Management

Agent du changement, le prochain rôle clef des DSI

Agent du changement, le prochain rôle clef des DSI
Carol Juel, EVP et CIO de Synchrony : « le DSI doit relier les points pour aider l’organisation à évoluer et s’adapter rapidement. »
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°188 !
Les DSI aujourd'hui : profils et clefs de réussite

Les DSI aujourd'hui : profils et clefs de réussite

La fonction de DSI est en pleine évolution. Avec la crise sanitaire et les changements urgents que les entreprises ont dû mettre en œuvre pour s'adapter à cette nouvelle donne, l'IT a joué un rôle essentiel. Qu'il s'agisse d'assurer la continuité des activités, de transformer l'organisation, les...

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Avec la crise sanitaire, les DSI sont devenus des acteurs à part entière dans le changement de culture qui accompagne la transformation digitale en cours, et sans lequel cette dernière est vouée à l'échec. Ces témoignages tirés de CIO.com illustrent les enjeux qu'implique ce nouveau rôle pour les décideurs IT.

PublicitéPour les décideurs IT d'aujourd'hui, la gestion du changement n'est plus seulement une préoccupation technique. Il s'agit désormais de devenir le fer de lance de la transformation culturelle à tous les niveaux des organisations. Ces témoignages recueillis par CIO.com pointent quelques-uns des enjeux qui accompagnent ce changement de rôle majeur.

Pour plusieurs raisons, la date du 26 février 2020 a marqué Carol Juel, vice-présidente exécutive et CIO de la société de services financiers Synchrony. Non seulement il s'agissait du septième anniversaire de ses jumeaux, et celle-ci avait peiné à rentrer chez elle pour rejoindre les festivités, mais c'était aussi le début d'un changement de cap, alors qu'une réunion de routine pour explorer les possibilités de la technologie Amazon Workspace avait posé les bases pour le passage en quasi-temps réel de l'entreprise au télétravail, alors que la Covid-19 s'imposait comme une pandémie globale. Synchrony a envoyé ses 4000 travailleurs de la connaissance à leur domicile le 13 mars, enchaînant moins de deux semaines plus tard avec un plan pour permettre le travail à distance à 12 000 employés en centre d'appel. Peu de temps après, Carol Juel et le comité exécutif ont officiellement lancé une démarche de transformation de l'entreprise pour adopter les pratiques métiers très agiles qui avaient permis de rendre le passage au télétravail opérationnel si rapidement. Leur objectif était de mettre Synchrony dans une position favorable pour s'adapter rapidement, alors que l'organisation entrevoyait un futur fait de scénarios changeant en permanence et de marchés incertains. « Il s'agissait d'un exercice de logistique et de communication, mais aussi de leadership », pointe Carol Juel. « Le sujet n'est pas seulement technologique, il renvoie à l'état d'esprit agile et aux changements culturels qui rendent la transformation digitale possible. Le rôle du DSI est de relier ces points et d'aider ainsi l'organisation à évoluer et s'adapter rapidement. »

Comme le montre l'expérience de Carol Juel, la transformation digitale a catapulté les DSI au coeur du changement organisationnel, non simplement comme des meneurs technologiques, mais comme des agents du changement, clefs pour promouvoir les modifications culturelles nécessaires pour une transformation réussie. Selon l'enquête 2020 « State of the CIO » de CIO.com, les DSI consacrent davantage de temps à des missions de transformation (89%) et de stratège d'entreprise (67%), incluant le pilotage des initiatives de changement (34%). Même si s'impliquer dans les changements organisationnels et culturels n'est pas véritablement nouveau pour le rôle de DSI, ces missions ont une importance renouvelée alors que le rythme des efforts numériques s'accélère et que la pandémie impose des changements massifs dans les opérations quotidiennes, le futur du travail et la manière dont les entreprises s'engagent auprès de leurs clients et partenaires. « Le rôle de DSI consiste à faire passer son organisation d'une réflexion pour élaborer des stratégies digitales à la construction d'une stratégie qui fonctionne pour un monde digital », affirme Randy Gaboriault, CIO et vice-président senior chargé de l'innovation et du développement stratégique dans le réseau d'hôpitaux privés Christiana Care Health System. « Les DSI ne font pas qu'implémenter la technologie ; ils mettent en oeuvre le changement de l'organisation à travers des applications ou technologies. Quand vous déployez un nouveau système ERP ou un dossier médical informatisé, en réalité vous demandez aux collaborateurs de changer leur façon de faire. »

PublicitéÊtre un partenaire des métiers

Les DSI se sont souvent contentés de rester aux marges de la gestion du changement, se concentrant en priorité sur la promotion des technologies, mais laissant les enjeux culturels et organisationnels à d'autres fonctions managériales. Maintenant que le rôle du DSI est devenu central, ceux-ci bâtissent toutes sortes de boîtes à outils, incluant l'adoption de pratiques agiles, le lancement de programmes de formation et de campagnes de communication, tout ceci en aiguisant leur propre aptitude à se saisir de nouveaux défis, en lien avec le pilotage de la transformation culturelle et organisationnelle.

