Société Générale : réinventer le travail pour améliorer la qualité de vie en entreprise des collaborateurs


Transformer les modèles : du télétravail au développement durable
La transformation des entreprises et celle des modes de vie sont intimement liées. Et les deux reposent largement sur le numérique. Il va donc de soi que le DSI devienne l'homme central de toutes ces transformations. Dans ce numéro de CIO Focus, vous allez découvrir plusieurs formes de cette...
DécouvrirNadia Robinet est responsable de l'innovation sociale à la DRH Groupe de la Société Générale. Le télétravail a été testé avec succès dans le cadre d'un accord d'expérimentation du télétravail d'une durée d'un an et un nouvel accord pour une deuxième phase d'expérimentation d'une durée de deux ans a été récemment conclu le 16 juillet 2014. Il a amené à repenser le travail et ainsi à maintenir, voire accroître sensiblement dans certains cas, l'efficacité des télétravailleurs.
PublicitéCIO : La Société Générale a conclu un premier accord avec les représentants du personnel sur le télétravail en juillet 2013 et un second à l'été 2014. Quelle est votre approche en la matière ?
Nadia Robinet : Ces deux expérimentations s'inscrivent dans la volonté du Groupe d'améliorer la qualité de vie au travail et de favoriser de nouvelles formes d'efficacité individuelle et collective. Nos objectifs sont d'une part de réinventer le travail et, ainsi, de se redonner des marges de manoeuvre, d'autre part d'améliorer la qualité de vie au travail. Notre approche repose sur une logique d'expérimentations, d'apprentissage et de développement de nouvelles compétences
Le premier accord, conclu en juillet 2013, concernait une population test de 800 collaborateurs. La moitié s'est portée volontaire. Après validation hiérarchique, ce sont donc environ 400 collaborateurs qui ont expérimenté le télétravail. L'accord de juillet 2014 est très proche de celui de l'année précédente, y apporte plus de souplesse tout en restant dans le cadre d'une démarche progressive, concertée et accompagnée.
La moitié de la population de l'expérimentation appartenait à des services informatiques et un tiers aux Ressources Humaines. Ces deux fonctions sont aux premières loges pour accompagner le changement induit par le télétravail et il était donc important de les associer au processus au plus tôt.
CIO : Quand vous parlez d'apprendre au fur et à mesure, à quelles difficultés inattendues votre groupe a-t-il été confronté ?
Nadia Robinet : Nous avons accepté qu'il y ait eu des surprises en phase d'expérimentation car nous voulions faire preuve d'agilité et de pragmatisme. La principale difficulté a concerné une diversité technique plus étendue que prévue. La variété des applications et de leur mode de gestion des accès à distance à devoir être prise en compte, en particulier, a été plus importante que prévue. En matière de sécurité, tous les risques doivent être traités.
CIO : Et, sur le management, vous n'avez pas rencontré de mauvaises surprises ou de réticences ?
Nadia Robinet : Nous avons eu en effet une surprise, mais une bonne. 98% des managers concernés ont témoigné que la performance des collaborateurs étaient maintenue voire améliorée dans certains cas et se sont donc déclarés satisfaits. Que les collaborateurs soient enthousiasmés et heureux de gagner les trois heures quotidiennes dans les transports, c'est normal et attendu. Ils ont été, en plus, très satisfaits que l'entreprise se préoccupe de leurs conditions de travail. Que les managers soient également satisfaits à ce niveau a été par contre une heureuse surprise.
PublicitéCIO : Quelles sont les modalités concrètes du télétravail à la Société Générale ?
Nadia Robinet : Le collaborateur peut demander de un jour par quinzaine à deux jours par semaine de télétravail. Notre souhait est en effet de garder des temps de rencontres et d'échanges et ainsi une vraie cohésion des équipes. Nous voulons également y aller progressivement. Pour l'instant, il n'y a pas de demande pressante d'accroître le nombre de jours de télétravail. La moyenne générale est de 1,2 jour/semaine, les informaticiens étant plus proches des 2 jours/semaine.
Pour qu'un collaborateur puisse opter pour le télétravail, il faut que son poste soit éligible. Ensuite, il faut que le manager l'accepte, et donc notamment que l'ancienneté dans le poste soit suffisante pour que le collaborateur soit jugé suffisamment autonome.. Le télétravail était mis en oeuvre au sein d'équipes retenues pour l'expérimentation, certains collaborateurs ont cessé de télétravailler à l'occasion d'une mutation dans un service qui ne faisait pas partie du périmètre d'expérimentation.
L'accord de juillet 2014 est très proche de l'accord 2013 et entre en vigueur le 1er octobre 2014. Pour une nouvelle période d'expérimentations de deux ans, il ouvre la voie à la poursuite de l'expérimentation par d'autres services volontaires qui seront déterminés par chaque direction. Comme je le disais, plusieurs souplesses ont été apportées. Par exemple, il est désormais possible de télétravailler en dehors de son domicile habituel : dans sa résidence secondaire en province, chez des parents, etc. sous réserve qu'il s'agisse d'un lieu fixe et pérenne. De la même façon, le nouvel accord apporte plus de souplesse pour les anticipations et les reports de jours afin de tenir compte de certaines modalités liées aux besoins du service. Ainsi, la semaine des arrêtés de compte, les services concernés vont plutôt renoncer au télétravail et les jours de télétravail vont être anticipés ou repoussés. Dans le cadre d'une simplification des procédures, nous avons supprimé l'indemnité de 1 euro/jour qui complexifiait considérablement les procédures pour un gain minime. Cette indemnité n'était d'ailleurs pas justifiée puisque le télétravail n'implique aucun surcoût par rapport aux moyens télécoms, déjà utilisés à des fins personnelles par les collaborateurs concernés.
