Avec la 5G sur ses terminaux du Havre, GMP se projette sur un jumeau 3D temps réel
La société spécialisée dans la manutention de conteneurs déploie un réseau 5G sur son principal terminal du Havre. Objectif : parvenir à un suivi temps réel de ses opérations au sein d'un double numérique.
PublicitéEmployant plus de 1000 dockers - sur un total de quelque 1200 employés -, la GMP (Générale de Manutention Portuaire) est un poids lourd de la manutention portuaire. Selon son directeur général, Louis Jonquière, avec 1,7 millions d'EVP (équivalent vingt pieds, soit le format des conteneurs standards dans le transport maritime) manipulés en 2023, la société représente 65% de parts de marché sur la manutention au port du Havre. Soit, étant donné le poids de ce dernier, 35% au niveau national.
« Sur la période 2025-2028, nous allons investir 258 M€ pour augmenter nos capacités de 500 000 EVP par an. Et un des trois piliers de la transformation pour y parvenir réside dans l'optimisation de nos opérations avec la data », reprend le directeur général de la société havraise créée en 1976. Un domaine où GMP part d'un existant déjà riche, constitué d'un ERP spécialisé (Navis), de réseaux dédiés (WiFi maillé pour la communication sur les terminaux, Lora et Sigfox pour l'IoT) et d'un jumeau 2D, développé en interne et permettant une visualisation dynamique de tous les mouvements terrestres sur les trois terminaux qu'opère le manutentionnaire.
Deux antennes pour le terminal recevant les géants des mers
« Nous allons vers un jumeau numérique en 3D immersive qui, au-delà d'une visualisation des volumes (importante pour la position des conteneurs, empilés au maximum sur trois étages une fois positionnés sur le terminal, NDLR), permettra une traçabilité des marchandises, mais aussi une modélisation de l'escale idéale, afin de réduire la durée de celle-ci. Pour cela, nous avons besoin de la 5G », martèle Louis Jonquière. « Et l'arrivée de la 3D nous ouvre un nouveau champ des possibles, comme la création de nouvelles alertes de sécurité », ajoute le directeur informatique de GMP, Patrick Labbé.
Un cavalier GMP, une machine de 70 tonnes à vide servant à déplacer les conteneurs sur un terminal. (Photo : Samuel Salamagnon)
Pour aborder ce virage, la société havraise a déployé deux premières antennes 5G sur son terminal principal, le Terminal de France, recevant les porte-conteneurs les plus imposants, mesurant près de 400 mètres de long et embarquant jusqu'à 4000 conteneurs sur 24 rangs de largeur. Le premier scénario d'usage de ce réseau expérimental vise à améliorer la sécurité des dockers, un choix qui permet aussi d'obtenir leur appui, et cible en particulier les collisions entre cavaliers et véhicules légers circulant sur le parc. A la suite des accidents impliquant ces gigantesques machines permettant de déplacer un conteneur - pesant chacune 70 tonnes à vide et 100 tonnes une fois chargée -, de nombreuses sécurités ont déjà été déployées : projection d'une lumière bleue sous les cavaliers, bridage des vitesses, gyrophare au bout d'une perche sur les véhicules légers pour dépasser les empilements de conteneurs sur le terminal, etc.
PublicitéPremier cas d'usage : éviter les collisions
L'équipement en 5G permet désormais aux deux typologies de véhicules de disposer, sur les terminaux numériques embarqués, d'une visualisation temps réel de tous les déplacements les environnant. « Les conducteurs des cavaliers ne bénéficient que d'une visibilité très moyenne. En août 2023, un cavalier a ainsi roulé sur l'avant d'un véhicule léger, malgré toutes les sécurités existantes. Or, nous ne pouvions pas exploiter le réseau Wifi maillé au sol, pour l'affichage des déplacements sur les équipements des voitures, la couverture n'étant pas assurée », raconte Patrick Labbé. Le représentant des dockers de GMP confirme l'inconfort de la conduite des cavaliers, associée à de « nombreux angles morts ».
