Arnaud Rayrole (Lecko) : « le cloisonnement applicatif est un frein majeur à la généralisation des RSE »

Quatre éditeurs (Bluekiwi, Knowledge Plaza, Jalios, Jamespot) et le cabinet de conseil Lecko ont lancé une initiative pour l'interopérabilité des réseaux sociaux d'entreprise et autres outils collaboratifs. Arnaud Rayrole, directeur général de Lecko, explicite ici les enjeux de cette interopérabilité pour les entreprises.
PublicitéCIO : Pourquoi cinq entreprises françaises (et pas plus) ont-elles publié un manifeste L'interopérabilité comme accélérateur du développement des usages sociaux et collaboratifs dans l'entreprise ?
Arnaud Rayrole : Nous avons rencontré de nombreux acteurs qui ont été d'accord avec nos positions mais qui n'étaient pas prêts à s'investir. La difficulté est d'être dans la concrétisation, pas dans les simples déclarations d'intentions. Nous voulons que les signataires déclarés consacrent effectivement de l'énergie pour concrétiser cette vision.
Mais, en avançant, nous comptons fédérer d'autres acteurs autour de cette initiative.
CIO : Mais à quoi va servir cette interopérabilité ?
Arnaud Rayrole : Au sein des grandes entreprises qui sont nos clientes, tous les signataires ont constaté que la mise en réseau est freinée par le cloisonnement applicatif. Dans la plupart de ces grands comptes, il y a en effet plusieurs plates-formes techniques collaboratives ou réseaux sociaux d'entreprises (RSE).
Typiquement, les commerciaux possèdent leur propre RSE, mis en place pour couvrir les besoins de leur métier, et, à un moment donné, ils vont repérer un besoin chez des clients. Et ils ne vont pas pouvoir démarrer une conversation avec la R&D sur le RSE : il va leur falloir repasser par le mail, le téléphone voire les réunions. La R&D possède en effet son propre RSE, mis en place autrement avec une autre technologie.
L'objectif est donc de permettre de communiquer entre RSE tout en conservant les spécificités propres à chacun.
CIO : Pourquoi les grandes entreprises ne mettraient-elles pas plutôt en place un seul RSE, imposé à tout le monde ?
Arnaud Rayrole : Pour qu'une initiative RSE rencontre le succès et soit utilisée, il faut que cette initiative soit issue du terrain avec un produit choisi et paramétré pour correspondre exactement aux besoins métiers. Concrètement, nous constatons donc que les RSE différents se multiplient au sein des grandes entreprises. En moyenne, les grands groupes en ont une dizaine sur des technologies différentes.
Et à cela s'ajoutent les applications métiers habituelles qui acquièrent, de plus en plus souvent, une dimension sociale, relationnelle ou collaborative.
CIO : Concrètement, pour l'utilisateur final, qu'est-ce qui sera mutualisé ?
Arnaud Rayrole : Le but est que chaque RSE puisse communiquer avec les autres. D'un côté, les échanges privatifs au sein d'un RSE donné vont évidemment persister. Mais, de l'autre, chacun pourra communiquer et partager des contenus sur tous les RSE en gérant un profil unique à partir de son RSE-métier de rattachement.
Aujourd'hui, le grand public doit gérer des profils sur Facebook, Linkedin, Twitter, Viadeo, etc. mais il existe des outils pour fédérer les usages (comme Hootsuite), faire en sorte que l'on puisse agir à partir d'un point d'entrée unique sans répéter x fois la même opération. Et certains éléments peuvent être automatiquement repris d'un réseau sur l'autre : un flux Twitter sur une page Facebook par exemple. Il s'agit d'apporter cette même interopérabilité aux RSE.
PublicitéCIO : Vous parlez également d'une interopérabilité avec le SI traditionnel. Qu'entendez-vous par là ?
Arnaud Rayrole : Regardez les sites web de presse : on peut partager un article sur Twitter en cliquant sur un bouton. L'idée est de pouvoir faire la même chose dans le SI métier : un bouton pour partager/mobiliser les collègues dans le RSE.
A l'heure du Cloud, et notamment du SaaS, les solutions pour créer un RSE sont souvent clés en main et pas chères (voire gratuites). Il n'est donc pas question, le plus souvent, de dépenser des fortunes dans une intégration longue et coûteuse entre le RSE et le SI traditionnel. L'interopérabilité que nous appelons de nos voeux vise à empêcher l'explosion des coûts d'intégration grâce à la facilité d'opérer cette intégration.
CIO : Est-ce que vous ne vous tirez pas une balle dans le pied en supprimant les prestations d'intégration ?
Arnaud Rayrole : Notre manifeste est soutenu par quatre éditeurs et un cabinet de conseil. Aucun d'entre nous ne vend de prestation d'intégration. Notre intérêt est donc bien de développer les usages, donc de laisser émerger les initiatives mais d'accroître la fédération.
CIO : Cette interopérabilité va-t-elle aider les entreprises à maîtriser leur système d'information collaboratif ?
Arnaud Rayrole : Aujourd'hui, Linkedin connait parfois plus de choses sur les collaborateurs que la DRH de l'entreprise concernée : profil complet, bien sûr, mais aussi relations et contributions. Lorsqu'un RSE est installé, il existe de la même façon un capital social composé de profils, relations et contributions. Or ce capital n'est ni maîtrisé ni récupérable si l'on souhaite changer d'outil.
L'interopérabilité a aussi pour but la réversibilité. Ce qui signifie aussi, nous en sommes conscients, faciliter le départ d'un client d'un des éditeurs signataires de notre manifeste. C'est un frein certain pour les éditeurs à se joindre à l'initiative. Mais nous parions que l'interopérabilité va devenir un critère de choix dans la technologie de RSE puisque l'hétérogénéité des outils demeurera. Les éditeurs français, dont les signataires de notre manifeste, se retrouvent face à des acteurs américains qui veulent être seuls sur le marché. L'interopérabilité pourrait changer la donne.
CIO : Mais le manifeste est pour l'heure une déclaration de bonnes intentions. Concrètement, où en êtes-vous ?
Arnaud Rayrole : Oui, c'est vrai, c'est avant tout une déclaration d'intentions. Mais nous avons identifié six cas d'usage de l'interopérabilité à traiter techniquement. Nous communiquerons sur chacun lorsque nous serons prêts. Pour l'instant, l'un de ces cas est en cours de développement. Par ailleurs, nous commençons à promouvoir cette architecture interopérable auprès des grandes entreprises.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire