Le FDI prépare l'avenir français d'Internet et sa disparition
Le Forum des Droits sur Internet (FDI) a présenté le 29 avril son septième et probable dernier rapport d'activité. Il devrait en effet être fusionné avec d'autres organismes d'ici l'été dans le CNN (Conseil National du Numérique). Le travail sur le filtrage d'Internet débouchera sur une loi d'ici peu. Par ailleurs, le rôle de médiateur du FDI est en pleine croissance.
PublicitéLe CNN à la française devrait naître d'ici l'été 2009 : le Conseil National du Numérique (CNN) sera une structure associative basée sur l'actuel Forum des Droits sur Internet (FDI), reprenant l'expertise et la structure de celui-ci, mais intégrant divers comités et conseils actuellement dispersés et globalement peu ou plus actifs (le conseil stratégique aux technologies de l'information (CSTI), le conseil de la télématique...). Isabelle Falque-Pierrotin, présidente du FDI, en a obtenu la confirmation de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat au développement de l'économie numérique, au cours d'un entretien le 28 avril 2009. En présentant, le lendemain, le septième (et donc probable dernier) rapport d'activité du FDI, Isabelle Falque-Pierrotin est revenu sur cette évolution ainsi que sur le filtrage d'Internet voulu par le Président de la République et négocié au sein du FDI. Si 2008 a été une « année du numérique » selon les dires de la présidente du FDI (élection d'Obama en s'appuyant sur Internet, création en France d'un secrétariat d'Etat à l'économie du numérique...), l'année 2009 ne sera sans doute pas aussi favorable, en dehors de tout lien avec la crise économique. Le FDI a pour l'heure un rôle de médiation (notamment entre consommateurs et e-commerçants ou FAI), un autre d'information du grand public (notamment de sensibilisation des enfants et des consommateurs aux risques d'Internet et du e-commerce, 300 fiches disponibles à ce jour), et enfin de réflexion et de concertation de l'ensemble des acteurs de l'économie numérique pour la rédaction de « recommandations » inspirant ensuite le Législateur ou la jurisprudence. En devenant CNN, il développerait un rôle de « conseil stratégique » pour le gouvernement (en lieu et place du somnolent CSTI) et, surtout, deviendrait l'organisme de gestion d'un certain nombre d'accords et de labels (à la place, par exemple, du moribond Conseil de la Télématique). Le FDI-CNN obtiendrait pour cela un statut de délégataire d'exercice d'une « mission de service public ». Les détails juridiques ne semblent pas pour l'heure arrêtés. Vers un filtrage d'Internet A l'époque du Minitel (qui n'est pas tout à fait achevée), le Conseil de la Télématique régulait le secteur en jouant un rôle d'une part de gestionnaire de labels (concernant les contenus pour adultes par exemple) et d'autre part de médiateur entre les acteurs (l'opérateur historique d'un côté, les fournisseurs de service de l'autre) dans le cadre de « chartes » ayant statut de contrats privés. Le CNN aurait le même rôle pour Internet en France. Vouloir réguler en France un réseau mondial peut sembler illusoire... sauf à filtrer l'accès à Internet, comme peuvent le faire la République Populaire de Chine ou la République Islamique d'Iran. Ce filtrage est actuellement exclu par la législation européenne. « Le filtrage d'Internet est une décision politique du Président de la République, le travail du FDI consiste à le mettre en musique techniquement, pas à le définir ou à le décider » a martelé Isabelle Falque-Pierrotin lors de la présentation à la presse du septième et dernier rapport d'activité du FDI. Ce filtrage s'appuierait sur la recommandation « Les Enfants du Net III », l'une des cinq recommandations adoptées par le FDI en 2008. Le filtrage serait préventif, chaque FAI disposant de la liberté de choix de sa solution technique dont le seul objet sera de bloquer l'accès à des sites « interdits » par une autorité dédiée, en principe au sein du Ministère de l'Intérieur (les FAI n'auraient donc aucune responsabilité à prendre dans la « sélection » des sites bloqués, point qui les inquiétait). Enfin (et surtout), le consensus ne concerne que les sites pédopornographiques. En réponse à de nombreuses et insistantes questions, la présidente du FDI a longuement insisté sur le fait qu'aucun consensus ne se dégageait quant à un filtrage concernant, par exemples, la contrefaçon de propriété intellectuelle, le crime organisé (trafic de drogues ou de médicaments...), le terrorisme (ou sa promotion), etc. Mais force est de constater que, dès lors qu'un dispositif technique permettra un filtrage de sites « signalés », une petite évolution réglementaire pourrait passer outre ce « consensus » et ouvrir la voie à tous les délires sécuritaires. Aucune autorité judiciaire ne serait