Stratégie

Carrefour place l'IA au rayon des projets stratégiques

Carrefour place l'IA au rayon des projets stratégiques
En 2023, Carrefour a réalisé plus de 50 000 mouvements d'assortiment sur la base de conseils donnés par l'IA. (Photo Carrefour DR)

Le géant de la grande distribution a choisi de déployer l'IA sur des sujets majeurs pour sa stratégie et de passer à l'échelle. Emmanuel Grenier, directeur exécutif e-commerce, data et transformation digitale en a détaillé les enjeux et les premiers cas d'usage concrets lors de Tech for retail, le 27 novembre.

PublicitéSans surprise, l'intelligence artificielle a joué les têtes de gondole au salon Tech for retail qui s'est tenu à Paris les 26 et 27 novembre derniers. Et si certaines tables rondes ont donné l'impression qu'en parler relevait de la punition obligatoire, cela n'a en rien été le cas de la présentation d'ouverture de la seconde journée. Loin de là. Au micro et seul en scène, Emmanuel Grenier, directeur exécutif e-commerce, data et transformation digitale de Carrefour a partagé la stratégie IA de l'enseigne, ainsi que sa conviction qu'il est temps de sortir des expérimentations périphériques pour se lancer dans le grand bain des cas d'usage majeurs et de confier les rênes aux opérationnels. Pour appuyer son discours, il a décrit quelques cas d'usage déjà déployés, et leurs résultats concrets.

Assembler les algorithmes

Emmanuel Grenier rappelle que l'histoire récente de l'IA et de sa progression s'appuie sur 3 tendances majeures : la croissance du volume de data, celle de la capacité de calcul et une disponibilité plus importante d'algorithmes. Avec des progressions exponentielles derrière chacune. Emmanuel Grenier rappelle pour commencer le contexte propre à Carrefour vis-à-vis de ces trois tendances. « Carrefour, ce sont 80 000 clients et 3 milliards de transactions par an », résume-t-il ainsi. Une activité qui produit une masse de data à l'avenant à partir de laquelle il devient possible de personnaliser de plus en plus les offres. Le décor est planté.

Ensuite, le directeur exécutif e-commerce, data et transformation digitale estime que si la capacité de calcul a été plusieurs fois décuplée en quelques années, « cette puissance est désormais l'apanage des grandes sociétés tech mondiales. La clé, dans ce cadre, c'est donc de trouver le bon partenariat ». Enfin, selon lui, du côté des algorithmes, « les trouver et les entraîner n'est plus le sujet. Ils sont accessibles simplement, mais il s'agit désormais de les assembler. Nous avons commencé avec de l'algorithmique décisionnelle pour trier les data, puis nous sommes allés vers la genAI avec de la data non structurée, et désormais nous combinons les deux. Nous utilisons environ 60 modèles avec une équipe de 200 personnes à plein temps qui travaillent uniquement sur l'IA. Nous sommes ainsi passés à une logique de prêt-à-porter, pour passer à l'échelle. »

Analyser la cannibalisation des produits en rayon

Après une phase nécessaire de découverte des chatbots, du métaverse, le groupe se focalise désormais sur son coeur de métier et la création de valeur. « il faut se souvenir que notre coeur de métier, c'est l'assortiment », rappelle Emmanuel Grenier. « La première raison pour laquelle nos clients viennent, c'est pour trouver une variété de produits. L'IA nous permet bien sûr d'analyser les ventes dans nos milliers de magasins et d'adapter ces assortiments. Mais elle nous aide surtout à analyser la cannibalisation potentielle entre produits ». Emmanuel Grenier prend ainsi l'exemple d'une bouteille de Perrier, d'une Badoit et d'une Sanpellegrino qui se côtoient en rayon. Se cannibalisent-elles ou non ? Comme chaque place en rayon a de la valeur, il est essentiel de le savoir. Et l'IA va aider à choisir, en fonction de la taille du magasin, s'il faut garder les trois produits en rayon, ou n'en laisser que deux, voire un seul. « En 2023, nous avons fait plus de 50 000 mouvements d'assortiment sur cette base », précise le directeur exécutif.

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Emmanuel Grenier, directeur exécutif e-commerce, data et transformation digitale de Carrefour a partagé la stratégie IA de l'enseigne à l'occasion de Tech for retail à Paris, le 27 novembre. (Photo ED)

La deuxième raison pour laquelle un consommateur choisit une enseigne ? Le prix. Un deuxième cas d'usage de l'IA pour Carrefour. Si celle-ci permet au distributeur de réaliser beaucoup plus rapidement des calculs d'élasticité de prix à l'échelle, elle a aussi fait chuter de 95% son taux d'erreurs de cohérence de prix. « Il y a un sujet fondamental de cohérence des prix entre marque nationale et marque distributeur, par exemple, ou de cohérence des prix en fonction des grammages, des saveurs, des couleurs, etc. », poursuit Emmanuel Grenier. « Nous obtenons ainsi un pricing beaucoup mieux structuré d'un point de vue client ». 3e cas d'usage, la personnalisation de l'offre de produits en e-commerce, en fonction du client. « 80% des produits ajoutés par les clients dans leur panier sont aujourd'hui ceux proposés de façon personnalisée par les algorithmes d'IA ». Ces trois cas d'usage sont d'ores et déjà opérationnels à l'échelle dans le groupe.

Un portail de services IA pour les employés

Mais l'IA de Carrefour n'est pas réservée à ses clients. L'entreprise vient aussi tout juste de donner à l'ensemble de son personnel accès à son nouveau portail Carrefour.ia. Il s'agit d'une part d'acculturer les équipes à l'IA, les former ou les faire progresser en fonction de leur niveau, et d'autre part de les rendre plus efficaces. Comme toujours avec l'IA générative, l'entreprise souhaite ainsi les décharger ses employés des tâches sans valeur ajoutée, pour qu'il se concentrent sur leur métier. Emmanuel Grenier liste ainsi les utilisations du portail : « Synthétiser et comparer un document de 80 pages prend moins d'une minute », s'enthousiasme-t-il. « Il en va de même pour l'analyse des milliers de verbatims clients ». Et d'énumérer les autres usages, comme la synthèse des résultats d'un magasin, la création, la correction, la traduction de notes ou de mails, la génération d'idées ou de conseils, la structuration de document ou de discours, etc. « Dans un premier temps, nous donnerons accès au portail dès la première semaine de décembre, à une centaine de personnes avant de l'étendre à plusieurs milliers dans les mois à venir ». Mais ce n'est qu'une première étape », insiste Emmanuel Grenier. « On peut imaginer que les employés s'emparent des agents, ces suites de fonctions qui exécutent des process complexes ».

Pour Emmanuel Grenier, « l'IA n'est plus du tout un sujet d'ingénieurs IA ou de data scientist, mais un sujet de leaders opérationnels. Et il est important, d'une part, de s'attaquer directement aux sujets majeurs et non à des sujets périphériques, et d'autre part, de l'ouvrir, en mode sécurisé, au plus grand nombre ».

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