« C'est aux DSI et aux RH de convaincre les candidats »


Convaincre pour gagner : l'obligation du DSI
Convaincre les bons candidats de rejoindre son entreprise. Convaincre sa direction générale que, oui, l'informatique peut être une nouvelle source de business pour le groupe. Convaincre des avantages du digital. Convaincre de la pertinence d'un pari technologique. Convaincre pour gagner car rien...
DécouvrirLes DSI ont du mal à recruter et sont coupées des DRH. Le mal est ancien. Aujourd'hui, elles doivent s'emparer du sujet pour devenir attirantes.
PublicitéUne vraie rengaine. Les DSI n'arrivent pas à recruter, c'était vrai dans les années 2 000 et bien avant, c'est encore plus vrai aujourd'hui. Les DRH ne leur sont d'aucun secours, elles qui ne comprennent rien aux demande des DSI, l'intitulé d'un poste informatique les rend toujours aussi perplexes. La transformation digitale ne change rien à l'affaire. Pour dégoter de nouvelles compétences, attirer les jeunes, rivaliser avec les nouveaux concurrents, les DSI semblent désarmés en matière de RH et distants de leurs collègues DRH. Les choses peuvent changer. Dans plusieurs entreprises, font remarquer Patricia Cabot et Caroline Tampigny du cabinet SPsearch, des DSI ont leur propre structure RH de recrutement.
De mémoire de DSI, ça n'a jamais été le grand amour avec les DRH. L'inverse est vrai ! Les DRH n'ont jamais vraiment compris les demandes des DSI, qui parlent de manière complexe de sujets et de profils également complexes et gardaient un goût prononcé pour les châteaux forts. Les DRH n'étant pas les seuls à observer ces étranges DSI, réputés coûter chers, avec pourtant des bataillons de sous-traitants tout aussi onéreux et des projets qu'on leur accordait volontiers à la direction générale, faute là aussi d'en comprendre les tenants et les aboutissants.
Ces temps sont révolus. Les DSI doivent s'ouvrir dans un monde complexe et très évolutif où recruter et garder les bons profils n'a plus la même signification que par le passé. De nouveaux DSI entrent en scène, et ce n'est pas une question de génération remarque Fabrice Coudray, directeur chez Robert Half, il y a les DSI qui s'adaptent et ceux qui ne savent pas. C'est ce critère qui détermine les recrutements de DSI et inversement les évictions pour ceux qui ne suivent pas le mouvement.
Le paradoxe des recrutements IT
Le DSI d'aujourd'hui ne regarde plus ses RH avec le même oeil. Il sait que le marché du travail dans son secteur vit un paradoxe, avec un chômage encore élevé, même si les cadres sont proches du plein emploi et des difficultés pour recruter en particulier certains profils très spécialisés. Difficultés récurrentes quand on se trouve en région dans des PME ou des ETI, le paradoxe paraît alors logique, mais les mêmes difficultés et les mêmes étonnements de ne pas pouvoir recruter se retrouvent à La Défense, dans des grands groupes, des pure player du web, d'autres PME ou ETI.
Ces difficultés à recruter existaient hier, mais aujourd'hui la DSI a changé. « Ce n'est ni celle d'hier, ni celle de demain, toute la différence est là » note Fabrice Coudray. « On a vu des directeurs du digital s'opposer aux DSI, qui ne voulaient rien changer, tout ceci est stupide, ce type de conflit ne peut perdurer. Avant, le DSI imposait sa vision et ses budgets, nul n'intervenait dans son domaine, maintenant il va devoir changer et avoir une autre attitude, sinon il sera remplacé ». Ceux qui ont changé sont très recherchés et savent comment, à leur tour, rechercher les bons profils.
PublicitéPour Patricia Cabot et Caroline Tampigny du cabinet SPsearch, c'est maintenant aux DSI et aux DRH de convaincre les candidats. Et plus l'inverse. Là est le vrai changement. Les candidats rêvent, de start-ups, de travail en collaboration, d'innovation, de projets d'équipes. Les grands groupes français les font moins rêver, le CDI est certes toujours attirant mais en balance, l'esprit start-up est important.
