8 réalités à laquelle se heurtera la DSI en 2025
L'informatique ne disposera jamais d'assez d'argent, d'un contrôle total ou de garanties de succès de ses initiatives. Mieux vaut s'accommoder de ces réalités.
PublicitéAucun DSI ne s'attend à ce que son travail soit facile ou qu'il ne soit pas confronté à des décisions difficiles. Il ne s'attend pas davantage à obtenir toujours ce qu'il veut, car l'époque où les décisions techniques étaient vues comme indiscutables est révolue depuis longtemps. Les DSI l'ont compris.
Pourtant, ils sont toujours confrontés à de nombreuses circonstances frustrantes et à des réalités qu'ils préféreraient ignorer. Voici huit réalités de la vie d'un département IT que leurs responsables doivent apprendre à accepter.
1. Il n'y a pas assez d'argent pour la data alimentant l'IA
Les Pdg, DSI, CTO et autres dirigeants continuent de courir après les projets d'IA à un rythme effréné. L'enquête « Impact of Technology in 2025 and Beyond » de l'organisation professionnelle IEEE a révélé que 58 % des décideurs IT pensent que l'IA sera la technologique la plus importante en 2025, loin devant toute autre.
Selon Ted Schadler, vice-président et analyste principal chez Forrester Research, les dépenses consacrées à l'IA augmentent, mais sans apporter pas les fonds nécessaires pour mettre de l'ordre dans les données. « Les DSI doivent accepter que leur budget actuel ne permette pas d'effectuer le travail de transformation des données qui est nécessaire », déclare-t-il.
Et, tout aussi difficile, ils doivent aussi accepter le fait qu'ils devront demander cet argent - et donc convaincre le Pdg, le directeur financier et le conseil d'administration de l'intérêt de cet investissement.« Ils devront trouver un moyen d'engager le directeur financier dans une conversation sur le financement de cet effort », souligne Ted Schadler.
2. En fait, c'est le budget IT qui est insuffisant
Il n'y aura jamais assez d'argent à l'IT pour faire tout ce que les métiers souhaitent, note Marc Tanowitz, associé et directeur du cabinet de conseil et de transformation West Monroe. « Les DSI doivent l'accepter, car c'est la réalité avec laquelle ils vivent au quotidien ». Mais les DSI les plus avisés ont appris non seulement à accepter cette vérité, mais aussi à la contourner, ajoute-t-il.
« Les meilleurs DSI disent toujours oui. Ils disent oui à ce que veut le métier, mais ils ajoutent : 'Mais voici les implications. Nous pouvons faire ceci [le projet que vous voulez], mais vous devez accepter de ne pas faire ces autres choses. Et si vous ne pouvez pas accepter cela, comment pouvons-nous accomplir tout ce que vous voulez ?' » explique Marc Tanowitz.
3. L'informatique sera pointée du doigt, même quand on lui demande l'impossible
Les DSI ne doivent pas seulement faire face à des demandes qui dépassent les budgets disponibles. ? Selon Jenica McHugh, directrice générale du service de conseil et de stratégie technologique d'Accenture, ils doivent accepter d'être blâmés s'ils n'atteignent pas les objectifs fixés ou s'ils ne répondent pas aux attentes des métiers.
Publicité« Il s'agit peut-être d'une vérité dure ou simplement malheureuse, mais il semble que l'on reproche toujours à l'informatique de ne pas être en mesure de répondre à toutes les attentes des différents métiers. Ces derniers peuvent affirmer qu'ils n'obtiennent pas le retour sur investissement escompté ou que l'informatique est trop lente », explique-t-elle. « Pourtant, lorsque je travaille avec des clients, il est très rare que je trouve une organisation informatique bien pire que ses pairs. En général, elles sont plutôt performantes. Ce sont plutôt les attentes à l'égard de l'informatique qui sont déraisonnables ».
Pour éviter ce scénario, Jenica McHugh estime que les DSI doivent apprendre à mieux gérer les attentes. « C'est pourquoi l'accent doit être mis sur des éléments tels que la transparence financière, afin de pouvoir lier les services informatiques au financement qu'ils reçoivent, de sorte que tout le monde dispose des informations nécessaires pour discuter des compromis entre coûts et valeur », explique-t-elle.
Par exemple, un DSI chargé de réduire les coûts de 10 % doit se demander « quel service l'entreprise souhaite-t-elle assouplir pour réaliser ces économies », afin que le métier ait une idée claire des compromis nécessaires et ne rejette pas la responsabilité des résultats sur l'informatique.
