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Bouygues Construction se fait guider par Némo dans un océan d'informations

Bouygues Construction se fait guider par Némo dans un océan d'informations

Pour garder la richesse de ses multiples intranets tout en partageant les bénéfices des informations qui y sont contenus, Bouygues Construction a installé un moteur de recherche basé sur la solution Sinequa, en le renommant Némo.

PublicitéLe groupe Bouygues Construction compte aujourd'hui environ 50000 collaborateurs pour un chiffre d'affaires annuel de plus de 8 milliards d'euros et connaît une forte croissance : 10000 nouveaux collaborateurs et 18% d'augmentation de l'activité chaque année. Lancée en 2004 et voulue par la direction générale, la feuille de route « partage des connaissances » vise d'une part à accroître la compétitivité de l'entreprise et d'autre part à mieux intégrer les nouveaux collaborateurs, en leur faisant bénéficier de l'expérience acquise par leurs prédécesseurs. Deux problématiques sont mises en avant : le partage des savoirs à proprement parler et la mise en place d'un annuaire du personnel permettant de savoir qui interroger dans le groupe face à une situation posant un problème, étant donné que, dans le secteur du bâtiment, les savoirs sont souvent tacites. Il existe depuis longtemps au sein du groupe de nombreuses bases de connaissances de tous types, accessibles via intranet et liées à des communautés de pratique. L'une des hypothèses envisagées est de construire un intranet unique. « Cela aurait été monstrueux et totalement contraire à la richesse issue des initiatives diverses surgissant dans le groupe » explique Eric Juin, responsable du domaine Knowledge Management au sein de Structis, le GIE informatique du groupe Bouygues Construction. Cette première hypothèse est donc rapidement écartée. Un annuaire de référence centralisé comme point de départ De mi-2004 à mi-2005, le premier sujet traité, pour des raisons de facilité, est celui de l'annuaire. Eric Juin se souvient : « les experts nous préconisaient la mise en place d'un méta-annuaire en LDAP. Mais cela suppose déjà d'avoir des annuaires locaux bien à jour et une clé de jonction universelle sans équivoque (donc pas le couple nom-prénom, à cause des nombreux homonymes) au sein de l'ensemble du groupe pour relier les différentes sources de données à rapprocher : annuaire téléphonique, GRH, etc. » Faute de pouvoir compter sur une telle situation, il est décidé de créer un outil indépendant destiné à être la source d'information primaire pour tout le groupe, mis à jour par chacun avec l'assistance de 800 « administrateurs de proximité », en général des assistantes chargées de pousser les collaborateurs du groupe à utiliser et mettre à jour cet outil. Cet annuaire permet à des personnes se situant dans des situations proches de se contacter pour échanger des expériences. « Mais recenser tous les boulangers ne permet pas de savoir qui fait du bon pain : un simple annuaire ne permet pas de raconter toutes les expériences vécues » observe Eric Juin. Or les questions les plus diverses se posent aux collaborateurs du groupe tous les jours dans le monde : « quelles précautions prendre pour installer un plancher en bambou sur une dalle chauffante ? », « quelles sont les bonnes pratiques en matière de dallage des centres commerciaux ? »... Et les informations se trouvent généralement déjà quelque part dans la masse d'information disponible sur les intranets du groupe. De multiples sources d'information Cinq grandes catégories de contenus ont été identifiées chez Bouygues Construction : les descriptions des procédures internes, les textes réglementaires (et les rapports de veille réalisés par les juristes), les analyses d'expériences (les mémoranda et analyses sur les expériences vécues), la vie des projets « brute » (comptes-rendus de réunions sans prise de recul...) et enfin la documentation diverse (catalogues, fiches produits...). La première phase du projet de moteur de recherche transverse aux différents intranets du groupe a donc consisté à recenser les différentes sources de données par catégorie. Fin 2005, un cahier des charges précis a été achevé : « nous avons envoyé notre lettre au Père Noël à 18 éditeurs le 22 décembre 2005 » se souvient Eric Juin. L'objectif était que le moteur de recherche finalement choisi puisse trouver des informations documentaires mais