Mary Dupont-Madinier (Valtus) : « Le management de transition se situe entre le recrutement et le consulting »


Comment le DSI peut dynamiser sa carrière
La différence entre un RSI et un véritable DSI, c'est la dimension stratégique de la fonction, qui implique la participation au comité de direction. Pour un directeur fonctionnel devenant DSI ou pour un RSI évoluant en DSI, la mutation n'est pas simple et le mentorat peut se révéler une aide utile....
DécouvrirMary Dupont-Madinier, associée du cabinet Valtus [en photo], explique les modalités du recours au management de transition, forme d'intervention qui se développe pour les DSI. Entreprises comme experts en recherche de défis à relever peuvent y trouver leur intérêt. Sous conditions.
PublicitéCIO : Comment le management de transition doit-il être perçu en entreprises ?
Mary Dupont-Madinier : Trop souvent, le management de transition est vu comme une sorte d'intérim haut de gamme. Cette vision est erronée. En fait, il vient prendre place entre le recrutement et le consulting.
Quand vous recrutez quelqu'un, soit c'est quelqu'un qui est au niveau exact du besoin soit c'est une promotion. Côté consulting, vous avez recours à des experts pointus dans un domaine précis qui vont s'engager sur des livrables qu'ils vont mettre en place avec des méthodes et des processus définis.
Un manager de transition va être, lui, clairement surdimensionné du point de vue de ses expériences, par exemple en ayant eu à gérer des équipes plus importantes. De ce fait, il serait, par rapport au besoin, trop cher à recruter. Mais ce surdimensionnement est nécessaire pour avoir un profil qui va être capable de très vite prendre la situation en mains tout en état crédible vis-à-vis des équipes. Le manager de transition n'est cependant pas forcément bon à recruter sur du long terme car, outre son prix, il risque de rapidement s'ennuyer voire de ne pas être apte à gérer trop de quotidien.
Le manager de transition peut donc être complémentaire au recours à des consultants mais avec un rôle plus managérial.
Précisons que, contrairement au recrutement, si notre cabinet ne trouve pas le bon profil, le client n'est pas facturé. Nous disposons par ailleurs d'un réseau présent dans 29 pays qui peut nous aider à trouver le bon expert pour une mission à peu près n'importe où dans le monde et dans n'importe quel contexte.
CIO : Y-a-t-il beaucoup de DSI de transition ?
Mary Dupont-Madinier : Le DSI est une fonction qui connaît aujourd'hui une forte croissance parmi les fonctions confiées à des managers de transition. Il reste que, aujourd'hui, les fonctions les plus fréquentes restent du côté des DAF et des DRH, notamment pour gérer des restructurations. Mais il y a trois ans, les DRH étaient encore rares.
Le management de transition a débuté en Europe il y a une trentaine d'années en commençant par les Pays-Bas. Plus des deux-tiers des entreprises ont ou ont eu recours au management de transition aux Pays-Bas, environ la moitié en Allemagne et en Grande-Bretagne contre moins d'un quart en France. Ici, le management de transition est un concept jeune et le marché n'est pas encore mature.
CIO : Quelles entreprises ont recours à un manager de transition et qui sera le recruteur du DSI de transition ?
Mary Dupont-Madinier : Les entreprises intéressées peuvent autant être de très grands comptes du CAC 40 que des PME.
Les interlocuteurs pour intégrer un DSI de transition dans une entreprise peuvent être, bien entendu, le DRH et le DG mais aussi le DSI. En effet, le DSI en poste peut avoir recours à un DSI de transition pour gérer un problème précis.
Cela dit, les DSI éprouvent des réticences évidentes à recourir à un DSI de transition qui pourrait être considéré comme un rival ou quelqu'un qui va pointer ses faiblesses. Mais une fois qu'ils ont bien compris le management de transition, il n'y a plus de problème.
PublicitéCIO : Dans quels contextes peut-on avoir recours à un DSI de transition ?
Mary Dupont-Madinier : Les contextes peuvent être très variés. Donnons juste quelques exemples.
Un cas typique est celui d'une cession d'activité. Il faut créer la DSI de cette activité qui se va séparer de l'entreprise et donc de son système d'information. A l'inverse, il peut y avoir consolidation ou fusion-acquisition qui entraîne des recherches de synergies entre les systèmes d'information et entre les deux directions. Et puis il y a les projets de performance comme sauver une implémentation de PGI, mener une externalisation, etc. Dans cette dernière catégorie, on peut inclure les gestions de crise, y compris le remplacement d'un DSI dont l'entreprise s'est séparé rapidement.
Le DSI de transition peut intervenir aussi bien en prenant la fonction, en gérant un projet précis ou bien en accompagnant quelqu'un dans son poste, par exemple pour coacher un nouveau DSI récemment promu. Notons que le nombre de missions de transformation liées aux enjeux autour de la digitalisation d'un business ou d'outils IT sont en croissance.
CIO : Quels sont les critères pour choisir un DSI de transition sur une mission ?
Mary Dupont-Madinier : Le premier critère sera évidemment des compétences très élevées sur le sujet concerné (par exemple : quelqu'un qui a déjà fait un déploiement similaire à celui qu'il faut réaliser mais plus important). Il faut également une expérience contextuelle (connaître les entreprises familiales, le secteur, etc.). Enfin, sa personnalité doit être bien adaptée à l'entreprise. Même s'il va falloir changer la culture de celle-ci, il est nécessaire de connaître la culture-source et la culture-cible pour faciliter le changement.