amenée, selon les projets actuels, à statuer dans le cadre de la décision d'interdiction d'un site web. La sécurité des enfants (comme le terrorisme ou le trafic de drogues) sont d'excellentes excuses pour prendre des mesures d'exception destinées à devenir ensuite la règle générale. Comment expliquer que l'on filtre les sites pédopornographiques mais pas ceux des trafiquants de drogues, des contrefacteurs, des terroristes, atteignant à la vie privée des stars, délivrant des sondages politiques « sorties des urnes » avant la clôture du scrutin, des coupables d'outrages au Président de la République et de tous les autres criminels ? Il serait peut-être plus simple d'adopter un principe de « liste blanche » de sites autorisés... Rappelons qu'un contenu web peut changer de serveur, d'adresse IP, de pays ou de nom de domaine en quelques secondes. Cinq recommandations en 2008, trois autres attendues avant l'été 2009 Outre « Les Enfants du Net III », le FDI a adopté quatre autres recommandations en 2008. La première concerne le commerce en ligne des produits de santé. Isabelle Falque-Pierrotin s'est réjouie que l'Ordre des Pharmaciens ait été ouvert à la discussion et pragmatique. La vente en ligne semble inévitable et correspondre à une vraie demande mais des précautions doivent être prises pour garantir la qualité de la délivrance. Dans le même ordre d'idée « Publicité et alcool » a ouvert la voie à une actualisation de la Loi Evin sur le sujet selon des modalités en cours de discussion. Les machines à voter, sujet hautement polémique, ont également été l'objet d'une recommandation. Le FDI a demandé des garanties supplémentaires de transparence, d'efficacité et de sécurité ainsi qu'une refonte du processus actuel après un débat approfondi. Enfin, la recommandation « Internet et développement durable » s'est surtout penchée sur le sujet de l'accessibilité du web aux handicapés. Malgré la loi de 2005 dont les décrets d'applications ne sont toujours pas publiés, même les sites web publics restent peu accessibles. Pour simplifier les choses, le FDI recommande de s'appuyer sur les normes internationales du W3C au lieu de chercher à créer des normes franco-françaises dont la définition doit être l'objet des fameux décrets. Les 10 000 sites publics auraient dès lors la qualité d'exemple pour l'ensemble du web français. Trois recommandations sont attendues d'ici la fin de l'été 2009. En juin 2009, le FDI devrait ainsi publier une recommandation sur la création de procédures collectives pour le e-commerce. Les fameuses « class-action » à la française restent une Arlésienne du droit de la consommation depuis des années. On peut espérer que cela change enfin. Un mois plus tard est attendue une recommandation sur la publicité ciblée et les interactions de celles-ci avec la gestion des données personnelles. Le FDI est cependant très déçu du faible écho rencontré par sa consultation des internautes sur le sujet des données personnelles et du respect de la vie privée. Si ces sujets semblent être considérés comme importants, bien peu prennent la peine d'y réfléchir ou, du moins, de contribuer au débat. Enfin, en septembre, une recommandation sur le bon usage des langues (à commencer par le Français) sur les sites web devrait conclure l'été. Une médiation en plein boum Au delà des recommandations, le FDI a aussi un rôle de médiateur, essentiellement entre consommateurs et fournisseurs (FAI pour des soucis de qualité de service, e-commerçants pour des problèmes de livraisons...). L'outil de médiation en ligne (un workflow adapté) développé par le FDI intéresse plusieurs organismes plus ou moins homologues à travers le monde, notamment en Europe dans le cadre du programme e-Justice, et une mise à disposition est envisagée selon des modalités à définir. En 2008, le FDI a ainsi reçu 1739 demandes dont 89% sont résolues dans le cadre de la médiation en ligne. 6,5% des dossiers ont désormais une dimension internationale. Le développement de la médiation est dans l'air du temps : plus rapide et moins chère qu'une action en justice, elle est plus satisfaisante pour toutes les parties, sans oublier qu'elle désengorge les tribunaux de dossiers parfois très complexes et techniques. A titre de pilote, le FDI a signé un protocole d'accord avec la Cour d'Appel de Paris pour développer la médiation judiciaire en ligne (médiation ordonnée par un juge en préalable à un verdict) et la médiation préalable à un jugement, dans le cadre de la « double convocation » (la médiation est réalisée avant la première audience qui n'a pas lieu si la médiation aboutit). Ce pilote est destiné, en cas de succès, à s'étendre à toutes les cours de France.
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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