Administration : pour en finir avec les projets IT mal calibrés
Pas facile de déceler la valeur d'un projet quand elle ne se traduit pas uniquement par des revenus financiers. Pour relever ce défi, les administrations peuvent compter sur la nouvelle version de Mareva, une méthodologie d'évaluation des chantiers IT, spécifique à la sphère publique. Remise à jour par la DSI de l'Etat, cette grille d'analyse cible aussi bien les volets économiques que fonctionnels.
PublicitéInflation des couts de développement, sous-estimation des contraintes d'exploitation, manque d'anticipation des ressources, service numérique déserté par le public, etc. Comme ailleurs (mais pas plus qu'ailleurs) l'Administration voit certains de ses projets IT échouer. La plupart du temps, ces échecs répondent au même schéma. Ils résultent du manque de corrélation entre d'une part les ambitions initiales correspondants aux études d'opportunités menées en amont, et d'autre part, le déploiement effectif de ces projets, avec leur impact économique et organisationnel.
C'est précisément pour combler ce fossé que la DISIC (Direction Interministérielle des Systèmes d'Information et de Communication) a remis à jour Mareva, une méthodologie de remontée de la valeur, spécialement adaptée à la sphère publique. Cette nouvelle version fait en ce moment l'objet de formations dans la plupart des Ministères. Comme en témoignent ces 150 directeurs de projet déjà rompus à l'alimentation des tableaux et à l'interprétation des graphiques de Mareva (disponible ici).
En pratique la méthodologie fournit une grille d'analyse permettant de couvrir l'ensemble des gains attendus du projet. Qu'ils relèvent d'un volet économique ou - et c'est la nouveauté de cette version - d'un volet stratégique (métiers et SI). Désormais ces gains sont mesurés, justifiés et formalisés noir sur blanc. Dans les détails, il s'agit d'attribuer une note à chacun des paramètres constitutifs des deux volets. Ils sont une trentaine en tout : qualité du service rendu, condition de travail, levier de transformation, besoins réglementaires, respect du schéma directeur de la DSI, sécurité informatique, réduction de la dette technique, impact métier, dépense, durée de vie du projet, cout de fonctionnement, etc.
Mareva veut en finir avec les situations ubuesques où un service numérique, parce qu'il a été correctement déployé, est jugé pertinent... alors même que personne ne l'utilise. En finir également avec le manque d'anticipation et de projection. A l'image de ces projets trop nombreux qui occultent les couts liés à l'hébergement et à la maintenance de nouveaux services.
Dans Mareva, la valeur et les impacts sont au contraire à rechercher auprès de toutes les parties-prenantes du projet. Ils s'apprécient par exemple au regard du temps économisé par l'usager, notamment au niveau de ses déplacements. Ils font par ailleurs l'objet d'engagements, qui prennent souvent la forme d'un taux d'utilisation de service.
Notez que ces cibles chiffrées ne font pas que responsabiliser les directeurs de projets. Ils donnent également un moyen d'objectiver les résultats obtenus. En effet une note globale - la valeur - est attribuée au projet, qui par voie de conséquence se prête désormais à la comparaison. Celle-ci a trois vertus. Déjà, elle est précieuse lorsqu'une direction cherche à prioriser ses chantiers. Elle s'appuie alors sur un même canevas pour les évaluer et sélectionner ceux générant des natures de gains correspondant à leur priorité (respect des contraintes réglementaires, besoin de transformation, qualité de service, etc).
Ensuite la comparaison aide à évaluer plusieurs scénarios d'un même projet. L'un peut être ambitieux, l'autre plus modeste, le premier mobilisant plus de moyens mais offrant davantage de services que le second. Dans ce contexte, Mareva décèle le scénario dont la valeur est la plus élevée. Toutefois, celle-ci doit être systématiquement complétée par une analyse de la faisabilité des scénarios. Sont en particulier scrutés les risques liés à la gouvernance, à la réalisation et aux délais. L'objectif de cette analyse : bannir les effets « tunnel » au profit d'approches plus agiles.
Enfin, les notations de Mareva et leur représentation graphique (sous forme de radars) aident à suivre l'évolution d'un projet dans le temps. En identifiant notamment ses dérives potentielles par rapport à la cible initiale.
PublicitéMareva ne remplacera jamais l'expertise humaine, mais en forçant à cadrer et à anticiper dans les moindres détails les projets, il participe à la sécurisation des chantiers informatiques de l'Administration. De leur coté, les directeurs de projet, tout comme les décideurs politiques, disposent désormais de données objectives. Elles leur sont précieuses, on l'a vu, pour aligner les ambitions sur les réalisations. Mais également pour mettre en évidence les nombreux succès, trop peu visibles. Surtout quand ces succès reposent sur des développements aux cycles courts et itératifs. En ce sens, Mareva est un formidable levier pour promouvoir, diffuser et valoriser les méthodes agiles, lesquelles conditionnent en grande partie la modernisation du SI de l'Etat.
Une version light de Mareva, adaptée aux projets de petite taille, et à fortiori aux méthodes agiles, est d'ailleurs dans les cartons de la DISIC.
Article rédigé par
Rémy Mazzocchi, Chargé de l'évaluation et de la sécurisation des projets SI de l'Etat à la DISIC
Centralien, Rémy Mazzocchi a débuté sa carrière chez Pricewaterhouse Coopers. Spécialisé dans la gestion des risques économiques et des systèmes d’information (SI), il met depuis 2006 son expertise au service des grands projets de l’Etat. Auparavant à la Cour des comptes, il a élaboré et mis en œuvre la stratégie d’audit des SI au titre de la certification des comptes de l’Etat. Expert du Fonds Monétaire International depuis 2009, il est régulièrement chargé de l’évaluation des SI de gestion des finances publiques. Rémy Mazzocchi a rejoint la DISIC en 2011. Il a conçu, outillé et diffusé la nouvelle version de Mareva.
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