Jacques Marzin (DISIC) : « Nous gardons une approche raisonnée en matière de logiciels libres »


Relations clients, relations citoyens : la révolution numérique incontournable
Que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, les clients au sens le plus large, c'est à dire les utilisateurs du service final rendu par l'organisation, doivent être au coeur de l'activité. Clients, utilisateurs, citoyens, usagers ou mille autres termes désignent des cibles toujours...
DécouvrirJacques Marzin, directeur de la Disic (Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication) et ainsi « DSI groupe » de l'Etat, détaille la stratégie pragmatique qu'il défend en matière de logiciels libres. Cette prise de position intervient à environ deux semaines de l'Open CIO Summit et de l'Open World Forum.
PublicitéCIO : A un peu plus de quinze jours de l'ouverture de l'Open World Forum, quelle est aujourd'hui la stratégie de l'Etat en matière d'open-source ?
Jacques Marzin : La circulaire du premier ministre Jean-Marc Ayrault diffusée le 19 septembre 2012 reste toujours d'actualité. Nous ne changeons pas de stratégie tous les deux ans.
Au sein du socle interministériel des logiciels libres (SILL) nous référençons plusieurs « souches » de logiciels libres. Cette liste est mise à jour tous les ans, ne serait-ce que pour faire évoluer les versions. La prochaine est prévue pour janvier 2015.
Pour ces mises à jour, nous organisons des groupes de travail réunissant des contributeurs issus des ministères et de quelques collectivités. A l'origine, nous comptions cinq comités. Mais pour éviter les risques de recouvrement entre groupes, nous les avons réduits à trois : poste de travail/bureautique, production et développement.
CIO : Quelle est l'actualité des déploiements en logiciels libres dans le secteur public ?
Jacques Marzin : Coté bureautique, Libre Office est actuellement en cours de généralisation. Côté cloud, après avoir mené des expériences avec les solutions propriétaires de VMware, nous testons actuellement la pile OpenStack.
Par ailleurs, nous réalisons un très gros travail sur les bases de données. Nous nous intéressons particulièrement à Postgres en substitution, par exemple, aux bases d'Oracle. La problématique est complexe : les adhérences aux bases Oracle, liées par exemple aux procédures stockées, restent importantes. Or elles jouent sur la performance applicative. Par conséquent, la migration d'une base propriétaire vers une base libre engendre un coût de re-développement qui doit être au préalable estimé.
Il n'est pas question de bouleverser les applications existantes pour des raisons seulement idéologiques. Nous gardons une approche raisonnée en matière de logiciels libres.
CIO : Malgré tout, le modèle économique du logiciel libre est différent de celui du logiciel propriétaire. Est-ce que cela ne pose pas des problèmes lors des appels d'offres ?
Jacques Marzin : En partenariat avec le Service des Achats de l'Etat (SAE), nous avons travaillé sur un « clausier » [répertoire de clauses à insérer dans les appels d'offres, NDLR]. Tout a été fait pour faciliter le recours au logiciel libre dans le cadre des marchés publics.
Quant au modèle économique des solutions open source, il ne pose pas de difficulté particulière. La méthode d'analyse de la valeur que nous utilisons, en l'occurrence Mareva, intègre en effet tous les couts du SI dans la durée. Sur des périodes de plusieurs années. Elle intègre aussi bien les couts de licence quand ils existent, que ceux liés à la maintenance et au support.
PublicitéCIO : Les formats de fichiers impliquent des adhérences à des solutions précises, ce qui nuit à la mise en concurrence tant désirée. Quelle politique suivez-vous en la matière ?
Jacques Marzin : Nous poursuivons la voie tracée par le Référentiel Général d'Interopérabilité (RGI), celle des formats ouverts. Nous travaillons actuellement sur sa mise à jour qui devrait être publiée début 2015. Mais le vrai problème réside surtout dans la bureautique, en particulier dans les fichiers Excel comportant des macros. Le chantier du poste de travail personnel est sans aucun doute le plus compliqué.
Les échanges inter-applicatifs posent moins de problèmes, car ils reposent, dans l'immense majorité des cas, sur des formats ouverts de type XML.
CIO : L'existence même de mini-applications dans des macros Excel n'est-elle pas un problème relevant de l'informatique grise ?
Jacques Marzin : Pas du tout. Ces outils de productivité personnelle ont leur place dans le système d'information de l'Etat. Cela n'aurait aucun sens de redévelopper ces outils d'usage local sur mainframe ou en Java, avec les lourdeurs d'une telle procédure et les coûts engendrés. Il s'agit simplement d'éduquer les utilisateurs et faire en sorte qu'ils développent des macros compatibles avec Libre Office..
Mais précipiter le mouvement de conversions en précipitant la migration des logiciels vers des outils libres engendrerait des coûts sans commune mesure avec les économies à réaliser éventuellement sur les coûts des licences.
Sans compter que cela toucherait directement les pratiques des agents qui se verraient pénalisés dans leur quotidien.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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