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Anatomie d'un plan de succession : comment le DSI de Rosendin Electric a préparé sa relève

Anatomie d'un plan de succession : comment le DSI de Rosendin Electric a préparé sa relève
Avant sa retraite, Sam Lamonica, DSI de Rosendin Electric jusqu’en 2019, a pris le temps de repenser l’organisation IT et de former son successeur.

Après une décennie en tant que DSI du groupe de services électriques Rosendin Electric, Sam Lamonica prend sa retraite. Il raconte comment il a choisi et formé son remplaçant.

PublicitéLes DSI qui peuvent se projeter sur le long-terme évoquent la nécessité de préparer un plan de succession robuste. Pourtant, peu parviennent à achever cette tâche importante, talonnés par la transition numérique et avec des mandats qui vont rarement au-delà des 4 ans.

En 2018, quand il a décidé de prendre sa retraite, Sam Lamonica, DSI de Rosendin Electric, a pris soin de ne pas laisser sans gouvernail l'IT de ce fournisseur d'infrastructures d'énergie, pesant 2,5 milliards de dollars. Sam Lamonica a créé un organigramme pour montrer comment devait se structurer le département IT et l'a proposé en novembre dernier, dans l'idée de partir en 2019. « Je voulais m'assurer qu'un bon management était en place pour l'avenir proche », indique le DSI. « Le délai additionnel a permis à chacun d'en prendre connaissance, de le digérer et de l'accepter. »

Faire l'unanimité sur un organigramme est rare à l'heure actuelle, alors que s'entremêlent des considérations sur les aptitudes managériales, les prouesses technologiques et l'adéquation culturelle. Mais les 16 managers seniors de Rosendin ainsi que le comité de direction l'ont accepté. « Personne n'a remis en cause mon plan », raconte Sam Lamonica, qui est devenu DSI de l'entreprise en 2009. La direction et les hauts managers connaissaient déjà bien le successeur de M. Lamonica, Matt Lamb, qui avait pris les rênes en août. Cela a certainement facilité les choses.

Les DSI peinent rarement à nommer un successeur : généralement, il s'agit de ce lieutenant de confiance, qui possède à la fois les connaissances techniques et l'aisance relationnelle nécessaires pour nourrir et guider les métiers. « En revanche, identifier les bons leaders aux échelons N-1, voire N-2 est une autre affaire, car les décideurs IT ont tendance à peu valoriser le rôle du management intermédiaire », pointe Diane Berry, analyste chez Gartner. Parmi plus de 30 000 décideurs et professionnels RH, 52% ont admis ne pas avoir de visibilité globale sur les talents managériaux actuellement présents dans leur organisation, selon le cabinet de conseil Development Dimensions International (DDI). Par ailleurs, 50% ne disposent pas de programmes de développement du leadership bien intégrés et alignés avec leurs priorités stratégiques.

Sélectionner de haut en bas l'équipe managériale

Ces chiffres ne surprennent pas Sam Lamonica, qui constate que beaucoup de ses pairs proposent leurs organigrammes à la dernière minute, en mode « bonne chance et à plus tard ». Selon lui, avoir mené en amont ce travail d'identification des leaders dans son département a permis à ses homologues métier d'avoir de nombreuses occasions d'observer l'équipe en action, ce qui a favorisé l'adoption de son plan de succession. Les plans de succession se passent rarement sans heurts : Sam Lamonica admet avoir dû prendre certaines décisions difficiles et rebattre les cartes, afin de s'assurer que chacun était à la bonne place.

PublicitéMatt Lamb n'était pas l'un de ces choix difficiles. Il a rejoint Rosendin en 2015, au poste d'analyste senior sur les systèmes métiers, fort d'une solide expérience dans le secteur de la construction, après 8 ans passés à rapprocher l'IT et le métier à travers des missions de chef de projet chez Webcor Builders. Ce contact avec le terrain a immédiatement accru sa valeur dans un secteur où les employés IT débutent avec des compétences techniques, mais pas nécessairement une expérience du terrain. Le parcours de Matt Lamb a impressionné Sam Lamonica. « Parfois, dans l'IT, nous perdons de vue la difficulté de travailler sur les chantiers », souligne-t-il.


Matt Lamb est le nouveau DSI de Rosendin Electric.

Plus impressionnante encore que l'expérience de Matt Lamb, sa capacité à gérer les projets. « Il a démontrée celle-ci après avoir endossé un rôle de pilotage de programme en 2016, et plus récemment en tant que directeur des services IT client en 2018 », raconte Sam Lamonica. Matt Lamb a déployé des applications spécifiques pour la construction, des logiciels de business intelligence et de suivi des temps. Il a également pris la responsabilité du help-desk IT, pour veiller à ce que la technologie et les équipes régionales de Rosendin soient correctement gérées.

