner de rappeler combien le numérique a envahi nos vies, pour rendre simples et efficaces les tâches les plus complexes. Si les forces de l'ordre sont de plus en plus équipées numériquement, si les services rendus aux usagers par l'e-administration sont considérables, le numérique est aussi une source d'inquiétudes (fichiers, surveillance...) et, bien entendu, un moyen de nouveaux crimes. « Des pans entiers de l'économie peuvent être figés par les cybermenaces » a-t-il rappelé, citant également les récentes attaques massives par ransomware contre les hôpitaux. Ces menaces sont bien sûr prises en compte dans le Livre Blanc sur la sécurité intérieur.
Une direction pour la transformation numérique
Depuis 18 mois, suite à une lettre de mission signée par le ministre le 25 juillet 2018, les services du ministère travaillaient sur la création d'une Direction du Numérique (DNum). Celle-ci est donc née officiellement le 1er janvier 2020. Cette création s'inscrit évidemment dans un programme plus vaste et général d'accélération de la transformation numérique de tous les ministères, en lien avec la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique). Ce programme est lié à plusieurs phénomènes : le foisonnement technologique impliquant un besoin de rationalisation, une complexification des SI de plus en plus transverses et des moyens budgétaires malgré tout dispersés. La création de la DNum est liée à une nécessaire optimisation face à des exigences croissantes du public et des agents en services numériques, face à de nouveaux risques et face aussi aux contraintes budgétaires ne permettant pas de doublons et d'autres gâchis.
PublicitéChristophe Mirmand a présenté les quatre axes de l'action de la DNum : le développement des services aux usagers, la croissance de la performance des agents, l'interopérabilité systématique et une gouvernance agile, transparente et collégiale. Cette dernière s'entend avec les métiers. Ceux-ci sont d'ailleurs totalement impliqués dans de grands chantiers en cours tels que la carte d'identité numérique, le dépôt de plainte en ligne ou la radio du futur. Dès aujourd'hui, près des trois quarts des démarches se font en ligne, comme les 8 millions de passeports demandés chaque année. « La part numérique des tâches ne cesse de s'accroître » a observé Christophe Mirmand. Mais la transformation numérique n'est pas une informatisation de l'existant. Elle s'appuie sur de nouvelles technologies pour répondre à de nouvelles exigences et accompagner de nouvelles méthodes de travail pour tous les métiers du ministère. Or les technologies de 2030 ou 2040 n'existent évidemment pas encore. La DNum doit donc anticiper les besoins, les opportunités et les contraintes de sécurité.
Une direction unique pour fédérer tous les moyens
S'adressant aux métiers, Vincent Niebel a proclamé : « sans vous, rien n'aurait été possible, sans vous, rien ne sera possible demain. » Pour faire face aux chantiers de plus en plus complexes et transverses, la fédération des moyens auparavant dispersés s'imposait. Plusieurs objectifs sont ainsi assignés à la jeune DNum : l'accompagnement de la transformation numérique des métiers (avec l'IoT, l'IA, la connaissance faciale...), le développement du laboratoire de données avec des services induits (IAflash pour mieux reconnaître les plaques d'immatriculations, service proposé aux acquéreur d'un véhicule de retracer son historique...), l'intégration interministérielle ainsi qu'avec les systèmes européens (7 actuellement), l'optimisation budgétaire via la suppression des doublons et des services mutualisés (même s'il faut parfois adapter le service rendu à tel ou tel métier) et enfin améliorer la marque-employeur du ministère pour recruter les bons talents (notamment en répondant à la quête de sens, faute d'offrir les meilleurs salaires).
Pour cela, la DNum peut compter sur trois leviers. En premier lieu, bien sûr, le regroupement budgétaire. Vincent Niebel a insisté sur le respect des priorités métiers grâce à la gouvernance collégiale malgré ce regroupement. Le développement et le renforcement des liens entre services au sein du ministère constitue le deuxième. Enfin, la DNum peut compter sur la richesse du réseau territorial du ministère. Pour Vincent Niebel, « le succès de la DNum sera nécessairement un succès collectif ».
