Annie Prevot (CNAF) : « la transformation numérique bouleverse la vie de la DSI »

Directrice générale déléguée à la DSI de la CNAF (Caisse Nationale d'Allocations familiales), Annie Prévot modernise ses infrastructures et dématérialise les procédures.
PublicitéCIO : Comment la DSI répond-elle aux demandes internes des métiers ? Qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui va changer dans ce traitement des demandes internes ?
Annie Prevot : Les demandes, tant internes venues des métiers, qu'externes, sont de plus en plus pressantes. De la part des allocataires, qui souhaitent des démarches plus simples alors que la règlementation est complexe, les demandes arrivent à la DSI de manière plus importante. Il faut produire davantage, en fournissant de plus en plus d'automatisation et d'accompagnement humain. Le problème c'est la capacité à réaliser dans le temps.
Les exemples ne manquent pas, que ce soit la lutte contre la fraude qui gagne en importance et doit renforcer notre crédibilité, ou le fait qu'on nous demande de plus en plus de services, du cross canal par exemple, pour accompagner les plus fragiles. Les consultations aujourd'hui s'effectuant à 60% sur tablettes ou smartphones. Nous avons une offre de services 100% dématérialisée qui repose sur le tryptique simulateur / téléprocédure / liquidation automatique et 100% personnalisée, qui s'appuie sur une démarché d'inclusion numérique via un accompagnement humain. Les démarches dématérialisées doivent pouvoir se faire quel que soit le média : mobiles, tablettes et PC. Cette offre de service a vocation à être déployée à l'ensemble des prestations gérées par les CAF (Caisses d'Allocations Familiales). On réalise par exemple, en ce moment, une téléprocédure pour le RSA.
Pour suivre toutes ces demandes et les changements induits, nous avons mis en place une méthode de conduite de projets entre la DSI et les métiers. Un travail en commun entre les maîtrises d'ouvrage, les CAF et la DSI. Un quatrième partenaire, les usagers, peut être intégré dans des groupes focus. Les procédures pour le développement des applications mobiles se font en mode agile, par exemple la refonte du compte allocataire. On va également refaire la demande d'allocation logement selon cette nouvelle méthode.
Tout cela change complètement les relations entre les métiers et la DSI. C'est très positif pour la Branche Famille de la sécurité sociale.
CIO : Quelle place prend la transformation numérique à la CNAF ?
Annie Prevot : Depuis un an, on observe une accélération de cette transformation numérique. La DSI compte une direction dédiée qui s'occupe des applications mobiles. Cette transformation bouleverse la vie de la DSI. Avec des applications ouvertes, c'est un nouveau timing qui s'installe, du 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Auparavant, les horaires d'ouverture du service c'était de 7h à 18h. La transformation est aussi pour nos personnels, qu'il faut adapter aux nouveaux horaires, 24/24 et 7/7. Il faut repenser les niveaux d'intervention de la DSI. Le niveau d'exigence s'avère plus important.
Avec cette transformation numérique, les applications internet deviennent des applications centrales. On nous demande aussi de développer des services (sous forme d'API) pour d'autres entités sur des portails externes, par exemple pour le portail des droits sociaux et de favoriser les échanges avec nos partenaires institutionnels, comme nous le faisons déjà avec la DGFiP (Direction générale des finances publiques) ou avec Pôle Emploi.
Deuxième point qui me paraît important, celui de l'impact du numérique sur les métiers des CAF. Les métiers vont changer, ils changent déjà. De même, nous devons suivre le parcours des usagers avec les personnels pour concevoir et adapter des process de bout en bout.
Prenons un exemple, celui de France Connect. Ce projet suppose des connexions individuelles, or chez nous les comptes sont par foyer. Donc, il nous faut revoir notre back office pour avoir un identifiant personnel qui suive l'individu tout au long de sa vie.
PublicitéCIO : Comment la DSI change le quotidien des utilisateurs ?
