Charlotte Cador (CM DINUM) : « nous voulons valoriser les expertises internes plutôt que de recourir à de la prestation »

La DINUM a lancé l'initiative « Partagez vos talents numériques ! » pour inciter des agents publics à aider leurs collègues d'autres administrations. Les objectifs sont autant de valoriser les porteurs d'expertises en interne que d'éviter aux administrations de devoir recourir à de la prestation facturée évitable.
PublicitéL'initiative était prévue pour début Mars 2020 mais la crise sanitaire du Covid-19 étant survenue, elle n'a été officiellement lancée que le 6 Mai 2020. A bien des égards, « Partagez vos talents numériques ! », mise en place par la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique), constitue une révolution pour la Fonction Publique. Le principe peut sembler simple : un agent public ayant des « talents numériques » peut proposer à ses collègues, y compris d'autres administrations, de leur donner un coup de main. « Chaque mission répondant à un besoin ponctuel, elle est délimitée dans le temps. La durée comme la fréquence sont variables d'une mission à l'autre, de quelques heures en une fois à plusieurs jours sur plusieurs mois » détaille Charlotte Cador, cheffe de la Mission Talents à la DINUM.
Cette initiative s'inscrit dans un cadre plus vaste, celui de la « Mission Talents » qui, elle-même, appartient au programme de la DINUM TECH.GOUV d'accélération de la transformation numérique du service public. « Notre mission est d'attirer et fidéliser les talents numériques dans les administrations puis d'aider les agents à monter en compétences numériques » rappelle Charlotte Cador. Cette mission travaille ainsi sur des recours ponctuels externes avec les « contrats de mission » mais également sur l'axe de la valorisation des expertises des agents publics. Charlotte Cador résume : « nous cherchons et valorisons les expertises autant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la fonction publique. »
Une expérimentation encore très manuelle
Avec « Partagez vos talents numériques ! », des agents volontaires vont proposer des compétences. De l'autre côté, des administrations vont lancer des appels pour mener des missions. La DINUM va alors rapprocher les deux. Créée en tant que start-up d'Etat, donc en mode agile, l'initiative est aujourd'hui gérée de façon manuelle pour son démarrage. « Il existe deux questionnaires en ligne : un pour une administration souhaitant proposer une mission, un autre pour les agents souhaitant proposer leurs compétences » précise Charlotte Cador. Les agents peuvent se positionner sur une mission proposée. La DINUM envoie à l'administration demandeuse les références des agents inscrits qui, selon leurs compétences, pourraient aider à la réussite de la mission. Charlotte Cador ajoute : « à terme, si l'idée marche bien, il y aura sans doute un développement informatique pour automatiser le processus de rapprochement demande/offre de compétences. »
Mais la DINUM souhaitait effectivement proposer rapidement quelque chose, sans un lourd développement. « Nous voulons valoriser les expertises internes plutôt que de recourir à de la prestation » relève Charlotte Cador. Cette manière de faire n'a, sur le papier, que des avantages. D'abord, l'administration demandeuse économise de la prestation externe. Mais le plus important est bien la valorisation des compétences internes. A cela s'ajoute la création de réseaux humains entre administrations. Charlotte Cador pointe : « l'initiative répond aussi au besoin de nouveauté fréquent chez les agents au profil numérique et donc fidélise ceux-ci dans l'administration en évitant qu'ils ne soient tentés d'aller chercher la nouveauté ailleurs. »
PublicitéToutes les compétences sont les bienvenues
Mais quelles compétences peuvent être proposées et par qui ? « C'est très ouvert ! » s'enthousiasme Charlotte Cador. Des ingénieurs informaticiens opérant déjà dans un service informatique peuvent ainsi proposer leurs expertises. Charlotte Cador cite comme exemple : « un ingénieur ayant déjà sécurisé un serveur dans sa propre administration peut proposer l'expérience acquise à d'autres. » Mais des compétences en bureautique ou en usage de CMS sont tout autant intéressantes. L'expertise peut également être non-technique. « Par exemple, un expert juridique ayant travaillé sur la gestion des données personnelles dans un contexte délicat peut aussi proposer son savoir-faire » observe Charlotte Cador.
Dans sa première phase, la DINUM veut non seulement vérifier que l'initiative correspond bien à une pratique qui peut se développer mais aussi observer quelles missions et quelles compétences vont être proposées. « Partagez vos talents numériques ! » est cependant bien prévu pour être pérenne. L'expérimentation permet juste d'en affiner les modalités. A ce jour, sans une véritable promotion, une soixantaine d'agents publics ont proposé leurs compétences et quatre appels à compétences ont été lancés.
Le consentement hiérarchique est requis
Si les agents se déclarent eux-mêmes, sur volontariat, et si la DINUM réalise le rapprochement entre offre et demande, un accord hiérarchique devra cependant être obtenu par l'agent avant le démarrage de la mission. L'agent participant à l'initiative ne touchera pas de prime ou de rémunération complémentaire mais pourrait bénéficier dans quelques temps d'un système de gamification. « Par exemple, nous pourrions les inviter à des événements » note Charlotte Cador.
De l'autre côté, les administrations pourraient ne pas être ravies que leurs ressources humaines soient ainsi « pillées » par d'autres. Charlotte Cador répond : « nous prévoyons un système de compensation, peut-être sous la forme d'une monnaie virtuelle. Si une administration prête plus qu'elle n'emprunte de compétences, elle devra bénéficier d'une compensation, une piste étant de lui offrir de la prestation effectuée par la DINUM. » Lors du Comité Interministériel du Numérique, tous les DSI ministériels présents ont d'ores et déjà acté leur accord à la participation de leurs agents.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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