« Le métier a plus de contrôle sur le coût de l'informatique que ce qu'il veut bien généralement admettre, ajoute Jenica. McHugh. En fin de compte, l'informatique est une organisation de services ; ses coûts seront donc alignéd sur le volume et le niveau des services qu'elle fournit ».
4. Savoir que le changement est constant ne suffit pas
Les DSI parlent souvent du fait que le changement est constant, que le rythme de ce changement s'accélère et qu'eux-mêmes, leurs collègues et leurs organisations doivent y être préparés. Pourtant il y a de fortes chances qu'ils ne le soient pas, malgré tous les efforts du DSI.
« Il n'y a qu'une seule chose dont un DSI admettra en avoir assez, c'est le changement. Il y a tellement de changements que ces professionnels n'arrivent plus à suivre. C'est une vérité immuable : il y aura toujours une tonne de changements et vous n'aurez pas assez de visibilité sur ceux-ci », philosophe Marc Tanowitz.
Et de préciser que, selon lui, personne ne se souciera jamais de savoir si l'informatique est capable de gérer tous ces changements. « Les DSI doivent donc être en mesure de l'intégrer dans leur travail. Ceux qui gèrent bien le changement sont ceux qui peuvent le décomposer et l'intégrer dans ce qu'ils font déjà. Ils doivent être vraiment bons dans cet exercice d'arrêt, de redémarrage et de poursuite. Il se peut qu'ils ne soient pas toujours en avance, parce qu'ils ne savent pas quel sera le prochain changement. Mais ils savent que ce n'est pas grave. Ils doivent juste être capables d'y faire face », souligne l'associé de West Monroe.
5. La technologie gérée en dehors de la DSI sera toujours un problème
« Il existera toujours des technologies gérées par des ressources extérieures à l'organisation informatique, des ressources qui ont mis en place ces technologies pour répondre à un besoin métier quelconque. C'est la dure réalité », indique Erica Hausheer, vice-présidente senior et DSI de l'éditeur de logiciels Teradata. « Et avec le rythme du changement, l'omniprésence de la technologie au travail et dans la vie personnelle de chacun, et avec les capacités technologiques des nouvelles générations, ce phénomène va perdurer. » Selon elle, tenter de lutter contre cette lame de fond, et de tout intégrer dans l'informatique, relève d'un combat perdu d'avance
Erica Hausher précise toutefois qu'elle n'appelle pas ces technologies « Shadow IT », car elle estime que ce terme détourne l'attention du fait que l'IT devrait collaborer avec les équipes métiers déployant ces technologies, afin qu'ensemble elles puissent gérer les risques et « faire ce qui est nécessaire pour l'entreprise ».
« Certaines de ces technologies seront acceptables, mais d'autres pourraient présenter des risques opérationnels et de sécurité plus importants que ce qui est acceptable, et c'est à celles-là que nous voulons nous attaquer », explique Erica Hausheer.
6. Le monde fonctionne avec des logiciels écrits à la hâte et insuffisamment testés
Il y a plusieurs dizaines d'années, Steve Wilson a écrit un logiciel pour le premier défibrillateur implantable. Il comportait 40 000 lignes de code, soit un effort de 25 années-homme de développement, auxquelles s'ajoutent 10 années-homme pour les tests.
« Aujourd'hui, 30 ans plus tard, nous avons une ampoule connectée à Internet, qui existe simplement parce que c'est cool et qui comporte 500 000 lignes de code », explique Steve Wilson, qui travaille aujourd'hui comme vice-président et analyste principal chez Constellation Research.
Selon lui, ces appareils connectés et le monde numérique dans son ensemble s'appuient sur des millions et des millions de lignes de code qui sont loin d'avoir fait l'objet de contrôles aussi rigoureux que ceux qui ont permis de faire fonctionner ce premier appareil médical. « Les DSI dirigent un monde de logiciels écrits à la hâte et en grande partie non testés, résume l'analyste. Nous avons des systèmes logiciels que nous ne comprenons pas, qui ne sont pas prévisibles, qui ne sont pas testés correctement, et je ne pense pas que ce soit acceptable. »
Cette situation est particulièrement problématique lorsqu'il s'agit d'intelligence artificielle, et en particulier de réseaux neuronaux, étant donné qu'ils sont utilisés pour alimenter des systèmes tels que les véhicules autonomes. Selon Steve Wilson, ce monde de « logiciels écrits à la hâte et en grande partie non testés » crée de nombreux risques, notamment une probabilité accrue de cyberattaques réussies sur la supply chain logicielle.
