Expérience client : disposer d'un SI sans couture


Le DSI au service de l'expérience client
Le client est roi. Tout devrait être dit avec ces quatre mots : le service doit être toujours disponible, le client ne doit jamais avoir à se répéter quelque soit le canal de contact, la qualité de la prestation doit toujours être à la hauteur de l'attente, le client doit être toujours agréablement...
DécouvrirLe 17 mars 2015, CIO a organisé une matinée stratégique « Le DSI au service de l'expérience client ». Or une bonne expérience client passe par un SI bien intégré, sans couture. Guillaume Blot (DISIC) et David Assouline (SNCF) y ont témoigné de leurs expériences.
Publicité« Dites le moi une seule fois » : le slogan de l'expérience citoyen optimale, avec un partage des informations entre administrations, peut s'appliquer à toutes les entreprises. L'omnicanalité suppose en effet que l'information client circule entre tous ses interlocuteurs potentiels, entre tous les systèmes gérant les procédures qu'il va employer. De la même façon, pour que les services proposés par une entreprise soit disponibles par de multiples canaux, les informations relatives à ce service doivent circuler. Cela passe bien sûr par une bonne intégration du système d'information, qui doit être « sans couture », mais pas seulement.
Lors de la Matinée Stratégique « Le DSI au service de l'expérience client » organisé à Paris par CIO le 17 mars 2015, Guillaume Blot (Chef du service Architecture et urbanisation de la Disic, Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication) et David Assouline (Responsable SI & Digital marketing à la SNCF) y ont témoigné de leurs expériences. Le premier a surtout présenté France Connect, une fédération d'identité base de l'Etat Plate-forme. Le second a expliqué comment a été mise en oeuvre la nouvelle application mobile de la SNCF capable de gérer le porte-à-porte.
Prévoir son itinéraire de porte-à-porte avec une seule application
Cette nouvelle application gère bien sûr les horaires de trains, aussi bien grandes lignes que de banlieue ou régionaux, et les services dans les gares mais aussi un ensemble de services connexes comme les transports en commun locaux (bus, tramways...). « La création de mon poste est liée à l'initiative Programme Porte-à-Porte de la SNCF qui acte le fait qu'un client se déplace d'un endroit à un autre, pas d'une gare à une autre » indique David Assouline. Il s'agit donc, pour améliorer l'expérience client, d'intégrer dans l'application le « pré-acheminement » (du point de départ du voyageur jusqu'à la gare de départ) et le « post-acheminement » (de la gare d'arrivée à la destination finale du voyageur).
La nouvelle application SNCF unifiée a été mise à disposition sur les stores fin janvier 2015. Elle vise à faciliter la planification du trajet d'une adresse à une autre adresse en combinant tous les transports proposés par le SNCF (trains essentiellement) mais aussi les autres transports collectifs à l'arrivée et au départ. La seule limite du service est évidemment que l'opérateur du transport concerné ait accepté de partager ses données.
« Nous nous sommes évidemment heurtés au problème du SI sans couture » note David Assouline. Pour la SNCF, la difficulté commence même dans l'univers du train. En effet, les transports régionaux de l'Île de France (Transiliens) ne sont pas gérés par la même entité que ceux des régions en province ni celle en charge des grandes lignes nationales. Chacune de ces entités possédait d'ailleurs sa propre application mobile (Transilien, SNCF Direct...). L'intégration a donc débuté avec les systèmes des différentes entités de la SNCF.
PublicitéD'abord, mettre en place l'interopérabilité interne
« Historiquement, chaque activité avait son propre système d'information » se souvient David Assouline. Et ces différents systèmes n'étaient pas nécessairement aptes à dialoguer facilement les uns avec les autres. Les clients ne se retrouvaient pas forcément dans les subtiles distinctions entre trains régionaux ou grandes lignes et ne comprenaient pas toujours pourquoi il existait plusieurs applications mobiles. David Assouline relève : « les clients nous ont interpellé parce qu'ils ne se déplacent pas en se préoccupant de telle ou telle activité de la SNCF mais de manière transverse à ces activités, en combinant transport régional et grande ligne par exemple, voire d'adresse à adresse. »
Outre le fait que le client a toujours raison, la SNCF a trouvé que cette approche était tout à fait pertinente. « Il peut y avoir une légitimité à disposer de SI verticalisés pour adresser des problématiques spécifiques » reconnaît David Assouline. Mais il temporise aussitôt : « ce qui va fédérer l'organisation, c'est le meilleur service au client, ce qui amène à une gouvernance d'un SI sans couture. »
La logique mise en place amène alors à concevoir chaque système d'information comme massivement interopérable. Dès la pose des briques de base, il va donc falloir prévoir d'exposer des services numériques liés aux services proposés à l'extérieur. « Quand on fait ça, la satisfaction du client au cours de son parcours va pouvoir se faire en associant différents services exposés » explique David Assouline.