L'exemple de Cisco
Les candidats le trouvent plus facilement dans des entreprises étrangères, ou évidemment dans ces start-ups. Certains grands groupes réagissent en créant leurs propres start-ups ou centres d'innovation interne. Cisco a par exemple sorti sa division collaboratif de son siège social pour la mettre à quelques kilomètres et rendre aux collaborateurs concernés plus d'autonomie et d'esprit créatif. Les grands groupes savent qu'ils inhibent leurs collaborateurs.
La pression est évidemment aussi sur les salariés, particulièrement les salariés français. On demande beaucoup aux nouveaux profils, d'être bilingue anglais par exemple en plus de leurs critères techniques, mais aussi de savoir manager ou s'ouvrir. Recruter des développeurs est une chose, faire émerger parmi eux un manager devient également compliqué, en faire un jour un directeur technique avec une vision et le charisme nécessaire pour insuffler des changements à toute l'entreprise, et la doter d'un esprit de veille, reste épineux. « On a d'excellents développeurs, mais tous ne sont pas forcément pédagogiques et des âmes de leaders ». On a un mal de chien à marier le management et les compétences techniques.
Quant à l'anglais... tous nos interlocuteurs déplorent l'écart entre le bon niveau technique de candidats Bac+5 et leur absence de pratique courante de l'anglais. Rédhibitoire. D'autant plus que les groupes s'internationalisent, même les PME et ETI, qu'il faut intégrer des filiales rachetées à l'étranger avec des systèmes différents, ou bien devenir depuis la France un centre de support ou de compétences mondiales.
Bref les français, dans les disciplines techniques, semblent très en retard sur le sujet.
Pas assez de filières
Autre déficit, celui des formations. Dans l'enseignement de base, où l'informatique et le numérique sont insuffisamment présents. Les DSI ont de ce fait du mal à recruter. L'enseignement supérieur offre de bonnes filières, mais sont-elles en nombre suffisant ? « Il nous faudrait 10 autres TelecomParis Tech », lance Caroline Tampigny.
Les DSI sont à la peine sur plusieurs types de compétences à recruter. Tout ce qui est software ou sécurité vient en premier. Des DSI mettent parfois des mois avant de recruter. Et quand leur DRH s'en occupe, le temps d'attente est supérieur ! Mais les grands groupes mettent le temps et les moyens qu'il faut, les PME et ETI ont plus de difficultés, que ce soit sur des profils techniques ou des profils commerciaux et technico-commerciaux. Un cabinet nous cite le cas de RSSI qui recrutent des spécialistes en sécurité et s'aperçoivent qu'il faut leur proposer un salaire supérieur, voire nettement supérieur au leur, tellement le marché est tendu.
Et le bonheur n'est pas en région. Un cabinet nous cite une jeune entreprise partie à Rambouillet, pas trop loin de Paris pour le calme et la verdure et ne sachant plus comment recruter, les profils techniques préférant la capitale intra-muros ou la proche banlieue. La question géographique est cruciale.
Des SI vieillissants
Les DSI ont également « sur les bras » des effectifs parfois jugés problématiques. Faut-il s'en séparer ? Oui, si les collaborateurs sont restés sur de vieilles technologies, des systèmes obsolètes, des vieux serveurs en sous-sol. Les entreprises ne sont pas toujours staffées sur toute les technologies, donc laissent vieillir des parties de leur SI, parfois elles en laissent partir des pans entiers, ont beaucoup sous-traité leurs activités sans veiller à entretenir leurs compétences.
Les DSI se retrouvent, comme par le passé, assez démunis ou assez seuls. Les réseaux sociaux, les job Boards ne concurrencent pas vraiment les cabinets de recrutements. Les DSI doivent là aussi changer d'attitude, rendre leur entreprise et leur direction plus attrayante. « Il faut développer la marque employeur » souligne Fabrice Coudray. « C'est maintenant aux DSI, ou alors aux DSI et aux RH de convaincre les candidats » notent les dirigeantes de SP Search. Et donc pas l'inverse. « Les jeunes développeurs, veulent une attractivité différente, souligne Fabrice Coudray, des services associés, des salaires évidemment, mais aussi un management motivant, un patron qui entraîne, une entreprise est un lieu de vie où on passe l'essentiel de sa vie, les DSI doivent aussi y réfléchir, ce qu'ils n'ont jamais fait !»
Article rédigé par

Didier Barathon, Journaliste
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