88 % des prototypes d'IA ne passent pas en production, mais ce n'est pas la faute de la DSI

Des objectifs peu clairs, une préparation insuffisante des données et un manque d'expertise interne sont à l'origine de l'échec de nombreux PoC en matière d'IA. Et la pression malencontreuse exercée par la hiérarchie n'aide pas.
PublicitéLes prototypes ou preuves de concept (PoC) sont devenus des éléments clé des stratégies d'IA des DSI, car ils permettent de tester les cas d'utilisation de la technologie à moindre frais. Mais les entreprises tendent aujourd'hui à se lasser de ces projets pilotes. Pour obtenir des résultats concrets des déploiements d'IA, les enseignements tirés de ces expériences ne suffisent pas. Par ailleurs, trop peu d'entre eux passent réellement en phase de production
Une étude récente d'IDC, réalisée en partenariat avec Lenovo, montre que 88 % des PoC étudiés ne passent jamais le cap d'un déploiement à grande échelle. Pour 33 PoC d'IA lancés par une entreprise en moyenne, seuls quatre sont passés en production, indique le cabinet d'études.
« Le nombre élevé de PoC d'IA associé au faible taux de conversion en production indique le manque de préparation des organisations en termes de données, de processus et d'infrastructure informatique, écrivent les auteurs d'IDC. La moitié des organisations ont adopté l'IA, mais la plupart en sont encore aux premiers stades de la mise en oeuvre ou de l'expérimentation, testant les technologies à petite échelle ou dans des cas d'usage spécifiques, alors qu'elles s'efforcent de surmonter les difficultés liées à un retour sur investissement peu clair, à l'insuffisance de données prêtes pour la technologie et au manque d'expertise interne. »
La pression des directions générales
Les différents analystes qui suivent l'IA générative font tous état d'un constat similaire, notant un fort désir des entreprises de tirer parti de l'IA générative, mais soulignent des diverses erreurs qui rendent difficile le passage de la technologie à un niveau supérieur.
Jason Andersen, vice-président et analyste principal chez Moor Insights & Strategy, estime ainsi que l'approbation sans réelles exigences des PoC d'IA générique contribue à la surabondance d'expériences ratées. « Les prototypes de GenAI dans les entreprises sont approuvés beaucoup plus facilement que ceux relatifs aux autres technologies en général, principalement en raison de la pression exercée par les PDG et les conseils d'administration pour faire autant d'expériences que possible avec l'IA générative », dit l'analyste.
« Ces directions générales disent : 'Je veux en savoir plus et je vais donc approuver un prototype pour voir si et comment cela s'applique à mon entreprise' », reprend Jason Andersen, ajoutant qu'il voit désormais les entreprises déployer « un nombre beaucoup plus important de PoC ».
Selon l'analyste, les responsables informatiques tirent parti de cette tendance pour tenter d'obtenir le feu vert pour des projets technologiques plus vastes. « Beaucoup d'efforts ne sont pas liés à la GenAI, mais les DSI essaient d'y injecter des éléments d'IA générative, explique-t-il. Ils se disent qu'avec cet ingrédient, ils obtiendront l'approbation » de leur hiérarchie.
PublicitéUne question de retour sur investissement
Reece Hayden, analyste principal chez ABI Research, souligne que ses recherches ont également révélé une montée en flèche du nombre d'approbations de PoC au sein des entreprises. « La barre s'est abaissée pour les PoC [d'IA générative] », en partie parce que « le coût de développement de ces PoC d'IA générative est désormais beaucoup plus bas », explique Reece Hayden.
Les taux de passage du pilote à la production peuvent varier en fonction de la manière dont chaque entreprise calcule le retour sur investissement mais aussi en fonction de leur approche des risques associés aux IA. « Cela va varier considérablement. Il s'agit d'évaluation du risque et de la volonté d'accepter ce risque, ainsi que du manque potentiel de précision », explique Reece Hayden. « Le niveau de risque est nettement plus élevé [que pour les projets non liés à cette technologie] et il est assez rare que la récompense l'emporte sur le risque.
Brian Jackson, directeur de recherche principal à l'Info-Tech Research Group, est plus optimiste quant aux faibles taux de succès des pilotes d'IA. « L'intérêt des PoC est d'expérimenter. N'ayez pas peur d'échouer la première fois. Ce n'est pas du gâchis, affirme-t-il. Même les échecs ne sont pas des échecs si l'on en tire de bonnes leçons. »
Mode panique enclenché
Mais si IDC voit des problèmes IT systémiques comme étant à l'origine des taux d'échec élevés des pilotes, notamment l'insuffisance des opérations sur les données et le manque de compétences en matière d'IA, le cabinet d'études admet que les politiques d'entreprise sont également en jeu. « La plupart de ces initiatives en matière d'IA sont nées au niveau du conseil d'administration. Et une grande partie d'entre elles sont le fruit d'une réflexion dominée par la panique », déclare Ashish Nadkarni, vice-président chez IDC. « Ces PoC sont fortement sous-financés ou ne sont pas financés du tout. La plupart du temps, le PoC n'est pas le fruit d'une analyse de rentabilité solide. Pour moi, il s'agit d'une économie de ruissellement ».
Les campagnes de marketing autour de l'IA ont incité les conseils d'administration et les PDG à exercer une pression excessive sur les DSI pour qu'ils fassent quelque chose avec la technologie. Et ce, dès maintenant. « Les calculs de retour sur investissement sont influencés par un certain niveau d'urgence, un sentiment de menace existentielle. La sonnette d'alarme est tirée et les gens sont prêts à contourner toutes les règles sur la signification du retour sur investissement. Ils sont simplement en train de paniquer », reprend Ashish Nadkarni.
Article rédigé par
Evan Schuman, CIO US (adapté par Reynald Fléchaux)
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire