Amazon, Google, Microsoft : carton jaune pour les engagements Green des géants du cloud
Prise en compte insuffisante du scope 3, trop large recours à la compensation carbone : un rapport publié par deux ONG n'est pas tendre avec les engagements climatiques de 24 grandes entreprises. Malgré leurs engagements publics, les géants du cloud, Microsoft, Google et, surtout, Amazon, font tous du greenwashing.
PublicitéPublié par le New Climate Institute et Carbon Market Watch, deux organisations à but non lucratif, le Corporate Climate Responsability Monitor s'efforce d'évaluer la réalité des engagements de 24 grandes entreprises en matière de réduction de leur impact sur le climat. Représentant ensemble plus de 3 000 Md$ de chiffre d'affaires, l'activité de ces entreprises génèrent environ 2,2 gigatonnes d'équivalent CO2, soit 4% des émissions globales de l'Humanité en 2019. « La multiplication des promesses des entreprises en matière de climat, combinée à la fragmentation des approches, signifie qu'il est plus difficile que jamais de faire la distinction entre un engagement sincère et du simple greenwashing. À cela s'ajoute un manque général de surveillance réglementaire aux niveaux international, national et sectoriel », relèvent les auteurs de l'étude.
En étudiant les promesses et les actions des 24 grandes entreprises ciblées, ces derniers dressent un constat sans appel : « leurs engagements combinés en matière de réduction des émissions sont tout à fait insuffisants pour s'aligner sur une trajectoire de décarbonation compatible avec une augmentation de 1,5 °C de la température terrestre ; les objectifs et les plans de compensation potentiels restent ambigus et l'exclusion de certains périmètres d'émission compromet gravement les objectifs de plusieurs entreprises ». Ainsi, alors que les 24 entreprises en question se sont toutes engagées sur un objectif Net Zero (zéro émission carbone nette) entre 2030 et 2050 sur les scopes 1, 2 et 3, le rapport estime que leurs engagements réels ne concernent en réalité que 36% de leur périmètre actuel combiné. Sans surprise, le (très gros) trou dans la raquette concerne le scope 3, les émissions indirectes hors énergie, qui représentent plus de 90 % de l'empreinte carbone de la plupart des entreprises évaluées.
Apple, bon élève chez les cancres
Si la deuxième édition du Corporate Climate Responsability Monitor critique donc les promesses à long terme des entreprises, il n'est guère plus tendre avec leurs engagements à court-terme, à l'horizon 2030. « Pour les 22 entreprises ayant des objectifs pour 2030, nous constatons que ces objectifs se traduisent par un engagement médian de réduction absolue des émissions de seulement 15 % des émissions sur l'ensemble de la chaîne de valeur entre 2019 et 2030 », écrivent leurs auteurs. Un effort très insuffisant là encore pour rester sous les 1,5°C d'augmentation moyenne des températures. Même si un acteur de la tech se distinguent sur ce terrain, comme Apple, qui s'est engagé sur 63% de réduction de ses émissions pour 2030.
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Engagement de réduction des émissions carbone entre 2019 et 2030 pour les 24 entreprises suivies par le Corporate Climate Responsability Monitor.
A cette échéance, Microsoft, Google et Amazon figurent dans le ventre mou du classement, avec une réduction de leurs émissions carbone comprise entre 15% et 45%, en se basant sur ce que les auteurs du rapport qualifient d'évaluations les plus optimistes. Amazon fleurtant d'ailleurs dangereusement avec la limite basse. Par ailleurs, pour les auteurs du rapport, la confiance qu'on peut accorder aux promesses des trois géants du cloud à l'horizon 2030 reste faible. De même, le Corporate Climate Responsability Monitor estime que les engagements de la totalité des entreprises tech en matière d'objectif Net Zero ne sont pas réalistes, même si une fois de plus Apple fait nettement mieux que Microsoft et Google et surtout très nettement mieux qu'Amazon. Seules cinq organisations sont jugées crédibles sur ce terrain (ThyssenKrup, H&M, Maersk, Stellantis et Holcim).