Louis Jonquière, directeur général de GMP : « le jumeau en 3D immersive permettra une traçabilité des marchandises, mais aussi une modélisation de l'escale idéale ». (Photo : R.F.)
Pour l'instant, le système, encore expérimental, permet aux chauffeurs de cavaliers de visualiser le déplacement des véhicules légers quelques dizaines de mètres autour d'eux. Sur la base de simulations, GMP travaille également sur l'émission d'alertes préventives et sur la réduction des risques de collision entre cavaliers. « Nous affinons encore cette application, pour en réduire les faux positifs », précise le directeur informatique.
Une couverture 5G à fond de cale ?
Mené avec HubOne, filiale d'ADP (Aéroports de Paris), l'équipement des terminaux navals de GMP doit se poursuivre avec deux autres antennes prévues pour achever la couverture du Terminal de France (soit 877 000 mètres carrés) et avec le raccordement des terminaux historiques, dits Terminaux Nord (700 000 mètres carrés en tout). Les tests avec HubOne ont démarré depuis deux ans, sur des smartphones, des routeurs industriels et des terminaux pour véhicules, le spécialiste des télécoms se reposant notamment sur son expérience de déploiement d'un réseau mobile privé sur les aéroports parisiens. « Nous connaissons l'importance d'assurer une couverture partout, y compris derrière les bâtiments bloquant les ondes et partout où se posent les problématiques du travailleur isolé », souligne Guillaume de Lavallade, le directeur général de HubOne.
Une capture d'écran du jumeau 3D conçu par HubOne et actuellement testé par GMP. Il modélise en temps réel le principal terminal de la société de manutention.
Le prestataire étudie ainsi des cas extrêmes, comme la capacité à fournir une connexion aux dockers en fond de cale, là où des empilements de conteneurs bloquent la transmission de la plupart des technologies réseau. « Nous avons travaillé sur l'ingénierie d'un tel service, via des hotspots installés sur les portiques (les gigantesques machines servant à charger et décharger les porte-conteneurs, NDLR), précise François Munerot, le directeur adjoint de l'activité Mobile Pro chez Hub One. Par ailleurs, si l'utilisation de la 5G démarre aujourd'hui avec l'anti-collision, demain, nous pourrons greffer des services tournés vers le haut débit ou l'IoT. » GMP indique ainsi réfléchir au remplacement de ses équipements Sigfox, servant à la géolocalisation de ses camions sur la zone, par la 5G.
Vers une gestion intelligente de l'éclairage
C'est aussi via un partenariat avec HubOne que GMP bâtit son jumeau numérique 3D. « Au sein d'ADP, nous exploitons surtout ce type de technologie pour l'indoor », souligne François Munerot. Pour l'instant, chez GMP, le système n'en est qu'à la phase de tests. « Quand il sera raccordé, nous bénéficierons d'une visualisation plus évidente des événements sur les terminaux avec, par exemple, la capacité à identifier immédiatement un cavalier chargé, illustre Patrick Labbé. L'utilisateur pourra également zoomer sur les données associées à chaque objet, y compris les informations d'exploitation technique des équipements, des informations agrégées actuellement dans une autre application. »
Pour le directeur informatique, cette avancée dans la digitalisation des terminaux est aussi la source de nouvelles idées, au service de l'efficacité opérationnelle et de la sécurité des opérateurs. Il imagine notamment une gestion intelligente de l'éclairage sur les terminaux - en le limitant aux zones où des opérations sont en cours -, un positionnement des dockers effectuant des interventions techniques, afin d'éviter les zones où opèrent les cavaliers, ou encore un affichage temps réel de la consommation des conteneurs réfrigérés. « Les données affichées s'adapteront en fonction du profil de l'utilisateur, ajoute Patrick Labbé. Il nous manquait une porte d'entrée vers nos données, afin de faciliter la prise de décisions des utilisateurs ; cette porte d'entrée, ce sera l'IT immersive. »
Article rédigé par
Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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