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Jean-Michel Mougeolle (Mikit, Sharinpix) : « avec quelques précautions, il est souvent aisé de progicialiser des développements internes »

Jean-Michel Mougeolle (Mikit, Sharinpix) : « avec quelques précautions, il est souvent aisé de progicialiser des développements internes »
Jean-Michel Mougeolle, DSI de Mikit, est devenu patron de Sharinpix, une entreprise créée pour commercialiser un développement interne.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°120 !
Convaincre pour gagner : l'obligation du DSI

Convaincre pour gagner : l'obligation du DSI

Convaincre les bons candidats de rejoindre son entreprise. Convaincre sa direction générale que, oui, l'informatique peut être une nouvelle source de business pour le groupe. Convaincre des avantages du digital. Convaincre de la pertinence d'un pari technologique. Convaincre pour gagner car rien...

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Mikit a créé pour ses propres besoins un workflow de photographies en SaaS sur base Salesforce aujourd'hui progicialisé et vendu à l'extérieur. Jean-Michel Mougeolle, DSI de Mikit et aujourd'hui patron de Sharinpix, explique comment il a tiré un profit du développement d'un outil interne. Ou comment tirer un profit d'un coût initial.

PublicitéCIO : Quelle est l'activité de Mikit ?

Jean-Michel Mougeolle : Créée il y a plus de trente ans, Mikit construit des maisons individuelles traditionnelles en « prêt à finir ». Elles sont livrées gros oeuvre achevé, « hors d'eau, hors d'air ». Ensuite, l'acheteur utilise des modules livrés par Mikit pour terminer lui-même sa maison, des kits (isolation, plomberie, électricité...) s'assemblant aisément sans qu'il soit nécessaire d'être très bricoleur. Au final, l'acquéreur économise environ 30% de la facture par rapport à une maison ordinaire.

CIO : Comment se caractérise le système d'information de Mikit ?

Jean-Michel Mougeolle : Nous sommes presque entièrement dans le cloud public. Nous utilisons notamment Office365 et Salesforce. Nous avons monté divers développements sur Salesforce pour l'utiliser comme un véritable PGI orienté gestion de processus, y compris la gestion des factures, les appels de fonds, etc. Seule la comptabilité pure utilise aujourd'hui un logiciel hébergé sur un cloud privé, en l'occurrence Sage.
Cet outil étant satisfaisant, la migration dans le cloud n'est pas prioritaire. Mais il existe divers modules comptables de PGI sous Salesforce comme Numm, Kenandy, Financial Force... Il n'est pas dit que nous ne migrerons pas un jour vers l'un d'eux.

CIO : Quel était le manque que vous vouliez combler ?

Jean-Michel Mougeolle : Il nous manquait des outils pour gérer les travaux en mobilité, quand le conducteur de chantier était sur le site d'une maison en construction. Or, dans ce genre de cas, la dimension photographique est très importante pour attester d'un écart entre une attente et un réalisé. C'était la première étape.
Au delà du suivi de chantier au quotidien, nous voulions aussi que la même application puisse être utilisée comme assurer un reporting au patron d'agence franchisée. Dans notre besoin initial, nous voulions un cahier de contrôle électronique.
Et puis nous nous sommes dit que la mise en place d'une gestion photographique pourrait aussi bénéficier au client final. En effet, celui-ci raffole de la prise de photos au fil du chantier. Donc, l'idée dès le départ d'utiliser la même base, par pur opportunisme, pour l'outil dédié au client final. Notre objectif était bien de rassurer encore le client et de le rendre encore plus ambassadeur de la marque.

CIO : Mais comment êtes-vous passé d'un besoin interne à un progiciel ?

Jean-Michel Mougeolle : Je suis un ancien patron technique de start-up. Ma logique classique est donc celle du progiciel : toujours pouvoir réutiliser au maximum la plus grande partie possible du code écrit.
Beaucoup de DSI visent la réduction des coûts directs immédiats. Ce n'est pas une bonne idée. Il est souvent plus pertinent de prévoir dès le départ que chaque brique soit réutilisable et conçue pour l'être dès le départ. Le surcoût existe mais, en général, il est faible. Dans le cas contraire, ce n'est simplement pas pertinent.

PublicitéCIO : Concrètement, qu'avez-vous développé ?