Annie Prevot : C'est la mise en place d'un environnement collaboratif complet, type Office 365, qui nous permettra de constituer des groupes de travail virtuels. Un réseau social est également en cours d'expérimentation. Nous étudions aussi la mise en service de solutions pour que le salarié puisse mettre à jour toutes les informations le concernant et avoir les fiches de payes et leurs dossiers administratifs en ligne.
Autre idée en cours d'examen, nous allons également refondre les applications métiers pour les utilisateurs, l'objectif étant de concevoir des interfaces graphiques plus faciles à utiliser. Mais la refonte des applications métiers demandera du temps, elles ne sont pas du tout sur des environnements web.
CIO : Avez-vous engagé de nouveaux modes d'innovation ?
Annie Prevot : Chez nous, l'innovation est portée par la direction générale. Nous avons le Caf'lab' rue du pot de fer, à Paris, qui est lieu emblématique de l'innovation de la Branche Famille. Le travail sur l'innovation se fait également avec de nouveaux modes interactifs pour évoluer en réseau de manière plus simple.
La Cnaf a réalisé un hackathon et un Dojo (réalisé en interne avec le personnel) en 2016, avec succès. Le hackathon, organisé avec l'extérieur, notamment des écoles ou des start-up, a permis d'incuber plusieurs projets, dont « Géodon », une application qui permet de cartographier les territoires, selon leurs forces ou leurs faiblesses sociales, et mettre en évidence les besoins en projets associatifs.
Sur notre site d'open data, cafdata.fr, nous mettons à disposition plus de 350 fichiers historisés et documentés, mis à jour tous les trimestres, et un enrichissement constant des données.
Une des équipes durant le hackathon a présenté une application type « Uber » qui aurait permis la mise en relation des personnes qui cherchent un emploi, avec d'autres qui cherchent une garde d'enfants. Nous pouvons le faire grâce à notre potentiel de données, même si le projet n'a pas été retenu pour être incubé car trop éloigné des possibilités offertes par la règlementation.
Pour être plus pertinent sur l'innovation, il faudrait un budget et des équipes dédiées à la DSI, cela pourrait être porté dans notre futur schéma directeur.
CIO : Justement, comment se présente votre budget pour 2017 et au-delà ? Avez-vous des budgets ou des parties de budgets à la baisse ou en stagnation ? Sur plusieurs années consécutives ?
Annie Prevot : Notre budget s'établit dans le cadre d'une convention d'objectifs et de gestion, la COG, adoptée en 2013 pour cinq ans. Le projet technique principal était celui de la filière unique destinée à abandonner les mainframes au profit d'environnements libres. L'objectif financier est une baisse de 45ME étalée sur 5 ans. Notre budget informatique se situait alors, en 2013, entre 110 et 115 ME. Pour 2017, notre budget, initialement prévu à 74 ME, se retrouve au final à 95 ME. La baisse est donc surtout sur la partie infrastructure, avec 32 ME d'économies sur 65. On met plus de moyens sur le pilotage du SI, c'est stratégique, en particulier les relations avec les métiers.
En cinq ans, on a modernisé nos infrastructures, toutes nos applications en production sur les mainframes ont migré, on a encore notre développement d'applications mainframe cobol en cours de migration, en octobre ce sera terminé.
Mais il nous faudra des moyens et du personnel. Je vais militer en ce sens, en milieu d'année pour la nouvelle convention.
CIO : Personnellement, vous-vous définissez comment, quel type de DSI êtes-vous ?
Annie Prevot : Je suis tentée d'être une DSI qui innove, malheureusement quand on est DSI d'une organisation comme celle où j'évolue, il est essentiel de stabiliser le SI avant de penser à innover.
J'ajouterai qu'un DSI est avant tout un meneur d'hommes, la technologie on sait la faire marcher, donner du sens, donner l'envie d'aller de l'avant sans avoir peur des évolutions, travailler ensemble avec les métiers, les équipes des prestataires externes, bref, travailler avec les autres, c'est aussi très important. Aujourd'hui, encore plus qu'auparavant, la DSI doit bien comprendre le métier, être ouverte avec une marge de liberté, c'est ce que nous portons comme message avec les managers.
Article rédigé par

Didier Barathon, Journaliste
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