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Efficacité énergétique des datacenters : une vraie différence de TCO

Efficacité énergétique des datacenters : une vraie différence de TCO
De gauche à droite : Pascal Lecoq (HP France), Nicolas Frapard (HGST), José Diz (animateur), Mokrane Lamari (Equinix) et Édouard Ly (Oxalide).

Le coût total de possession d'un datacenter est fortement impacté par l'efficacité énergétique de celui-ci. Mais cette efficacité est complexe à estimer et le concept lui-même souffre d'un certain flou.

Publicité« Hors investissement, 40% du coût d'exploitation d'un datacenter correspondent en moyenne à l'énergie, l'optimisation maximale pouvant atteindre 5 à 10% de la facture » a affirmé Mokrane Lamari, responsable avant-vente chez Equinix. Il s'exprimait au cours d'une réunion du CPI-B2B (Club de la presse informatique B2B) le 21 octobre 2015. Cette réunion a permis un débat avec, également, Pascal Lecoq (directeur des services Datacenter chez HP France), Nicolas Frapard (directeur des ventes EMEA chez HGST) et Édouard Ly (directeur marketing et communication chez Oxalide).
Si chacun a mis en avant sa propre problématique, du composant au management global des ressources, une position a fait l'unanimité : l'importance de la question de l'énergie dans le coût de l'informatique en général, dans celui des datacenters en particulier. La base de l'estimation de l'efficacité énergétique est le fameux PUE (Power User Effectiveness) qui est le rapport entre l'énergie totale consommée par un datacenter et son énergie utilisée pour l'informatique au sens strict. Avec l'éclairage, le refroidissement et les autres postes complémentaires, le PUE était jadis aux environs de 2,5 contre 1,2 aujourd'hui. Ce dernier chiffre indique que les services connexes consomment 20% de l'énergie utilisée pour le calcul et le stockage.

Un problème de puissance ? Rajoutons un serveur !

Mais cette amélioration apparente est trompeuse ! En effet, la production de données et la puissance de calcul des datacenters est sans commune mesure entre aujourd'hui et il y a quelques années. La consommation énergétique croit donc toujours exponentiellement. « Il y a tellement de couches (virtualisation, frameworks...) que les développeurs ne connaissent plus les machines et n'optimisent plus leurs codes » a dénoncé Édouard Ly. En gros, aujourd'hui, si une application n'est pas assez performante, on rajoute un serveur... avec son coût. On peut être saisi, parfois, d'une certaine nostalgie de l'époque d'Apollo XIII, du Commodore 64 ou du ZX81 où chaque bit comptait !
Pour Pascal Lecoq, « c'est bien de travailler sur l'efficacité énergétique de chaque serveur ou du datacenter mais ça serait mieux de juguler la croissance de la consommation de puissance. » La croissance exponentielle des besoins en ressources informatiques dépasse de très loin la croissance de la population connectée mondiale. Et la quantité de données créées continuerait de doubler tous les deux ans...

L'énergie verte ou pas

La consommation énergétique peut avoir cependant un impact environnemental très différent selon les cas. L'énergie utilisée peut être plus ou moins verte : géothermie, hydro-électricité, nucléaire... ou groupes électrogènes au diesel dont le coût, aux Etats-Unis, est moindre que l'électricité du réseau comme l'a dénoncé Nicolas Frapard. Mokrane Lamari a reconnu : « en France, la proposition tarifaire d'EDF est la meilleure d'Europe et est bien meilleure qu'aux Etats-Unis. »
Et l'énergie calorifique issue du refroidissement des installations peut être ou non ré-exploitée de façon intelligente : chauffage de bureaux ou d'équipements collectifs par exemple. « Réutiliser la chaleur sur des locaux tertiaires associés à un datacenter, c'est très courant, mais l'air expulsé étant à 30 ou 40°C, la perte est trop importante si l'on veut utiliser la chaleur plus loin, sauf à utiliser des pompes à chaleur pour densifier la chaleur dans un fluide transporteur » a expliqué Pascal Lecoq. Mokrane Lamari a mentionné, pour sa part, l'existence d'une université à Amsterdam chauffée par un datacenter placé en son sein.
La difficulté peut notamment provenir de la nécessité de connecter des infrastructures différentes, par exemple le circuit d'eau d'une piscine et le circuit de refroidissement d'un datacenter. « La meilleure logique est celle de la smart city » a plaidé Pascal Lecoq. Dans ce cas, le datacenter est placé au coeur d'un nouveau quartier construit ex-nihilo et conçu dès le départ pour optimiser les flux d'énergie. Un exemple existerait au Maroc.