S'attaquer à ce problème peut sembler décourageant, mais Steve Wilson affirme que les DSI disposent de quelques armes pour ce faire. « Nous devons tester beaucoup plus de choses. Nous devons être des acheteurs plus critiques de la technologie : Insister sur l'historique des tests. Posez des questions sur le cycle de développement des logiciels. Recherchez des tests indépendants de logiciels avant leur mise sur le marché. Méfiez-vous des allégations marketing concernant le Deep Learning et les réseaux neuronaux car, franchement, un produit doté de ce type de technologie n'est pour moi pas gage de nouvelles fonctionnalités, mais plutôt de bug potentiel », tranche-t-il. Selon lui, les DSI devraient également se poser les questions suivantes : « Quelle est la nouveauté de ce produit ? Est-ce que je veux vraiment acheter la version 1.0 d'un système d'intelligence artificielle ? »
Steve Wilson reconnaît qu'il s'agit là de mesures difficiles à prendre pour les DSI, compte tenu de « l'énorme pression business » qu'ils subissent pour utiliser les dernières technologies afin d'obtenir rapidement des résultats métiers. Il comprend également que les DSI ne peuvent pas résoudre ce problème seuls. « C'est un problème de marché et de société. Nous devons donc nous regarder en face et nous demander si nous voulons réellement aller vite et tout casser, alors que les conséquences d'une panne logicielle sont aujourd'hui presque illimitées. »
7. Sortir de sa zone de confort est un incontournable de la fonction
Le rythme du changement, la quantité de technologies apportées et gérées par les métiers, voire directement par des indépendants, le niveau de risque que l'organisation accepte d'assumer avec les nouvelles technologies - tout cela pousse les DSI à sortir de leur zone de confort, explique Ted Schadler (Forrester Research).
« En tant que DSI, on vous demandera de faire des choses avec lesquelles vous n'êtes pas à l'aise, auxquelles vous n'êtes pas préparé ou pour lesquelles vous n'avez pas les compétences requises. Vous serez poussé hors de votre zone de confort, explique-t-il. C'est un sentiment courant chez les DSI. »
Par exemple, il affirme que de nombreux DSI sont invités à introduire des technologies d'IA promettant des gains d'efficacité et de productivité sans que l'on ait réellement la preuve qu'elles peuvent apporter les gains escomptés. Et on leur demande souvent de le faire sans aucun financement supplémentaire pour mener à bien le projet. Ted Schadler conseille aux DSI de s'en accommoder : « je pense que l'acceptation est au coeur de tous ces processus, mais après cela, il faut prendre des décisions. »
L'analyste estime ainsi que les DSI peuvent prendre des mesures pour atténuer l'inconfort (et donc le risque) de telles situations, en commençant par reconnaître qu'ils ne sont pas seuls. « Faites intervenir des voix rationnelles pour renforcer votre propre capacité à façonner les investissements que vous allez devoir consentir », dit Ted Schadler, ajoutant que les responsables de la protection de la vie privée, des risques et de la sécurité sont souvent de bons partenaires en la matière.
Il en va de même pour les tiers, tels que les prestataires de services et les sociétés de conseil, à même d'apporter une mine d'expériences et d'enseignements. « Faites appel à eux en tant que conseillers pour vous et pour l'entreprise plus globalement, afin qu'ils participent au débat et à la résolution des problèmes », explique Ted Schadler.
Ce qui n'empêche pas que le DSI doit accepter de sortir de sa zone de confort. « Modifiez votre échelle de confort pour prendre des risques qui n'enfreignent pas les principes de l'entreprise, mais renforcent la capacité d'exécution de votre équipe », conseille-t-il.
8. La collaboration reste insaisissable
Malgré la nécessité de coopérer et de collaborer pour réussir, Kellie Romack, responsable digitale et DSI chez ServiceNow, estime que beaucoup trop de gens continuent à travailler en silos. « Lorsque je discute avec des pairs du secteur, les silos sont l'un des plus grands défis et généralement la principale raison pour laquelle les choses dérapent. Ils apparaissent lorsque les gens essaient d'accélérer les initiatives sans prendre le temps de relier les points, ou lorsque de grandes initiatives sont planifiées et financées par un département unique sans collaboration avec les autres parties prenantes », explique-t-elle.
Aux DSI de remédier à cela en jouant le rôle de réseau haut débit en faveur de la transformation, ajoute Kellie Romack. « Les DSI doivent tout savoir des métiers qu'ils servent, afin d'avoir une vue d'ensemble et de se poser en rassembleur, dit-elle. Par exemple, il est important que les DSI travaillent avec le directeur financier pour comprendre la feuille de route financière et budgétaire, déterminer où la technologie peut résoudre des problèmes et identifier les autres parties prenantes qui devraient jouer un rôle et apporter une contribution à celle-ci. »
Article rédigé par
Mary K. Pratt, CIO (adapté par Reynald Fléchaux)
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