Tandis que les rôles changent, Darren Ash, CIO adjoint pour la branche du Département de l'Agriculture des États-Unis (USDA) chargée de la production et de la conservation agricole, estime essentiel que les DSI agissent comme des facilitateurs et des partenaires pour les métiers - pas seulement en identifiant et en déployant des technologies pour résoudre leurs problèmes, mais en embarquant tout le monde dans les nouvelles façons de travailler. Darren Ash et son équipe IT y parviennent par des actions directes et régulières auprès des travailleurs de terrain dans les différentes branches de l'USDA, sollicitant notamment le feedback du personnel de l'agence et des clients finaux afin de promouvoir la transformation. Ces efforts ont pour but d'augmenter l'adhésion à toute initiative digitale et de s'assurer que tout le monde est au courant de l'ensemble des possibilités quand il s'agit de nouveaux déploiements. « C'est notre responsabilité de mieux éduquer les métiers sur la technologie et la manière dont elle peut être utilisée », explique Darren Ash. « Pour que nous puissions conduire le changement, nous devons être de meilleurs partenaires pour les métiers, en particulier les travailleurs opérationnels des différentes branches, pas seulement ceux de l'IT. »

Darren Ash et ses pairs de la Direction IT prêtent également attention à capturer la voix des clients par le biais de leurs équipes - dans leur cas, les agriculteurs et éleveurs qui dépendent des services de l'agence - ceci pour évaluer ce qui fonctionne et ce qui peut être amélioré et favoriser un accompagnement organique. « Nous discutons de choses aussi simples que des workflows ou le nombre de clics à ne pas dépasser, ou nous leur posons les bonnes questions », ajoute-t-il. Darren Ash et son équipe ont récemment déployé leur approche de gestion du changement pour aider les employés et clients de l'agence à adopter une nouvelle application de signature électronique et un logiciel de partage de documents sécurisé, conçus pour répondre aux enjeux des procédures habituellement en présentiel durant les fermetures liées à la crise sanitaire. En s'appuyant sur des formations et guides pratiques, l'équipe IT de Darren Ash a travaillé avec les partenaires métiers pour s'assurer que tout le monde savait utiliser la technologie et était à l'aise avec les changements. « Déployer une telle technologie n'est pas un projet IT - il faut le faire en partenariat avec les agences, afin de communiquer de façon appropriée sur la manière de l'utiliser », explique le CIO adjoint.

La place vitale de la formation

Une formation et des programmes d'apprentissage en ligne robustes sont des piliers essentiels dans la stratégie de changement culturel d'Avery Dennison. Celle-ci accompagne toutes les initiatives numériques de ce fabricant international de revêtements adhésifs et d'étiquettes, qu'il s'agisse d'améliorer l'expérience des collaborateurs, des clients, d'optimiser la fabrication ou les produits. Faisant partie intégrante de son centre d'excellence sur l'innovation digitale (Digital Innovation Center of Excellence - DICE), la formation vise à développer la dextérité digitale des collaborateurs, en mettant l'accent sur le design thinking, la méthodologie Agile, DevOps et les technologies digitales. Comme l'explique Nicholas Colisto, vice-président et CIO du groupe industriel, ce programme à multiples facettes repose sur une combinaison de webcasts, de sessions avec un formateur, d'e-learning et de communication ciblée, afin de maintenir les employés d'Avery Dennison à jour et à l'aise avec les changements en cours, au fur et à mesure que l'entreprise devient plus digitale. « C'est une façon d'éduquer massivement sur les différentes technologies et pratiques existantes », souligne-t-il.

En complément de ces initiatives de formation, Avery Dennison offre un programme d'accélération de six mois sur le leadership digital à vingt cadres exécutifs hors IT, fournissant à ceux-ci une formation approfondie sur la technologie et le leadership, afin d'en faire des champions métiers du digital. Enfin, des Proof of concepts menés par le DICE forment le troisième pan de cette stratégie pour développer une culture digitale. « Si nous laissons l'expérimentation à tout un chacun, l'impulsion résultante reste faible », explique Nicholas Colisto. « Chacun a ses missions quotidiennes à accomplir avec l'ERP ou le CRM, ce qui laisse un temps limité pour tester les technologies émergentes. »

Aiguiser ses compétences de leadership

Les DSI doivent eux-mêmes prendre le temps de développer un certain nombre de nouvelles compétences, tout particulièrement dans le domaine de la communication, afin de pouvoir piloter de façon efficace le changement de culture qui va de pair avec la transformation digitale, selon Norrene Duffy, CEO et fondatrice du cabinet de conseil Red Bridge Consulting, spécialisé dans l'accompagnement du changement organisationnel. Non seulement les DSI doivent parler le langage des métiers, mais ils doivent aussi pouvoir communiquer de façon efficace dans le langage du comité exécutif, des dirigeants et de l'équipe de développement, qui repose de plus en plus sur les approches agiles au lieu des modèles en cascade. « Les DSI ont besoin d'adopter un état d'esprit différent pour être des partenaires, être résilients face au changement et avoir la capacité de communiquer aussi bien de façon ascendante que descendante, à travers les différents niveaux de l'organisation », conseille Norrene Duffy. « Les DSI doivent être multilingues - il leur faut à la fois pouvoir dialoguer efficacement avec leur équipe en comprenant ce que l'Agile signifie, puis s'adresser ensuite aux partenaires métiers, aux vice-présidents et au comité de direction dans leurs propres langages.