CIO : Est-ce que DSI est une fonction bien adaptée à du management de transition ?
Mary Dupont-Madinier : Il faut admettre que les DSI sont ceux qui subissent le plus de pressions dans l'entreprise, notamment en provenance des métiers et de la DG. Or ces derniers n'ont pas forcément la capacité à comprendre la technologie. Mais le DSI, lui, doit bien comprendre le business tout en étant capable de faire évoluer les technologies et de garantir l'agilité. Mais rien de tout cela n'empêche la mise en place d'un DSI de transition.
CIO : Quelles sont les erreurs à ne pas commettre dans une mission de management de transition ?
Mary Dupont-Madinier : La gouvernance de la mission est très importante. Il ne faut pas recourir à du management de transition pour s'occuper d'un sujet qui n'est pas compris par la direction de l'entreprise. Dans le cas de Valtus, l'associé responsable va rencontrer le client et analyser son contexte puis va chercher le bon profil avant d'accompagner la mission dans toute sa durée. En arrivant, le manager de transition va analyser la situation. Il arrive que le problème identifié initialement ne soit pas le bon. Un point essentiel sera donc de ne pas se tromper à ce moment là. Il faut bien valider le diagnostic en faisant le point régulièrement.
Bien entendu, une erreur majeure à ne pas commettre est de sélectionner un mauvais profil. La bonne sélection initiale constituera 80% de la réussite de la mission.
Enfin, il faut que l'accueil du DSI de transition et son intégration aux équipes soient bien faits afin que sa place et sa mission soient clairement comprises. Nous avons rédigé un guide sur le sujet, d'ailleurs.
CIO : Juridiquement, quels sont les relations entre le cabinet, l'entreprise et le DSI de transition ?
Mary Dupont-Madinier : Le manager de transition est en prestation de service, il n'est jamais salarié de l'entreprise où il va officier. Celle-ci signe un contrat avec le cabinet pour un service incluant la mise à disposition d'une équipe qui comprend l'associé Valtus et le manager de transition. Le cabinet, à son tour, signe un contrat avec la structure du manager de transition ou, plus rarement, sa société de portage.
Le cabinet Valtus peut signer des contrats en anglais et en français, en droit français ou anglais, et dans plusieurs monnaies selon les besoins. Sa force est de pouvoir contractualiser avec des PME/ETI mais aussi des grands groupes, Valtus a obtenu le label Bureau Veritas en 2010 et est contrôlé par l'organisme chaque année. Cette labellisation est un gage de qualité et répond aux exigences des grandes entreprises. Un indépendant, lui, ne peut pas faire tout cela.
CIO : Côté DSI, devenir manager de transition est-il une option subie, suite à un licenciement par exemple, ou un choix volontaire de carrière ?
Mary Dupont-Madinier : Les deux cas existent. Pour certains, c'est la possibilité d'obtenir plus d'indépendance, pour, d'un côté, travailler avec plus d'autonomie et, de l'autre, vivre une passion personnelle. Pour d'autres, victimes de réorganisations, devenir manager de transition est une possibilité qui s'impose pour simplement retrouver du travail.
Cela dit, un cabinet comme Valtus trie et valide le profil pour s'assurer que la personne en question est bien apte à devenir manager de transition. Pour donner un ordre de grandeur, sur 1600 CV reçus, 600 managers vont être reçus par des associés et 300 effectivement retenus. Nous cherchons des gens d'action, orientés objectifs et résultats. Ils doivent être pragmatiques, aimer l'analyse et être de bons communicants tant avec leurs équipes (pour les entraîner à relever des défis) qu'avec les directions métiers et générales.
Le profil de la personne selon les critères habituels du recrutement (tels que l'âge, le diplôme...) nous est généralement indifférent. Un autodidacte nous convient tout à fait à condition qu'il remplisse les critères pour la mission.
CIO : Le management de transition peut-il constituer une étape dans une carrière ?
Mary Dupont-Madinier : Parfois, oui. Mais il ne faut surtout pas prendre une mission avec comme idée derrière la tête « je cherche un emploi fixe ». Le manager de transition doit avoir la parole libre. Il ne doit surtout pas entrer dans une relation politique avec les autres managers.
CIO : Et pour préparer doucement sa retraite ?
Mary Dupont-Madinier : Oui, bien sûr.
CIO : Quelles erreurs le DSI de transition ne doit-il surtout pas commettre ?
Mary Dupont-Madinier : Nous avons aussi un guide pour lui... Pour l'aider à réussir ses dix premiers jours et arriver à faire son diagnostic.
Déjà, le DSI de transition ne doit pas se croire en terrain conquis. Il doit être à l'écoute de ses équipes, du métier, etc.
Il ne doit pas prendre le temps d'apprendre. Il n'a pas le temps. Il doit faire vite, ce qui différencie son intervention d'une embauche. Il doit aussi donner confiance très vite.
Comme je l'ai déjà mentionné, le DSI de transition ne doit pas venir dans l'optique de trouver un nouveau CDI. Et il doit avoir fait le deuil de son passé.
Enfin, pour éviter les frustrations, le DSI de transition doit se souvenir qu'il ne fait que passer, qu'il sera rapidement oublié après son départ. Sa satisfaction est d'avoir aidé l'entreprise, d'avoir « contribué » à son succès.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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