Stratégie

Abdellah Tebani (CHU Rouen / INSERM) : « nous manquons de profils mixtes informatique / médecine »

Abdellah Tebani (CHU Rouen / INSERM) : « nous manquons de profils mixtes informatique / médecine »
Abdellah Tebani, maître de conférence des universités, praticien hospitalier et pharmacien biologiste travaille dans ce laboratoire du CHU de Rouen affilié à l’INSERM.

Le laboratoire de biochimie métabolique du CHU de Rouen exploite des données complexes et l'IA pour assister les diagnostics de maladies rares. Mais la double compétence requise pour ce type de travaux est d'une grande rareté.

PublicitéComme la plupart des secteurs, la médecine exploite de plus en plus le patrimoine de données pour accroître sa performance. Au laboratoire de biochimie métabolique du CHU de Rouen, affilié à l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), l'activité est, assez classiquement pour ce type de service, mixte : d'une part le diagnostic des maladies rares (plus un diagnostic de recours lorsque des moyens courants ont échoué), d'autre part de la recherche sur ces maladies. Les moyens utilisés comprennent notamment le séquençage de nouvelle génération, de la spectrométrie de masse, etc. Ces moyens génèrent bien sûr de la data et il s'agit d'en optimiser l'exploitation.

Les données de base comprennent beaucoup de données structurées (classiquement : des dosages suite à des analyses) et, de plus en plus, des données non-structurées de contextualisation (comptes-rendus...). Evidemment, le problème majeur est l'industrialisation du traitement des données non-structurées. « Il n'existe pas d'outil mature largement diffusé pour cela » déplore Abdellah Tebani, maître de conférence des universités, praticien hospitalier et pharmacien biologiste, responsable de la valorisation des données du laboratoire de biochimie métabolique.

L'intelligence artificielle permet d'humaniser le parcours de soin

Généralement, le diagnostic est surtout basé sur les données structurées mais les données non-structurées servent aux réunions et aux consultations. L'intelligence artificielle permettrait de libérer du temps de travail (lecture des documents, analyse, transcription des points importants...) pour les praticiens afin d'améliorer la prise en charge humaine des patients. Abdellah Tebani sourit : « en éliminant des tâches chronophages, l'intelligence artificielle permet paradoxalement d'humaniser le parcours de soin. »

L'intelligence artificielle, via des modèles de régression et le deep learning, est exploitée grâce à des traitements à façon, des développements spécifiques, à partir d'algorithmes et de bibliothèques open-source. Une des approches testées est le « morphing omique ». En quelque sorte, il s'agit de créer un « jumeau virtuel » des patients sur les plans biologiques, cliniques, etc.

De nombreux défis...

Les données sont essentiellement gérées sous forme de fichiers plats (CSV, Excel, etc.). Les traitements opérés permettent de transcrire les données non-structurées en données structurées, via de la codification. « Mais tous les outils requièrent avant tout une grande qualité de la donnée de base » insiste Abdellah Tebani. Le contrôle de la qualité de la donnée est donc un point important d'effort du laboratoire.

Mais la révolution numérique de la data se heurte, en médecine, à des difficultés particulières. Tout d'abord, les données sont stockées de matière très silotée pour ne pas dire fragmentée, tant pour des raisons juridiques, avec un cadre réglementaire restrictif et flottant, que pratiques. Les formats de données sont très variés avec 80 % de non-structuré (CSV, TXT, PDF...). Les outils d'interrogations des données non-structurées de type NLP (reconnaissance du langage) doivent s'adapter à un vocabulaire très spécifique mais surtout des définitions qui évoluent. Abdellah Tebani reconnaît : « les termes évoluent avec les progrès rapides de la science ». Il faut donc « entraîner l'IA » en continu pour épouser les progrès scientifiques, les IA devant désapprendre les informations obsolètes et consolider les apprentissages.

Publicité...dont celui des ressources humaines

« Le défi le plus important de la médecine de précision est d'avoir un langage commun entre tous les corps de métiers impliqués (praticiens, industriels, développeurs informatiques...) » soupire Abdellah Tebani. Il ajoute : « nous manquons de profils mixtes informatique / médecine alors que nous avons besoin de ces profils hybrides pour créer le pont entre les métiers, passer en quelque sorte à une Santé 4.0 ».

Bien sûr, il existe des praticiens qui codent... « Mais la plupart se forment sur le tas » observe Abdellah Tebani. Il réclame : « il faudrait des formations hybrides, il n'existe pas de parcours académique mêlant médecine et bio-informatique. » Ce sont donc des initiatives individuelles qui permettent tant bien que mal de répondre aux besoins. Pour Abdellah Tebani, « nous n'atteignons pas la masse critique et nous ne l'atteindrons pas ainsi. »

Partager cet article

Commentaire

Avatar
Envoyer
Ecrire un commentaire...

INFORMATION

Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.

Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire

    Publicité

    Abonnez-vous à la newsletter CIO

    Recevez notre newsletter tous les lundis et jeudis