également des noms de personnes s'étant exprimées sur un sujet. Début 2006, Bouygues Construction reçoit 14 réponses. Eric Juin remarque : « il était inimaginable de ne pas consulter Google, qui est leader de la recherche sur Internet et connu de tous les collaborateurs, mais leur offre n'est pas du tout sémantique et elle ne répond pas à nos besoins. Nous avions panaché la liste des entreprises interrogées en mêlant des leaders (Fast, Autonomy...) et des challengers (comme Sinequa). Plusieurs acteurs américains n'ont pas répondu faute de forces suffisantes en Europe. Nous avons finalement retenu, en mars 2006, six candidats à qui nous avons demandé de réaliser une maquette et de venir défendre leur projet. Trois l'ont fait : le consortium Exalead-Lingway, Fast et Sinequa. » Bouygues Construction décide alors de passer en mode prototype, en rémunérant les fournisseurs, ce qui est fait pour le prototype pouvant évidemment être repris pour le projet définitif. Fast décline la proposition, ses ressources en France étant indisponibles pour un tel projet à ce moment là. De mai à juillet 2006, les deux prototypes sont testés sans identification du fournisseur (il y a le « moteur orange » et le « moteur bleu ») par des utilisateurs finaux dans plusieurs unités opérationnelles construisant des hopitaux, autant des concepteurs techniques que des monteurs d'affaires, des ingénieurs travaux et des commerciaux, à la fois en France et en Grande Bretagne. Eric Juin insiste : « les finalistes avaient en main dès ce stade le protocole de recette précisant exactement ce que nous allions juger et comment, avec le critère essentiel : la pertinence des réponses aux requêtes. Comme au patinage artistique, un éditeur de logiciel est toujours bon dans les figures libres et on ne peut véritablement le juger que dans les figures imposées. Nous avons identifié trois situations de recherche : je sais exactement ce que je cherche (mais quelle durée cela va-t-il prendre de trouver ?), je cherche qui peut m'aider sur un sujet et enfin je cherche quelque chose sans connaître le bon mot clé. Pour illustrer ce dernier cas, si vous cherchez des informations sur du béton colémanite, il est peu probable que le terme apparaisse dans la base documentaire car tout le monde le désigne sous le terme de béton au borate de calcium... Pour chaque situation, nous avons jugé deux phases : d'un côté sans les aides à la navigation, à la Google ; de l'autre avec ces aides comme les filtres, les indications de nature du document, les suggestions de mots-clés complémentaires etc. L'un des critères importants était aussi la capacité à obtenir des noms de personnes ayant rédigé quelque chose sur un sujet. Or, la grande difficulté, c'est que les chantiers ont généralement le nom de la rue où ils se situent. Nous avons ainsi appris que Charles De Gaulle et Gabriel Péri avaient beaucoup écrit sur les usages du béton... et que nous avions embauché Pierre de Taille, Pierre de Façade et Marjorie Warren, une gériatre anglaise ayant donné son nom à un hôpital que nous avons construit... ». L'application d'un protocole clair a permis un dialogue avec les éditeurs pour éliminer des aberrations de ce type par un paramétrage approprié de l'outil. « Chacun des deux candidats avait ses points forts et ses points faibles » juge Eric Juin. Il mentionne par exemple : « Lingway est très bon pour les thésaurus, et nous avons d'ailleurs travaillé avec eux sur ce sujet spécifique, et leur produit est capable de décrire que dans le bâtiment, un corbeau n'est ni un oiseau ni un expéditeur de lettre anonyme mais une partie d'ouvrage et que personne ne s'assoit sur un tabouret. Exalead-Lingway était globalement très bon pour les extractions d'entités et de noms ainsi qu'en ergonomie. A l'inverse, Sinequa était le meilleur en pertinence et en homogénéité des résultats. » Les éditeurs ont eu des devoirs de vacances pour l'été 2006 Lors du premier bilan des prototypes, le 1er juillet 2006, les éditeurs sont repartis avec des « devoirs de vacances » : l'objectif était de corriger les derniers soucis rencontrés et de faire une proposition financière pour le projet final. Eric Juin justifie le choix final de Sinequa : « Exalead-Lingway avait l'inconvénient d'un plus grand nombre de petits défauts tandis que Sinequa était meilleur presque partout mais avec de vraies faiblesses sur des points précis et limités. Sinequa dispose, de plus, d'un