PublicitéMaîtriser la consommation d'énergie

Pour Pascal Lecoq, l'efficacité énergétique joue sur trois couches. La première concerne les composants et leur intégration. La désallocation dynamique de ressources, le ventilateur de refroidissement à vitesse variable et d'autres optimisations ont permis de passer d'une consommation de 70% de la puissance maximale à 30% lorsqu'un serveur est juste en veille (démarré, système d'exploitation lancé, sans activité réelle).
La deuxième couche concerne la supervision des systèmes et l'allocation optimisée des ressources. Enfin, la virtualisation et l'allocation dynamique de ressources physiques achèvent la pyramide. Si la virtualisation pose des soucis de maîtrise des ressources physiques par les développeurs, son bilan reste positif selon Pascal Lecoq : « à un instant t, l'usage moyen des ressources physiques est d'environ 35% mais virtualisation et allocation dynamique de ressources physiques permettent d'optimiser les ressources en jouant sur des pics différenciés selon les utilisateurs. »
On pourrait imaginer des modèles de facturation des datacenters externalisés incitant à utiliser les ressources à des moments de moindre consommation par les autres clients, ce qui optimiserait l'usage de ressources du coup moins importantes et donc moins coûteuses pour le prestataire. « Le coût différencié est possible si la maturité du client le permet » a averti Édouard Ly. Pascal Lecoq a ajouté : « et cela n'a évidemment du sens que si les ressources sont effectivement mutualisées, donc sans interdiction du client ou de la réglementation d'utiliser les mêmes ressources que d'autres utilisateurs. »

L'information sur la consommation, une proposition de valeur

Pour l'exploitant d'un datacenter, la gestion technique du bâtiment (GTB) et ses innombrables capteurs est la base du métier. Mais il faut savoir aller au delà pour réellement optimiser au mieux. « L'adoption d'un management avancé d'infrastructure de datacenter permet d'avoir une meilleure vision des usages de chaque équipement » a insisté Mokrane Lamari.
Répercuter cette information détaillée au client peut d'ailleurs constituer une proposition de valeur permettant à l'exploitant de se différencier sur un marché très concurrentiel. Édouard Ly a soupiré : « les hébergeurs low cost qui se contentent de louer de la ressource sont très nombreux et il est donc intéressant de vendre du service en plus. » Les clients peuvent ainsi contrer le réflexe « un serveur en plus pour chaque problème de performance ».
Aider son client à optimiser ses coûts et donc à diminuer sa consommation de ressources, avec cette optique, ne casse pas le business. « Surtout que la croissance des usages reste » a souligné Édouard Ly. Un autre facteur joue en faveur des grands acteurs du marché : il est plus facile d'optimiser de très gros datacenters que des petits. Il en résulte une course à la taille. Même si des petits datacenters destinés à des TPE/PME arrivent parfois à tirer leur épingle du jeu malgré la tendance à une bascule vers les grands acteurs du IaaS tels qu'Amazon Web Services.

Le matériel garde son importance

Malgré la virtualisation, malgré l'optimisation des infrastructures, malgré le travail fait sur les circuits de refroidissement, le composant électronique de base reste essentiel. « Nos équipes commerciales sont bien sûr rompues à l'argumentaire du gain en coût énergétique pour justifier le remplacement de serveurs par des modèles plus récents et plus économes en énergie » a souri Pascal Lecoq.
Nicolas Frapard a ainsi plaidé : « si, au lieu de disques durs classiques fonctionnant dans l'air ambiant, on utilise des disques durs étanches où les plateaux tournent dans une atmosphère d'hélium sept fois moins dense, les moteurs peuvent être moins puissants donc moins énergivores (passant de 7 W à 5 W) et les disques eux-mêmes peuvent être plus denses avec des plateaux plus proches et plus nombreux. » Le stockage, dans ce cas, devient beaucoup plus dense, avec une moindre consommation électrique et dans les mêmes surfaces de locaux qu'avec les anciens systèmes.

La logique économique reste le meilleur argument

Auditer régulièrement les composants ou les datacenters reste un principe auquel sont soumis tous les exploitants. Mais ces audits n'ont, en eux-mêmes, aucun impact faute de sanctions pénales ou administratives si les bonnes pratiques ne sont pas appliquées. La véritable sanction est alors, tout simplement, économique. « L'efficacité énergétique est un facteur de compétitivité » a ainsi observé Nicolas Frapard.
Édouard Ly a d'ailleurs remarqué que la mobilité avait eu un impact sur les datacenters, ce qui peut paraître étonnant au premier abord. En effet, pour lui, « à cause du besoin d'économiser l'énergie des batteries de mobiles, les composants progressent à la fois en puissance et en efficience énérgétique, misant par exemple non plus sur l'augmentation de la fréquence du processeur mais sur le nombre de coeurs. »
Cela dit, le matériel compte, selon HP, pour moins de 25% du coût total de possession d'un datacenter. Pascal Lecoq a ainsi décrit l'évolution des appels d'offres de ces dernières années : « d'abord, on s'est préoccupé du coût des machines, puis de ce coût ajouté au coût d'exploitation ; aujourd'hui on me demande du coût total de possession incluant l'énergie à l'horizon de cinq ans ; demain, ce sera sans doute un bilan financier associé à un bilan carbone. »

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