Tirer la vraie valeur d'un système complexe en montrant la simplicité
Si faire rouler des trains est compliqué, si l'organisation de telle ou telle activité de la SNCF est compliquée, toute cette complexité n'a pas à être connue du client. Le système d'information transverse délivre un service au client en dissimulant la complexité sous-jacente. Ainsi, la vraie valeur des services est ressortie.
Mais ressortir la vraie valeur client et l'optimiser suppose d'être à l'écoute de leurs besoins exacts. David Assouline se souvient : « durant les neuf mois de maturation de l'application unifiée, avant que nous ne la publions sur les stores, nous avons travaillé avec une quarantaine de clients. » Et il a fallu satisfaire dans une même application des profils très différents de clients et de déplacements. « Il fallait tenir compte du client qui se déplace quotidiennement avec son RER et son bus pour le trajet domicile-travail comme de celui qui va aller un fois tous les trois mois dans sa famille en TGV » note David Assouline.
Au fil des mois de travail, les parcours clients se clarifient en même temps que les entrées nécessaires dans les différents systèmes d'information. Certes, il faut parfois réaliser des modifications purement techniques dans les systèmes en place mais ce qui pilote l'ensemble de la démarche, c'est bien le parcours client.
Convaincre de l'intérêt à partager
Ce parcours client, la valeur client, c'est bien ce qui va justifier l'ensemble de la démarche. Et les différents services qui vont devoir partager leurs données font les efforts requis au nom de cette valeur client. « La dimension système d'information ne peut pas être abordée avant d'aborder la dimension métier, un système d'information sans couture suppose des processus métier sans couture » martèle David Assouline. La gouvernance des règles de gestion, y compris les contraintes à prendre en compte, doit être abordée sous les deux angles. David Assouline prend un exemple : « lorsque l'on va combiner un TGV et un train régional, il faut respecter des règles communes sur la correspondance, comme le temps minimal entre l'arrivée du premier train et le départ du second. » Il existe aussi des règles pour l'affichage des voies de départ, des retards, etc.
Le problème de la collaboration peut davantage se poser avec des partenaires extérieurs, voire partiellement concurrents : opérateurs de transports locaux par exemple. Dans ce genre de cas, c'est généralement l'autorité organisatrice des transports (la région par exemple) qui va poser les règles. L'intégration peut passer par une importation/synchronisation de données brutes (en open-data ou non) comme par la mise en place d'une interconnexion avec un outil local de calcul d'itinéraire. « Aux Pays-Bas, toutes les données de transport sont en open-data mais ce n'est pas encore le cas en France » regrette David Assouline. Pour l'heure, cinq régions sont intégrées à l'application SNCF, les autres étant soit sans système multimodal, soit sans accord d'ouverture des données.
Une des difficultés de cette interconnexion des données est que la qualité finale de l'information délivrée dépend de la plus faible qualité des jeux de données utilisées. L'open-data sans garantie est donc évitée autant que possible au profit d'accords formalisés. Parfois, certains organismes hésitent à partager leurs données, par honte de leur qualité. Mais ces mêmes organismes utilisent les dites données pour leur propre usage... Il y a comme une schizophrénie à combattre en la matière. Mettre en visibilité des données peut même contribuer à améliorer la qualité.
