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Ce que révèle le départ de Leo Apotheker de SAP

Ce que révèle le départ de Leo Apotheker de SAP

Leo Apotheker, CEO de SAP AG, a démissionné avec effet immédiat le 7 février 2010 de son poste de CEO et de Membre du Conseil d'administration. Dans une téléconférence qui a suivi le lendemain, Hasso Plattner, l'un des fondateurs de SAP et actuellement président du comité de surveillance de l'entreprise, a indiqué qu'employés et clients devaient retrouver confiance dans SAP et se sentir heureux d'être dans son écosystème. « Trust and Happiness » se devront être les (vieux) nouveaux mots clé de la culture d'entreprise chez SAP.

PublicitéPourquoi Leo Apotheker est-il parti ? On a certainement demandé à Leo Apotheker de rendre SAP plus profitable et de réorganiser la société. Mais on lui reproche la dégradation de la culture d'entreprise que ses changements ont produit. Il fallait faire autrement mais pouvait-il faire autrement ? Hasso Plattner n'est pas connu comme le personnage le plus doux, mais il a toujours tenu à ce que « ses » développeurs soient heureux. Peut-être n'étaient-ils déjà plus heureux avant l'arrivée d'Apotheker, mais force est de constater que le développement des produits a pris du retard dans les dernières années. Il fallait donc un manager de la R&D fort et compétent pour prendre des bonnes - et dures - décisions concentrant les meilleures ressources sur les projets les plus importants, éliminant les projets moins importants et/ou en doublon. Le « commercial » Apotheker aurait dû avoir un « technicien » à ses cotés. Une leçon retenue a priori, si on regarde le duo Hagemann-Snabe (un Danois) et McDermott (un Américain) nommé pour succéder Apotheker. Un certain choc des cultures entre l'Europe et les USA est à prévoir - comme c'était déjà le cas avec Shai Agassi. La faute de la bourse ? La pression de la bourse a certainement conduit à certaines décisions regrettables : Ecorner de 100 millions de dollars le budget de développement de la solution phare pour PME, Business ByDesign, pour augmenter la marge. Augmenter la maintenance à la hâte pour booster les revenus provenant de cette source qui représente environ 50% des revenus de SAP aujourd'hui... Pour amortir l'effet de la crise sur les résultats, le premier licenciement massif dans l'histoire de SAP (quelques 3 000 départs) a probablement été nécessaire, mais le choc aurait pu être atténué par une autre « façon de faire » - une autre culture d'entreprise. La production logicielle n'est pas une production industrielle taylorisée Le monde du logiciel est encore un monde à part, jeune en regard des industries plus matures dont il va prendre peu à peu le modèle. L'équipe précédente a sans doute oublié que la production logicielle était encore artisanale, ce n'est pas une production industrielle. Il n'est pas possible de gérer la population des développeurs comme des ouvriers en usine, ni d'ailleurs comme des commerciaux. Un chiffre symbolise ce constat : encore aujourd'hui seul un tiers des projets de logiciel sont considérés comme des succès. Les autres sont hors budget, hors délais ou purement et simplement abandonnés en cours de réalisation. Dans quel autre secteur industriel pourrait-on tolérer un tel chiffre ? Aucun. Les développeurs mettent leur touche personnelle dans les lignes de code et les logiciels qu'ils créent ; il faut qu'ils aient le sentiment d'être libres pour être créatifs même s'ils acceptent bien sûr un minimum de règles pour la livraison de leurs produits. Mais ils n'acceptent pas la dictature du trimestre qui est l'unité de temps des financiers et des commerciaux. La transformation de l'industrie du logiciel Le problème ci-dessus est encore exacerbé par le fait que l'industrie du progiciel vit une révolution en entrant dans l'ère SOA. Mais modulariser des ERP monoblocs n'est pas simple et c'est très coûteux ; pour préserver sa rentabilité, SAP se contentera donc de fournir des composants de granularité « grossière ». En corollaire, il doit donc créer un écosystème d'ISV (Independent Software Vendors) qui vont créer les composants - Services Web dont la granularité va correspondre aux besoins des clients finaux. Pour réussir cela - ce qui va à l'encontre de la culture historique et de la réussite de SAP basées « tout intégré » et « fabrication maison » (le fameux syndrome du NIH - Not Invented Here est très fort chez SAP), SAP va devra attirer des développeurs qui seront « heureux » de travailler autour de ses produits. A cet égard, la nouvelle version de la plate-forme NetWeaver qui va être enfin « multi-locataire » (multitenant) et qui va permettre de faire avancer Business ByDesign, comme la modularisation de SAP ERP, va sans doute dans le bon sens. SAP peut cependant s'estimer heureux que sa lenteur (2 ans en plus des 5 ans de gestation de Business ByDesign) n'ait pas été mise à profit par ses concurrents. Un avenir soumis au match des concurrents SAP a certainement une partie de son destin entre ses mains, mais peut-être pas tout son destin. En effet, SAP doit tenir compte du « match » IBM - Oracle. Oracle, qui a finalement reçu l'agrément de la commission européenne, peut intégrer SUN et son président peut enfin se lancer dans son défi à IBM. Mais devenir acteur du matériel pour un éditeur pur n'est pas chose facile. De son côté, ayant de nouveau mis le pied dans les applicatifs métier avec des acquisitions comme Cognos, Filenet ou SPSS, IBM dans sa compétition avec Oracle pourrait être intéressé par acquérir SAP. IBM est déjà le premier intégrateur de solutions SAP, donc l'arrivée éventuelle de SAP dans IBM Software devrait se faire en douceur. Il n'y a bien sûr pas de pression à court terme, mais on peut s'interroger sur le fait que c'est l'IBMer Nicolas Sekkaki, en charge des ventes IBM GS pour la France, qui va prendre les commandes de SAP France le 8 mars 2010 en remplacement de Pascal Rialland. Or Nicolas Sekkaki est un cadre à haut potentiel et son départ vers SAP ne peut se faire, à notre avis, qu'avec la bénédiction du Top management d'IBM.

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