Alexandre Aubry (FdJ) : « chez nous, le moindre déploiement est tout de suite industriel »


Maîtriser les coûts et optimiser les niveaux de services à l'heure du cloud
Alors que de plus en plus de grandes entreprises basculent vers le cloud public, en tout ou partie, arrive un nouveau profil de collaborateur dans la DSI : le FinOps. Celui-ci a pour rôle unique d'optimiser l'architecture et l'emploi des ressources afin de fournir le meilleur compromis entre les...
DécouvrirEn Mars 2017, Alexandre Aubry est devenu DSI de La Française des Jeux. L'opérateur de jeux veut renforcer son agilité dans un cadre réglementaire très contraint sous la surveillance de l'ARJEL et en devant gérer un réseau national de 31 000 points de vente à traiter équitablement. L'obligation de devoir gérer les données de bout en bout a entraîné un rejet du cloud pour le SI coeur de métier et le CRM, d'où des choix techniques comme Pegasystems ou Eulerian.
PublicitéCIO : Vous avez rejoint La Française des Jeux au printemps. Quel est le périmètre de votre poste ?
Alexandre Aubry : Je suis DSI de La Française des Jeux en charge de la délivrance des projets sur le marché français. Je rapporte donc à Xavier Etienne, DGA de La Française des Jeux qui dirige ce Pôle Technique et Développement International (PTDI). Ce pôle comprend d'une part le côté international de nos activités avec des co-entreprises (loteries du Portugal et bientôt de Suisse Romande...) ou des prestations B2B, d'autre part l'informatique pour le marché domestique et les filiales technologiques développant des moteurs de jeux (LVS à Londres et Lotsys à Suresnes) pour nous mêmes mais aussi d'autres clients. La DSI délivre les projets, notamment l'intégration des moteurs de jeux à nos offres, et la Direction Technique assure la production, notamment via nos datacenters sur notre site de Vitrolles. La DSI dispose de trois sites : Boulogne-Billancourt (Ouest de Paris), Moussy (Nord de l'Île-de-France) et Vitrolles (près de Marseille).
Nous sommes en charge autant de l'informatique purement interne (comme la mise en place d'un CRM en cours) que de celle au service de nos clients, y compris le social gaming, la création d'une place de marché (Interactive Factory), etc.
CIO : Pouvez-vous détailler vos missions propres et l'organisation de la DSI ?
Alexandre Aubry : La DSI dispose de six départements correspondant à autant de grandes missions. Tout d'abord, nous avons un département dédié aux outils destinés aux collaborateurs, notamment ce qui relève du collaboratif et du numérique. Notre socle opérationnel comprend les référentiels, les systèmes RH et finances, le décisionnel, etc. Le pôle jeux et services se focalisent quant à lui sur ce qui est déployé en points de vente et sur les relations partenaires. Le pôle Digital & Clients s'intéresse à la digitalisation de l'offre de La Française des Jeux (site web, apps, etc.) ainsi qu'à la connaissance et à l'analyse du parcours clients.
Les deux derniers départements sont transverses aux projets. Il s'agit tout d'abord de Architecture & Urbanisation qui fixe les grands principes de notre IT avec une vision que l'on veut de plus en plus opérationnelle. La seconde est Méthodes et Qualité qui s'occupe du suivi qualité des projets et du coaching des chefs de projets.
CIO : Pour venir à La Française des Jeux, vous avez quitté Les Galeries Lafayette. Les deux entreprises ne semblent pas avoir beaucoup de points communs...
Alexandre Aubry : De fait, je m'occupais d'une soixantaine de magasins de 4000 à 70 000 m² chacun et de e-commerce. Cela n'a pas grand'chose à voir avec 31 000 bars-tabacs ou équivalents d'une centaine de mètres-carrés ! Mais La Française des Jeux a engagé une transformation numérique sur tous les métiers (notamment sa dimension distribution) avec la reprise en interne du courtage et de toute la partie commerciale (relations avec les détaillants...).
A cela s'ajoute une dimension humaine importante. La Française des Jeux est une entreprise où la maîtrise technologique va de soi grâce à des experts pointus. Mais il y a une vraie transformation des métiers, des postures, des matières de travailler au quotidien dans un cadre réglementaire contraint. Dernier point, les équipes IT sont réparties sur plusieurs sites mais elles ont un vrai besoin d'agilité et de désilotage.
Globalement, nous passons d'une culture produits à une culture client où le parcours du client doit être sans couture.