Et il restera encore à intégrer les différents systèmes de titres de transport. Pour l'heure, il est possible d'organiser son itinéraire mais pas d'acheter dans un panier unique ses tickets qui, souvent, doivent être physiques. Or acheter en ligne un ticket à aller chercher à un guichet n'a pas beaucoup d'intérêt. David Assouline mentionne : « la SNCF s'intéresse bien sûr beaucoup à une standardisation des titres de transport qui permettrait d'éditer des titres pour l'ensemble du trajet porte-à-porte. »
La DSI groupe de l'Etat fédère les identités dans toute l'administration
Lorsque les opérateurs sont partiellement ou totalement concurrents, il peut y avoir de fait des difficultés particulières. Mais même un acteur unique peut rencontrer bien des difficultés. C'est notamment le cas de l'Etat qui a mis en place sa DSI groupe, la DISIC (Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication). S'il ne s'agit pas ici d'améliorer l'expérience client au sens commercial du mot, cela revient au même puisque l'on parle alors d'expérience citoyen.
La DISIC met ainsi en place une démarche baptisée Etat Plate-Forme dont France Connect est un des projets phares qui vise à mettre en place une identification unique du citoyen. « Jusqu'au décret du 1er août 2014, il n'existait pas un système d'information unique de l'Etat sur le plan juridique » se souvient Guillaume Blot, Chef du service Architecture et urbanisation de la Disic (Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication). Chaque administration avait, avant cette date, son propre système d'information. Aujourd'hui, la DISIC met en oeuvre une véritable gouvernance unifiée pour l'ensemble de l'Etat. L'objectif est bien de concevoir un système d'information orienté vers le service au citoyen au lieu d'épouser les formes organisationnelles de l'administration.
« Aujourd'hui, si l'on doit justifier de son revenu déclaré à la DGFIP auprès d'une collectivité locale pour obtenir une prestation, c'est à l'usager de transmettre une information d'une administration à l'autre » regrette Guillaume Blot. Il proclame : « notre objectif est l'administration sans couture, avec un système d'information qui va faire circuler l'information entre administrations. » Cela implique certaines normalisations, comme la taille du champ nom par exemple. Cette régulation est pleinement dans le rôle de la DISIC.
Reconnaître l'individu de façon univoque
Mais cet échange d'informations suppose surtout que le citoyen soit reconnu. Si une administration demande des informations sur un Monsieur Martin, il faut qu'elle reçoive les informations sur ce monsieur Martin précis et pas sur l'un de ses homonymes. « C'est le but de France Connect » stipule Guillaume Blot.
Grâce à ce système de fédération d'identité, chacun va pouvoir être reconnu en tant qu'individu par chaque administration. Guillaume Blot se réjouit : « avec France Connect, chacun pourra s'identifier et s'authentifier sur chaque site de service public ».
Base de l'administration sans couture, France Connect ne va pas s'arrêter à la France. En effet, un règlement européen en cours d'élaboration prévoit que chaque ressortissant de l'Union Européenne puisse bénéficier du même service. Il va donc falloir s'assurer qu'un Belge ou qu'un Allemand se présentant devant une administration française est bien celui qu'il prétend être et qu'il va pouvoir bénéficier de tels ou tels droits auxquels il peut prétendre.
En France, il y a une difficulté particulière qu'est l'interdiction d'utiliser le « numéro de sécurité sociale », ou « numéro INSEE ». Faute d'un identifiant unique et univoque, France Connect doit fonctionner autrement. Nom, prénom, commune de naissance, date de naissance... peuvent être des éléments à combiner. Mais Guillaume Blot observe : « en France, il peut y avoir 400 personnes avec le même nom, le même prénom, la même commune de naissance et la même date d'anniversaire. »
Donc, lors de la création d'un identifiant France Connect, il va y avoir une procédure d'enrôlement comme elle existe aujourd'hui dans la sphère sociale. A ce moment là, la personne doit démontrer son identité. Pour France Connect, il pourra y avoir recours à des tiers fournisseurs d'identité pourvu qu'ils aient été certifiés, agréés dans les formes qui seront exigées par le futur règlement européen. Ce mécanisme va notamment permettre l'enrôlement via des fournisseurs d'identité étrangers pour identifier les Européens non-Français.
Derrière les chantiers de « système sans couture », il existe bien des chantiers juridiques. Mais aussi, parfois, philosophiques, pour s'assurer que les droits individuels ne sont pas remis en cause.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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