Même s'il s'agit de projets sensibles, ceux-ci ne suffisent pas forcément pour une candidature à un poste de direction, qui requiert également de la diplomatie, de l'intelligence émotionnelle et d'autres compétences relationnelles. Matt Lamb reconnaît que son père, occupant un poste de direction, l'a aidé à aiguiser ces aptitudes essentielles pour interagir avec des hauts cadres et d'autres représentants du métier. « J'ai appris comment engager la discussion avec le métier, afin de mener le dialogue de façon naturelle », affirme-t-il.

D'introverti à extraverti

Tout ceci n'était peut-être pas suffisant pour occuper un poste de top management. Quand Matt Lamb a rejoint Rosendin, il était introverti, un aspect de sa personnalité sur lequel il a travaillé dur afin de le corriger. « Je ne suis pas quelqu'un qui va spontanément aller se présenter aux autres », raconte-t-il. Il a fait appel à un coach en leadership, qui lui a demandé de se présenter à un certain nombre de personnes chaque semaine, y compris au sein de Rosendin et pendant les conférences auxquelles il participait. Il a progressivement augmenté ce nombre chaque semaine, demandant à de complets étrangers de parler d'eux. Cela lui a permis de dépasser son aversion d'enclencher des conversations.

« Il a accompli des efforts notables pour devenir extraverti », souligne Sam Lamonica. « Il a su mener à bien cette transition. Tout le monde n'en est pas capable. »

Matt Lamb est également reconnaissant envers Sam Lamonica de l'avoir pris sous son aile tôt, en le présentant à des interlocuteurs clefs, parmi lesquels des responsables de divisions et des managers seniors, pour l'aider à construire son réseau. Aujourd'hui, Matt Lamb se mêle sans efforts aussi bien aux cadres dirigeants qu'à ses pairs, un équilibre indispensable à avoir dans tout poste de DSI. « Parfois, les leaders IT sont bons dans ce qu'ils font d'un point de vue technique, mais il leur manque les aptitudes sociales pour négocier avec le top-management au quotidien », insiste Sam Lamonica.

La formation accélérée de Matt Lamb au management exécutif est toujours en cours. En complément de son coach privé, Matt Lamb profite d'un programme de collaboration et d'accompagnement au leadership dans un groupe de pairs mis en place chez Rosendin. Celui-ci fait partie d'un plan officiel mis en place par le PDG Tom Sorley pour réunir les leaders émergents à un rythme trimestriel. Matt Lamb apprend comment conduire des entretiens d'évaluation des performances et mener des conversations difficiles. Il rencontre toujours Sam Lamonica une fois par mois pour faire le point sur la façon dont il a géré les défis du métier.

Construire l'innovation IT

Prendre soin des futurs leaders est un enjeu stratégique pour la croissance de Rosendin. D'un point de vue général, le secteur de la construction sous-investit dans la technologie, les budgets IT représentant typiquement environ 1% du chiffre d'affaires global. Les entreprises dépendent souvent de prestataires pour maintenir leurs systèmes en fonctionnement. Mais Rosendin Electric n'externalise que 20% de ses missions IT. Il y a quatre ans, Sam Lamonica a fait de la cybersécurité une fonction distincte de l'IT, qui sert de véritable « chien de garde » au métier dans un secteur où les pirates essayent d'utiliser les fournisseurs comme porte d'entrée pour infiltrer les réseaux d'énergie.

L'entreprise évalue actuellement l'usage des technologies de réalité augmentée et virtuelle (AR/VR) pour construire des systèmes de partage d'information permettant aux métiers et aux sous-traitants de faire le travail de base à distance, afin de réduire les frais de déplacement. L'équipe technique de Rosendin construit également des tableaux de bord analytiques pour offrir aux métiers de nouvelles façons de consommer les données, dans l'optique d'améliorer les processus de décision.

Dans le même temps, Matt Lamb envisage la mise en place d'un nouveau système de gestion de projet, et il veut refondre certains processus afin de se concentrer davantage sur les aspects opérationnels. Il s'agit notamment d'envoyer les équipes IT sur les sites de construction, afin d'avoir « une meilleure compréhension de notre métier », ce qui selon Matt Lamb devrait encourager l'innovation.

Au final, la performance de Rosendin dépend de celle des individus qui font fonctionner l'entreprise. Sur ce plan-là, Sam Lamonica se montre confiant : « J'ai mis en place une équipe formidable de haut en bas, de façon à ne ressentir aucune incertitude ni inquiétude au moment de partir », conclut-il.

Article de Clint Boulton / CIO Etats-Unis (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)

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