Je pense que La Française des Jeux a été intéressée par mon profil à la fois distribution et digital puisque j'ai mené la digitalisation des Galeries Lafayette ainsi que la bascule de la DSI vers l'agilité. C'est cette démarche qui est aujourd'hui engagée dans la DSI de La Française des Jeux.
PublicitéCIO : Justement, agilité et fortes contraintes réglementaires ne sont-ils pas antagonistes ?
Alexandre Aubry : De fait, lorsque nous lançons un nouveau jeu, l'ARJEL veut s'assurer de la conformité réglementaire. L'agilité et la prise de risques sont donc compliquées à concilier avec la conformité.
CIO : Quels sont aujourd'hui vos grands enjeux ?
Alexandre Aubry : Depuis 2015, la stratégie SI se centre sur la modernisation du point de vente. Nous fournissons à nos 31 000 points de vente la totalité de la solution technologique : le terminal, les logiciels, le routeur et la partie télécoms (en partenariat avec Orange Business Services). Nous devons en effet garantir une stricte intégrité de la donnée et un temps de réponse identique partout : tous les joueurs doivent être traités équitablement. Tout déploiement sur les points de vente est donc tout de suite industriel.
Lorsque nous opérons une évolution, nous la testons à Vitrolles car la solution doit être parfaitement robuste et performante. Les tests sur site pilotes concernent d'abord quelques détaillants mais les déploiements concernent des milliers de sites. Par exemple, nous sommes en train de déployer des bornes de jeux. Nous avons des relations très poussées avec les industriels pour cela.
CIO : Comment réagissent les points de vente face au Digital ?
Alexandre Aubry : Les points de vente craignent plutôt le digital. Le déploiement de bornes permet justement de garder une visibilité en points de vente physiques tout en digitalisant et sécurisant la prise de jeu. La mise classique en point de vente est anonyme. A l'inverse, une mise en ligne n'est jamais anonyme. Pour certains jeux digitaux -notamment les paris sportifs- une validation en points de vente est nécessaire. Ce mode hybride permet de certifier le joueur et de l'identifier.
Nous avons un enjeu fort d'équilibre sur tout le territoire. La digitalisation ne s'arrête donc pas au jeux en ligne mais intègre aussi le point de vente grâce, par exemple, aux bornes. Ces bornes sont aussi un moyen d'amener du trafic en point de vente (logique web-to-store).
CIO : La qualification des joueurs et le suivi de leur parcours sont-ils devenus des enjeux pour vous ?
Alexandre Aubry : Tout à fait. Notre passage d'une culture produits à une culture centrée clients passe notamment par un grand chantier, la mise en place d'un CRM [GRC, Gestion de la Relation Client, NDLR]. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de véritable CRM. Nous avions une gestion de comptes avec une segmentation précise utilisée dans Adobe Campaign. A mon arrivée, ma première mission a donc été de trancher sur le choix d'une plate-forme technique et de présenter ce choix au comité exécutif.
Nous avons choisi Pegasystems qui va être couplé d'une part à Adobe Campaign, d'autre part au Master Data Management d'Orchestra Networks où nous allons concentrer tous nos référentiels (notamment les clients) et pas seulement les distributeurs. Le chantier va connaître bien évidemment plusieurs phases. En Novembre 2017, nous allons déployer la gestion des promotions. En Avril-Mai 2018, les référentiels liés aux joueurs vont être déployés dans la solution Orchestra. Et fin 2018, la gestion du cycle de vie du client et le suivi de leurs parcours seront déployés avec intégration du call-center et des points de contacts. Pegasystems intègre en effet également une brique BPM.
Les différents parcours clients sont segmentés car nous devons séduire autant le bassin de joueurs traditionnel que les Millenials. Le travail des données se fait dans une DMP Eulerian.
CIO : Pourquoi avoir adopté ces choix techniques ?
Alexandre Aubry : Nous avons une culture de la maîtrise de bout en bout de la donnée. Le client doit être parfaitement protégé. Or beaucoup de CRM sont aujourd'hui proposés soit uniquement soit prioritairement en SaaS. Cela nous a amené, par exemple, à écarter Salesforces et Oracle. En termes fonctionnels, les solutions du marché sont globalement équivalentes.
Pegasystems nous offre une solution hybride. Le démarrage s'effectue dans le cloud pour nous garantir l'agilité et nous faciliter la montée en compétence. Mais dès que des données sensibles devront être traitées, le système sera déployé dans notre datacenter de Vitrolles.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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