Affaire du SMS : quelles leçons en tirer pour les professionnels ?
La mise en garde à vue d'un jeune abbevillois parce qu'il avait reçu un SMS douteux pose plusieurs problèmes sur la responsabilité juridique des DSI.
PublicitéNi le procureur d'Abbeville ni les gendarmes ni même le jeune abbevillois héros de l'histoire ne devait s'attendre à ce que cette aventure fasse autant de gros titres... Mais l'affaire est intéressante à plus d'un titre pour un DSI. Rappelons d'abord brièvement les faits tels qu'ils sont désormais clairement connus. Un premier jeune homme est victime d'une panne de téléphone mobile. Il obtient de son opérateur un téléphone de prêt, y insère sa carte SIM et reçoit alors un SMS demandant une méthode pour faire dérailler un train. Ce premier jeune homme n'efface pas le SMS mais n'y fait pas plus attention que cela. Puis il récupère son propre téléphone, réparé, et restitue donc le téléphone comportant le SMS en cause à son opérateur. Ce téléphone est prêté à un autre particulier qui découvre le SMS et dénonce les faits à la police. En aucun cas, il n'y a donc eu surveillance de quoi que ce soit par l'opérateur de téléphone ou « écoute » des SMS. Par contre, le SMS en question aurait pu être reçu sur un téléphone professionnel ou même concerner l'employeur (information sur l'activité commerciale, etc.). De plus, au niveau juridique, il n'y a pas de différence entre un SMS et un e-mail et un cas similaire aurait pu se produire avec un smartphone contenant un e-mail professionnel ou un e-mail autant menaçant que le SMS en cause parvenir sur un appareil mis à disposition pour des motifs professionnels. Etienne Papin, avocat au cabinet Féral-Schuhl & Sainte Marie, nous éclaire sur toutes les leçons juridiques à tirer de l'affaire. Qui a la responsabilité de l'effacement des données sur un téléphone ou un ordinateur de prêt ? Le prêteur peut-il voir sa responsabilité engagée pour avoir re-prêté un appareil contenant des données d'un autre client ? Notons tout d'abord que le cas est inédit mais, a priori, le prêteur n'a aucune responsabilité. En effet, une obligation née du contrat de prêt est que l'emprunteur restitue l'objet dans l'état où il l'a obtenu. S'il ne le fait pas, c'est plutôt le prêteur qui peut se retourner contre lui si cela lui porte le moindre préjudice. Si l'appareil ayant reçu le message « menaçant » avait été professionnel, la responsabilité de l'employeur aurait-elle pu être engagée ? D'une manière générale, l'employeur a-t-il un devoir de surveillance des correspondances de ses salariés reçues ou expédiées à partir d'un appareil professionnel ? L'employeur n'a aucune obligation de surveillance des correspondances de ses salariés et c'est même plutôt l'inverse. La cybersurveillance des salariés est sévèrement réglementée et aucune jurisprudence, comme aucune loi, n'oblige l'employeur à surveiller les salariés. A l'inverse, il y a une obligation de prévenir les salariés de la surveillance opérée que l'employeur peut réaliser pour défendre ses propres intérêts, comme empêcher les pertes de temps et obliger ses salariés à travailler pour lui. Ceci dit, la jurisprudence rappelle que l'employeur ne peut pas interdire tout usage privé des outils professionnels, notamment pour consulter des sites web ou recevoir des e-mails à des fins privées. Par contre, même il n'y a aucune jurisprudence sur le sujet, si un employeur tombait « par hasard » sur un message « menaçant » (ou lié à un acte criminel quelconque) sur un appareil mis à disposition par lui, il aurait le devoir, si les faits sont plausibles, de dénoncer aux autorités les dits faits sinon il engagerait sa responsabilité civile et pénale.
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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