Jean-Michel Mougeolle : Le produit a été livré pour l'usage interne à l'été 2014. Il a été développé en Ruby-on-rail sur la plate-forme Heroku (compatible aussi avec PHP, Java...). C'est une surcouche d'Amazon Web Service qui dispense de penser à la montée en charge : la plate-forme est totalement abstraite.

CIO : Quand vous êtes vous dit qu'il y avait une opportunité business liée à ce petit développement interne ?

Jean-Michel Mougeolle : En tant que président du club utilisateur Salesforce et expert sur la plate-forme, j'ai présenté plusieurs fois notre réalisation intégrée à Salesforce. A chaque fois, des représentants de plusieurs secteurs se sont révélés intéressés. Mes réflexes d'ancien éditeur de logiciels sont revenus en surface.
La base de développement était générique mais il manquait des fonctionnalités. Durant l'été 2014, nous avons mené une réflexion autour du produit, de ses usages possibles au delà de ce qui a été fait et qui pouvait correspondre à une demande. Nous avons ainsi analysé les fonctionnalités manquantes, le coût de leur développement et fait une rapide étude d'opportunité d'une progicialisation en regardant les attentes du marché.

CIO : L'étude semble avoir été positive... Comment avez-vous procédé ensuite ?

Jean-Michel Mougeolle : Nous avons discuté avec Spoon Copnsulting qui avait réalisé le développement. Et j'ai également discuté avec le PDG de Mikit puisque le code appartenait à Mikit. Je leur ai proposé de créer une entité du groupe Mikit pour se lancer avec un faible coût pour la création d'une V1 du produit.
Etre en Saas et hébergé dans le cloud facilite grandement les choses puisqu'il n'est pas nécessaire de se retrouver enfoui dans le cambouis. Du coup, on a le temps de songer à ce genre de choses... Et l'enthousiasme a été général autour de ce projet. C'était en effet une diversification opportuniste basée sur des savoir-faire internes.
Dans l'entité que nous avons créée, Mikit s'occupe de la gestion administrative, du marketing et de la finance ; Spoon du développement et moi de l'expérience utilisateurs, de la DSI et des relations avec l'écosystème et notamment les DSI. Notre modèle est un abonnement à raison de 2 euros/utilisateur au mois.

CIO : Quel a été le calendrier des opérations ?

Jean-Michel Mougeolle : Fin 2014, nous avons réfléchi sur le besoin. Début 2015, j'avais les accords de tous les protagonistes. En mars 2015, nous avons créé la société. Nos premiers clients en phase béta nous ont rejoint en juin 2015. Début 2016, nous avons atteint les 2000 utilisateurs pour dépasser actuellement les 3000 alors que nous ne sommes sur le store officiel de Salesforce que depuis fin Mars.

CIO : Mis à part les précautions technique au cours du développement, quelles bonnes pratiques avez-vous isolées ?

Jean-Michel Mougeolle : Tout d'abord, il faut bien comprendre les problèmes des pairs en échangeant régulièrement avec eux, dans le cadre d'un réseau professionnel. Ensuite, il faut bien sûr avoir la capacité de transformer une idée en produit qui rencontre un marché, pas avec une vision technologique mais bien une vision solution, une réponse à un besoin au juste prix.
Les DSI savent faire faire. Ils savent cadrer un projet. Donc ils savent faire ce genre de progicialisation. Il faut commencer par la phase de réflexion, valider ce qui a été fait avec un démonstrateur qui prouve la pertinence de l'idée et enfin passer à la commercialisation dans un but lucratif.

CIO : Outre les développements vraiment trop spécifiques à une entreprise, quelles sont les limites au modèle ?

Jean-Michel Mougeolle : Si le développement est conçu de bout en bout d'un bloc, il sera difficile à progicialiser. Il faut plutôt penser à enchaîner des briques, parfois généralistes, avec des entrées et des sorties bien claires.
Vous pouvez gérer des fonctions « feuille » qui vont surcoucher le système. Et il y aura de belles opportunités si cette « feuille » est sans concurrent parce que casse-pied à développer dans chaque société.

CIO : Etes-vous toujours DSI de Mikit en plus de patron de Sharinpix ?

Jean-Michel Mougeolle : Aujourd'hui, je suis presque totalement chez Sharinpix mais je reste le « DSI stratégique de Mikit ». La partie opérationnelle de ma fonction a été basculée progressivement à un nouveau collaborateur.
Il est clair qu'il faut avoir un management qui accepte ce genre de choses.

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