Des métiers aux fortes attentes
Sur les tables rondes, les différents intervenants ont répété un discours homogène. Il va de soi aujourd'hui que le numérique fait partie des nécessités pour les métiers afin de mieux servir les citoyens. Les projets doivent être menés plus vite pour moins cher et en étant plus proche des attentes des métiers comme des usagers. La mutualisation, oui, pourvu qu'elle permette encore du « cousu main ».Et le numérique est bien dans le quotidien, ce n'est pas une posture de façade. Les outils numériques existent souvent mais doivent être renouvelés, améliorés et être plus efficients. Créer une GED véritable pour mieux gérer une production documentaire considérable mais trop souvent chaotique, avec un archivage digne de ce nom. Mettre en oeuvre un nouvel outil pour la procédure pénale, Scribe. Mettre en oeuvre un ITSM de qualité pour améliorer le quotidien des équipes et la gestion des demandes. Refondre les systèmes fondamentaux tels que Colbert (calcul de la dotation globale de fonctionnement aux collectivités) et Actes (contrôle de légalité) pour y intégrer de l'IA effectuant les contrôles basiques afin que les agents se concentrent sur les tâches à valeur ajoutée. Etc.
Parfois, la modernisation du SI vise simplement à une mise à niveau. La Direction Générale des Etrangers en France a ainsi été demandeuse d'un SI qui ne serait plus obsolète, source de démarches irritantes. Le système métier actuel est peu communicant. La transformation numérique, avec son lot de liens avec d'autres systèmes, viserait ainsi à baisser les souffrances des usagers et améliorer le confort de travail des agents. L'objectif métier serait de permettre aux étrangers de ne plus passer quatre fois mais seulement une fois en préfecture pour une demande de titre de séjour.
Un budget complexe au service de métiers divers
Créer la DNum n'a pas été simple. La gouvernance budgétaire unifiée a impliqué la mise ne place de 2000 lignes dans le budget de la DNum. Pour piloter ce budget et les projets, le conseil d'administration du numérique réunira, au moins une fois par semestre (sans doute une fois par trimestre au départ), les directions métiers en plus de celle de la DNum pour assurer la gouvernance du SI et les arbitrages. En 2020, le budget des projets va être de 120 millions d'euros (sur un total de 300 millions) et la DNum va pouvoir aussi compter sur 1300 agents.
Et les projets ne manquent pas. D'ici l'été 2021, la carte d'identité numérique devra être mise en place (fabriquée par l'imprimerie nationale). Un service d'authentification pour les citoyens est également prévu en utilisant les smartphones NFC pouvant lire les passeports biométriques avant de comparer la photo enregistrée avec le visage de la personne qui demande à se connecter. L'archivage numérique qualifié, une fois mis en place, devra permettre de détruire le papier. Et puis l'existant devra continuer de fonctionner... malgré des technologies très variées au sein de cinq datacenters, avec des besoins en compétences eux aussi très variés. Parfois, des systèmes régaliens utilisent des technologies pour lesquelles le ministère détient les dernières compétences du marché... Les connexions aux systèmes européens transnationaux vont aussi imposer de relever des défis techniques mais aussi juridique (via la mise en conformité des règles nationales). Et puis la mise en place d'un outil unique de gestion d'appels d'urgence, en cours, a été une révolution à plus d'un titre puisqu'il a fallu fédérer les SDIS, les collectivités locales et les services centraux du ministère.
« La création de la DNum est une réforme dont nous pouvons être fiers » a affirmé Christophe Castaner. Il a souhaité ainsi que « la DNum soit une pierre pour construire le ministère de l'intérieur du XXIème siècle, celui dont nos concitoyens ont besoin. » Pour cela, la DNum devra être au service des agents et leur faciliter la vie quotidienne, construire son action sur les usages réels et accompagner les rénovations comme les transformations.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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