Mihai Strusievici, vice-président groupe de la technologie chez le géant de l'immobilier Colliers International, a repris des études pour obtenir un MBA en vue de se préparer à piloter le changement qui accompagne la transformation digitale. Il perçoit son rôle comme celui d'un éducateur - non pour expliquer les différentes technologies, mais pour clarifier la façon dont elles peuvent renforcer les métiers, dans des termes que ceux-ci comprennent. Maintenant que Mihai Strusievici a progressé dans sa maîtrise du langage métier, forgeant des alliances avec des collègues clefs comme le DAF, ainsi que d'autres profondément ancrés dans les métiers, il est convaincu qu'il faut aborder le changement de culture comme un marathon et non comme un sprint. « Nous profitons d'une fenêtre favorable à cause de la crise sanitaire, et parce que tout le monde comprend que la technologie leur permet d'avancer », explique-t-il. « Si les cinq derniers mois ont changé la culture, c'est encore trop tôt pour considérer que le travail est fait. »

La Covid-19 accélère le changement

Chez Synchrony, les pratiques métiers agiles font partie d'un changement de culture sur le plus long terme, mais l'effort de vie ou de mort accompli en mars a permis de faire un grand pas, selon Carol Juel. Une fois que les travailleurs de la connaissance étaient équipés et opérationnels pour travailler à la maison, l'équipe de direction a mis la priorité sur la création d'un environnement de travail sain et sécurisé pour tous les employés des centres d'appel, lançant la campagne #GetOurRepsHome, créant un centre de commandement en 24*7 pour monter toute la logistique et tenant des points deux fois par jour avec le comité exécutif pour franchir la ligne d'arrivée. Après le déploiement mi-avril et une paire de mois pour stabiliser le dispositif, l'équipe de direction a réalisé que les pratiques métiers agiles seraient cruciales pour aller de l'avant. Des leaders soigneusement choisis se sont vu confier la mission de devenir des champions, afin d'aider à conduire les efforts de changement de pair avec des sponsors dans le comité exécutif, tandis qu'une communication régulière a permis de familiariser les employés aux pratiques agiles, comme l'amélioration continue ou les choses à faire et à éviter lors d'un standup meeting. « Nous souhaitons continuer à être adaptables et agiles, et nous avons pris conscience que cette transformation culturelle devait être une priorité pour l'entreprise », explique Carol Juel. « L'organisation est mûre pour la transformation, car nous sommes tous hyperconnectés mais physiquement isolés, et de ce fait, nous avons une véritable occasion de changer notre manière de fonctionner. »

Malgré tous les changements induits par la crise sanitaire au cours des six derniers mois - de la fermeture des points de vente et des usines au passage en télétravail - David Behen, vice-président et CIO de l'enseigne d'ameublement La-Z-Boy, voit tout de même un aspect positif dans celle-ci. Il constate que les efforts accomplis pour permettre aux employés de travailler en toute sécurité de chez eux et pour assurer la continuité de l'activité ont permis d'établir les bases d'une relation de confiance entre les collaborateurs, le management, l'IT et le métier, ce qui facilite la transformation culturelle. « Nous avons envoyé aux collaborateurs des tutoriels et des mails pour les accompagner avec tous ces nouveaux outils et processus, et ils s'en sont saisis », souligne-t-il. « Nous avons passé les cinq dernières années à leur expliquer que la technologie était un levier pour faciliter leur travail, puis tout ceci est arrivé. Une fois que leur environnement familier leur a été retiré, ils ont pris conscience que c'était une réalité. »

Même avec le focus accru sur le changement organisationnel et la bonne volonté des gens pour unir leurs efforts, conséquences de la crise sanitaire, changer la culture reste toutefois difficile. Appliquer une seule approche indifférenciée ou piloter le changement uniquement par le haut ne permettra pas de faire bouger le curseur, prévient Sharon Kennedy Vickers, CIO à la direction de la technologie et des communications de la ville de Saint-Paul. « L'inertie est une force formidable, c'est pourquoi il faut absolument chercher la transparence et l'adhésion à tous les niveaux de l'organisation pour réussir la conduite du changement », ajoute-t-elle. « Quel que soit le type de changement, parfois la voix qui prédomine est celle qui dit que nous avons toujours fait ainsi », acquiesce Darren Ash. « Demander un changement ne marche pas sans explication, sans compréhension ni sans laisser de place pour écouter les inquiétudes. Mieux nous expliquons, nous écoutons et dans certains cas, nous savons nous adapter, mieux cela se passera. »

Article de Beth Stackpole / CIO États-Unis (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)

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