Amazon : un gros manque de transparence
Pour le New Climate Institute et Carbon Market Watch, la confiance dans les engagements de neutralité carbone des grandes entreprises est mise à mal en particulier par la faible portée des périmètres considérés et par le recours à des crédits carbone dont la crédibilité peut être questionnée. « Parmi les entreprises évaluées, la déclaration de neutralité carbone ne couvrait en moyenne que 3 % de leur empreinte », cingle le rapport. Qui pointe également le recours très large aux certificats d'énergie verte (Renewable Electricity Certificates ou REC), présentés comme peu efficaces pour amener au déploiement de nouveaux moyens de production d'énergie décarbonés.
Ces critiques concernent au premier chef les trois géants du cloud. A commencer par Amazon, le plus mauvais élève des trois selon le rapport. L'entreprise affiche un bilan carbone élevé (71,5 Mt d'équivalent CO2 en 2021, presque un huitième de l'empreinte d'un pays comme la France), qui combine ses activités de e-commerçant et de prestataire IT. La société est notamment pointée du doigt pour son manque de transparence, le rapport soulignant « la faible granularité des données » fournies par la société. Si le géant prend des initiatives au travers de projets innovants visant à réduire son impact environnemental, le rapport souligne le manque de transparence qui entoure la stratégie de l'entreprise et ses efforts en la matière. « L'engagement de l'entreprise en matière de neutralité carbone d'ici 2040 n'est pas étayé, sans objectif explicite de réduction des émissions de l'entreprise, et avec un rôle important envisagé pour les compensations (l'achat de crédit carbone, NDLR). Amazon a fait très peu de progrès au cours de l'année écoulée pour combler ces lacunes importantes dans sa stratégie climatique », fustigent les auteurs.
Google et Microsoft ? Des engagements peu crédibles
Avec 16 millions de tonnes d'équivalent CO2 en 2021, Google affiche un bilan carbone bien plus léger. La société s'est engagée à atteindre le Net Zero dès 2030, en promettant notamment une consommation d'électricité basée à 100% sur des énergies renouvelables. Mais le rapport n'affiche qu'un degré de confiance modéré dans la crédibilité de l'approche, soulignant que l'engagement de la société pour 2030 équivaut en réalité à seulement 37 % de réduction de ses émissions, sans engagement de décarbonation au-delà de cette date. « L'engagement principal de Google est de parvenir à des émissions Net Zero d'ici 2030, tout en maintenant son objectif de neutralité carbone chaque année d'ici là. Nous considérons que ces deux affirmations sont trompeuses, car elles ne sont pas étayées par des engagements concrets de réduction des émissions », écrivent les auteurs. Le secret du tour de passe-passe de Google ? Exclure les principales sources d'émissions du scope 3, qui représentaient 58 % des émissions de GES de l'entreprise en 2021 selon le rapport, et avoir massivement recours à la compensation carbone (pour 67% des réductions effectives).
Enfin, à la tête d'un bilan carbone de 19,2 millions de tonnes d'équivalent CO2, Microsoft joue dans la même cour que Google. Si le rapport accorde un relatif satisfecit au premier éditeur mondial en matière de transparence, il émet là encore de sérieux doutes quant au sérieux de ses engagements. Pour les auteurs du Corporate Climate Responsability Monitor, les affirmations de Redmond sont tout simplement trompeuses. Microsoft soutient ainsi être neutre en carbone depuis 2012 et s'engage à présenter un bilan carbone négatif d'ici 2030. Premier hic : l'engagement de Redmond sur la neutralité carbone ne couvre en réalité qu'environ 7% des émissions de l'entreprise en 2019 (soit les émissions directes et celles liées à l'énergie et aux déplacements), selon les auteurs. Par ailleurs, pour atteindre son objectif à 2030, « Microsoft prévoit simplement de compenser la moitié de ses émissions actuelles. En réalité, l'entreprise ne s'engage pas au-delà d'une réduction de 38 % de ses émissions par rapport aux niveaux de 2019 », soulignent les deux ONG. Façon de dire que, dans la tech, même les moins mauvais élèves sont encore très loin du compte.
Article rédigé par
Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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