CIO : Sur le plan pratique, quelles exigences avez-vous et de quels dispositifs techniques les collaborateurs disposent-ils ?
Nadia Robinet : Les collaborateurs concernés sont dotés d'un ordinateur portable de 1,6 kg qui est utilisé autant en télétravail qu'au bureau et qui remplace le PC-tour habituel. L'environnement de travail est donc strictement le même en télétravail qu'au bureau.
L'accès au système d'information de l'entreprise se fait via une connexion VPN. Le télétravailleur reste de ce fait dans le réseau Société Générale. Par ailleurs les ports USB du portable sont bloqués et il est impossible d'imprimer en local à l'extérieur de l'entreprise. Bien entendu, le disque dur du portable est crypté. Le poste de travail est, de plus, équipé d'un softphone qui élimine tout problème de liaison téléphonique. Pour quelqu'un appelant un collaborateur en télétravail, que celui-ci soit ou non à son bureau ne change rien.
Si l'entreprise ne contribue pas à la création de l'espace de travail à domicile, nous sensibilisons les collaborateurs aux exigences relatives au lieu, dont un engagement formel de conformité électrique. Outre l'équipement électrique, il faut un lieu de travail correct sur le plan ergonomique.
Par contre, le groupe a souscrit une assurance pour les télétravailleurs qui n'ont donc pas à souscrire de leur côté une assurance spécifique pour être couvert pour leurs activités professionnelles sur le lieu de leur domicile. Chaque télétravailleur doit pouvoir justifier tout simplement d'une assurance multirisque habitation.
CIO : Il y a donc des surcoûts d'un côté et une amélioration de la productivité de l'autre. Comment avez-vous calculé un retour sur investissement ?
Nadia Robinet : Encore une fois notre démarche s'inscrit dans une logique d'amélioration des conditions de travail dont les impacts sont positifs pour l'entreprise comme le démontre les études. La logique que nous avons suivie n'a pas été celle d'un retour sur investissement au sens financier du terme. Notre retour a été sous la forme d'un plus grand engagement et une meilleure qualité de vie pour nos collaborateurs. Nous savons que l'attention que nous prêtons à nos salariés se traduira in fine par une meilleure attention pour la qualité de service, donc pour la performance de l'entreprise.
Et puis nous avons profité de l'occasion pour, surtout, questionner nos modes de fonctionnement, pour les remettre en cause. Pour saisir l'opportunité qu'offre le numérique de travailler autrement tout en faisant équipe. Avec le télétravail, nous sommes entrés dans l'ère de l'innovation sociale au sein de l'entreprise et d'un digital au coeur humain.
CIO : Qu'entendez-vous par cette remise en cause des modes de fonctionnement ?
Nadia Robinet : La mise en place du télétravail a permis de réfléchir à la qualité du temps de travail pour améliorer l'efficacité de chaque collaborateur, pas seulement les télétravailleurs. Nous distinguons ainsi deux formes de temps de travail : le travail solide, qui nécessite une concentration importante individuelle sur un temps donné, et le travail liquide qui repose sur les interactions rapides, la co-création, le dialogue.
Dans les entreprises aujourd'hui, le travail liquide a tendance à prendre le pas sur le travail solide. Or celui-ci reste essentiel. Nous voulions donc sanctuariser les plages de travail solide. Pour les collaborateurs ayant opté pour le télétravail, les périodes de travail à domicile vont privilégier le travail solide tout en respectant une réactivité et une disponibilité durant les plages de travail habituels.
Cette réflexion a permis de développer de nouvelles formes d''efficacité. Par exemple, aujourd'hui, en réunion, chacun écoute mieux les autres Les conditions d'exercice du travail liquide et du travail solide n'ont plus de secret pour les télétravailleurs. Certains collaborateurs en ont profité également pour expérimenter la méthode Pomodoro qui consiste à alterner des périodes de 25 minutes de concentration et de courtes pauses qui favorisent l'agilité intellectuelle.Une meilleure concentration, une meilleure écoute et coopération sont les sujets sur lesquels les collaborateurs ont été sensibilisés à la faveur de l'accompagnement mis en oeuvre dans le cadre de l'expérimentation.
CIO : Quel bilan tirez-vous de l'expérimentation ?
Nadia Robinet : Nous avons constaté que les modalités choisies n'entraînent pas de discriminations. Il y a autant, parmi les télétravailleurs, d'hommes que de femmes, de cadres que d'employés, etc. La population des télétravailleurs est à l'image de celle de tous les collaborateurs du groupe. Et il est important que les managers participent à la démarche de télétravail afin de rassurer les collaborateurs sur l'absence d'impact négatif sur la carrière.
De plus, une communauté des télétravailleurs s'est constituée sur notre réseau social d'entreprise (RSE). Et nous avons échangé sur le sujet non seulement sur le RSE mais aussi à l'occasion de « Coffee Corners » ou de « Pecha Kucha ». Il s'agit de rencontres où des collaborateurs directement concernés témoignent de leur vécu. Nous évitons ainsi que le discours sur le télétravail ne soit porté que par la direction.
Un livre blanc collaboratif a été produit dans le cadre de la première phase d'expérimentation. Il donne la parole aux pionniers, leurs managers et leurs collègues pour que celle-ci circule C'est une invitation à relever les défis de l'innovation sociale en saisissant les opportunités de l'ère digitale. C'est à notre portée !
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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