laboratoire de R&D qui nous a donné confiance. Au pire, un moteur de recherche n'est pas structurant et une erreur peut se rattraper... Le coût du projet est confidentiel mais le tarif n'était pas un critère différenciant. » Le coût final intègre, de plus, le temps passé par 18 personnes au sein de Bouygues Construction, en plus des testeurs. La mention de Sinequa n'apparaît nulle part sur le moteur de recherche : le produit en utilisé en « marque blanche » sous la forme d'un onglet et d'une zone texte de recherche dans l'intranet. Le service est baptisé Nemo. Un changement d'éditeur est donc d'autant plus facile. Une montée en charge progressive... Le recensement des sources de données à indexer a débuté en octobre 2006, phase indispensable car un moteur de recherche d'entreprise n'indexe pas en suivant les liens hypertextuels comme un moteur sur Internet : bases SQL de métadonnées et de pointeurs vers des documents, contenus gérés sous Documentum ou sous Spip, ponctuellement des bases Notes/Domino, du HTML pur, des serveurs de fichiers bureautiques... Le travail a été fait avec Unilog Management. Au final Bouygues Construction a trouvé 450 sources documentaires pertinentes au lieu des 150 prévues initialement... Némo est installé sur deux serveurs Windows Server 2003 dédiés avec des bases SQLServer, Sinequa étant lui-même en technologie Microsoft .Net. Une indexation complète des contenus visés prend, en partant de zéro, deux semaines. « Pour éviter de trop ralentir les interrogations par les utilisateurs, nous menons les indexations sur une machine avant de répliquer la base sur l'autre, celle accessible par les utilisateurs finaux » précise Eric Juin. La montée en charge du produit est progressive : mi-janvier, le système est opérationnel sur 250 sources de données « nettoyées ». Les responsables de contenus apprécient en général le rangement qui va permettre de valoriser leur propre travail. Pour Eric Juin, « un moteur de recherche, c'est une porte vitrée sur une armoire : le discours de Google prétendant qu'il n'y a pas besoin de ranger est une absurdité, c'est au contraire une incitation à ranger ». Une gestion du changement soignée Un pilote final est lancé en février 2007 avec 1500 utilisateurs. « Pour juger des besoins en accompagnement, nous avons testé plusieurs approches : certains utilisateurs ont été choyés, d'autres laissés très autonomes, certains ont eu droit à des animations en cafétaria, etc. » se souvient Eric Juin. En mars 2007, une enquête de satisfaction a permis de convaincre la direction générale qu'une véritable stratégie de communication et de gestion du changement était nécessaire. Eric Juin stipule : « l'ergonomie ne fait pas tout, même si Jean-François Dubos d'Ergonomica nous a fait un excellent travail. Il faut en effet apprendre aux gens à utiliser un tel outil, à en tirer tout le parti possible. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les Internet natives, ces fameux nouveaux salariés dont nous avions aussi pour mission de faciliter l'intégration... ». Un kit de communication est alors conçu par le cabinet Stardust et diffusé dans tout le groupe, comprenant une vidéo, des affiches pour cafétarias, une documentation sous forme de FAQ et... un presse-papier pour les jeunes coaches chargés d'aider les anciens et qui le posent sur leur bureau comme signe de reconnaissance. Après la présentation finale de l'ensemble le 15 mai 2007 à une direction générale enthousiaste, Némo est ouvert à tout le groupe officiellement le 16 mai et les formations débutent aussitôt dans tout le groupe. La gestion du changement a donc reposé à la fois sur une large communication interne mais aussi sur une transmission pyramidale du savoir. Quand on lui parle de ROI, Eric Juin conclut : « je ne crois pas à une approche de la rentabilité de ce genre de projets sous forme de ROI, avec le bon vieux discours de consultants du 5 minutes gagnées chaque jour par chaque salarié pour un coût salarial de tant ainsi économisé. Mais par contre, l'apport humain est énorme, à commencer par l'intégration des nouveaux entrants dans le groupe qui a été facilitée. Et il faut aussi se poser la question du coût de ne pas faire : combien économisons nous si, sur un seul chantier, un ingénieur évite, grâce à Némo, de refaire une erreur qui a déjà été corrigée ailleurs ? » Article validé par Eric Juin

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